Luigi di Maio, vice-président du Conseil italien a appelé l’Union européenne à imposer des sanctions à la France pour sa politique en Afrique, accusant celle-ci de manipuler et de contrôler les économies des pays qui utilisent le franc CFA. Il n’en fallait pas plus pour relancer le débat en Afrique autour de cette monnaie.
Dimanche 20 janvier, Luigi di Maio a appelé l’Union européenne (UE) à imposer des sanctions à la France pour sa politique en Afrique. Le vice-président du Conseil italien a déclaré que la France n’avait «jamais cessé de coloniser des dizaines d’États africains». Les propos de M. Di Maio sont intervenus au moment où l’Onu a déclaré que deux embarcations d’environ 170 migrants étaient clairement menacées de naufrage en méditerranée.
«L’UE devrait imposer des sanctions à la France et à tous les pays comme la France qui appauvrissent l’Afrique et obligent ces gens à partir, parce que les Africains devraient être en Afrique et non au fond de la Méditerranée», a déclaré Luigi di Maio.
Le 21 janvier, le leader du Mouvement des cinq étoiles et ministre du Travail et de l’Économie a de plus accusé la France de manipuler et de contrôler les économies des pays africains qui utilisent le franc CFA.
«La France est l’un de ces pays qui, en émettant une monnaie pour 14 pays africains, empêche leur développement économique et contribue au fait que les réfugiés partent et meurent ensuite en mer ou arrivent sur nos côtes.»
Selon le dirigeant du Mouvement 5 étoiles, c’est en «appauvrissant» des pays toujours colonisés que la France empêcherait les Africains de s’épanouir dans leurs propres pays, les condamnant ainsi au funeste destin de migrants.
Ces déclarations sur le franc CFA, cette monnaie datant de l’époque coloniale et garantie par le Trésor français, ne sont pas passées inaperçues sur la Toile africaine et dans l’opinion. Elles ont provoqué une vague de réactions vigoureuses chez plusieurs observateurs qui pensent que les États africains devraient sauter sur l’occasion pour arracher leur indépendance, en sortant du franc CFA.
«Cette prise de conscience des hommes politiques européens nous réconforte dans la mesure où l’on se rend compte que le message des panafricanistes passe auprès d’eux», se réjouit Pierre Claver Nkodo, journaliste camerounais dans les colonnes du site d’information Camer.be.
Avant de préciser:
«Nous espérons qu’il y aura un effet boule de neige au sein de l’Union européenne. La France profite de la pratique de la langue française pour abrutir la population africaine et continuer à nous appauvrir. La France, c’est la puissance colonisatrice qui continue à aller en Afrique pour jouer dans la cour des grands. Il y a eu des puissances comme le Portugal, la Grande-Bretagne… mais elles ont quitté l’Afrique», poursuit le journaliste.
Un sentiment de plus en plus partagé dans l’opinion.
«C’est malsain de s’ingérer, de se servir à gogo dans les affaires internes de 14 pays de tout un continent, sans que cela ne gêne personne. Dois-je rappeler que Paris contrôle l’économie de ces États de l’Afrique subsaharienne? Le plus intriguant, c’est qu’elle bombe le torse au niveau international. Elle se vante d’avoir pris tout un continent en otage. Cette situation a un impact négatif sur la marche du monde. L’immigration clandestine en Europe en est une preuve palpable», s’indigne Didier Ndengue, blogueur camerounais.
Dans une tribune libre publiée sur JeuneAfrique.com, au lendemain des déclarations de Luigi di Maio, l’essayiste camerounais Yann Gwet déclare:
«La mobilisation anti-franc CFA est en effet un des développements les plus positifs en Afrique ces dernières années. Mais il y a tout lieu de penser qu’elle est loin de son niveau optimal. L’ignorance domine encore.»
Il conclut son analyse en indiquant que:
«Sortir du franc CFA exigera au préalable de remettre l’enjeu de la souveraineté au cœur du débat monétaire africain. Cela permettra de repolitiser la question monétaire, et d’emprunter les chemins fertiles tracés par nos leaders d’antan.»
Le franc CFA est né le 26 décembre 1945, jour où la France ratifie les accords de Bretton Woods et procède à sa première déclaration de parité au Fonds monétaire international (FMI). Il signifie alors «franc des colonies françaises d’Afrique». Il prendra par la suite la dénomination de «franc de la communauté financière africaine» pour les États membres de l’Union Monétaire ouest africaine (UMOA), et «franc de la coopération financière en Afrique centrale» pour les pays membres de l’Union Monétaire de l’Afrique centrale (UMAC).En Afrique, les «zones franc» constituent des espaces monétaires et économiques. Ces ensembles, formés d’États et de territoires, sont issus de l’évolution et des transformations de l’ancien empire colonial français et d’États qui n’étaient pas des colonies françaises, comme le Cameroun et le Togo, la Guinée équatoriale et la Guinée-Bissau. Aujourd’hui, une polémique s’est installée sur la pertinence du maintien de cette monnaie. De nombreuses voix estiment qu’il s’agit d’une relique coloniale qui plombe les économies africaines.