Uruguay : Mouvement de masse des producteurs des campagnes

Le 23 janvier, le mouvement « Un seul Uruguay » s’est de nouveau réuni dans le département de Durazno, au centre du pays. Il y a un peu plus d’un an, ce mouvement ruraliste est apparu, mais à cette époque il s’appelait « les autoconvoqués ».

« Un seul Uruguay » rassemble les petits, moyens et grands producteurs des campagnes, avec une indignation authentique, mais ceux qui portent la voix et leurs intérêts dans les proclamations sont les grands producteurs.

Il s’agit d’un mouvement qui ne répond à aucun parti politique, mais qui a de grandes affinités avec le Parti National et l’Association Rurale de l’Uruguay (ARU). Étonnement, ce mouvement peut compter sur la sympathie et le soutien d’Unité Populaire, un parti autoproclamé comme la « vraie gauche » du pays et qui s’est coordonné plus d’une fois avec la droite locale.

1548275770111Ce groupe politique a plusieurs fois fait comme un cavalier qui monte à cheval : monter à gauche pour finir par descendre à droite.

Il est vrai que le Front Large de centre-gauche – au gouvernement depuis trois administrations successives – a une grande dette avec la question des campagnes et la réforme agraire (qui est dans les postulats historiques de cette force politique mais qui est de moins en moins mentionnée) mais il constitue la réponse aux constructions du futur pour ceux d’en bas.

Il vaut la peine de dire que la réforme agraire ne peut se limiter à la distribution de la terre. Elle doit être attractive pour tous les acteurs de la vie rurale, ce qui implique la décentralisation des services, la possibilité de créer des centres civiques, des lieux de loisirs et de détente, des hôpitaux, des écoles, etc.

Car si l’attraction est Montevideo, la capitale uruguayenne, et celle du département local, elle sera toujours tournée vers l’extérieur. Si vous voulez développer vos compétences cognitives, professionnelles, etc, oui, vous devez étudier dans la capitale, y vivre et y travailler. Il faut commencer à concevoir et à construire des centres démographiques favorisant le développement humain dans toutes ses zones et ses périphéries, attrayants et alimentés par les zones adjacentes aux centres urbains.

Un Seul Uruguay, malgré son peu de temps dans l’arène politique et médiatique, a été impliqué dans des affaires de corruption et de crimes divers. Il tente d’exprimer la lassitude d’un seul secteur et de la généraliser comme si le pays s’effondrait. Mais le parti au pouvoir s’est montré préoccupé et a mis en œuvre des politiques en faveur des personnes les plus négligées historiquement dans les campagnes. (Loi de huit heures pour le travailleur rural, par exemple).

Ne nous laissons pas tromper par ceux qui sont devenus plus riches que jamais au cours des 15 dernières années. Qu’ils ne nous fassent pas ressentir que tout va mal parce qu’ils utilisent les petits et moyens producteurs comme chair à canon.

La formule « Un Seul Uruguay » est une rhétorique intéressante et discursive. Elle fait appel à la notion d’unité nationale. Pas de divisions, pas de conflits, pas de « failles ». « Accrochons le chariot » (comme symbole de la campagne et de l’Uruguay dans son ensemble) tous vers le même objectif.

Mais ce n’est pas le cas : la réalité est différente et peut être clairement décrite en deux idées brèves. La première est que si nous prétendons construire un Uruguay pour « tous », c’est qu’il n’existe pas un seul Uruguay, mais nous devons inclure tous les Uruguay de notre territoire. Au sein de la pluralité pour pouvoir inclure autant de personnes que possible dans la poursuite du bonheur des grandes majorités.

1548275950642.jpegL’expression « Un Seul Uruguay » est une ressource utilisée pour essayer de brouiller les différences existantes entre tous les secteurs qui participent à ce mouvement et, plus encore, pour l’étendre et l’extrapoler à l’ensemble du pays, car Un Seul Uruguay est présenté comme étant une force politique au niveau national.

Plus que des différences, il s’agirait d’inégalités sociales, où les grands propriétaires fonciers qui y participent sont directement responsables de cette situation. Ce sont les mêmes propriétaires fonciers qui phagocytent les petits producteurs, faisant en sorte que la campagne se vide et s’enrichissant au prix des difficultés des plus faibles.

Cet Uruguay 2019 a des élections présidentielles au mois d’octobre et c’est vers la vox populi que ce mouvement se retournera pour demander le vote pour le bloc conservateur-réactionnaire du Parti National dans un éventuel ballotage (second tour électoral) contre le Front Large.

Les mouvements sociaux et la participation à la vie politique sont une bonne chose. Mais il est nécessaire qu’ils sortent du placard idéologique et expriment ce qu’ils représentent vraiment : les secteurs concentrés et oligarchiques des campagnes, qui sont en collusion avec les médias et qui veulent condamner l’Uruguay à être un pays agro-exportateur pour toujours et pour leur propre bénéfice.

Car tant que tout ne changera pas, pour paraphraser le grand Atahualpa Yupanqui, les peines resteront les nôtres et les vaches seront libres.

Source : Un solo Uruguay (para unos pocos grandes productores rurales)