Crainte d’avoir son téléphone écouté, délais dans l’obtention des visas, surveillance lors de reportages, interpellations: les conditions de travail des journalistes étrangers en Chine se sont encore dégradées en 2018, selon un rapport publié aujourd’hui.
Un sondage réalisé auprès de 109 personnes « fait état des pires conditions de reportage en Chine de l’histoire récente », a indiqué le Club des correspondants étrangers en Chine (FCCC) dans un communiqué. Au total, 55% des journalistes interrogés estiment que leurs conditions de travail se sont dégradées en 2018 – contre 40% l’année précédente.
La crainte d’être suivi ou surveillé était un souci pour près de la moitié des personnes ayant répondu à l’enquête. Par ailleurs, 91 % étaient inquiets quant à la possible surveillance de leurs téléphones par les autorités. Sur 27 journalistes interrogés s’étant rendus l’an passé dans le Xinjiang, une région peuplée majoritairement de musulmans dans le nord-ouest de la Chine et régulièrement touchée par des attentats meurtriers, 24 disent avoir été perturbés dans leur travail.
Jusqu’à un million de Ouïghours et d’autres membres d’ethnies chinoises de langue turque sont ou auraient été détenus dans cette région sensible, selon des estimations d’un groupe d’experts cité par l’ONU. La Chine a dans un premier temps nié l’existence de ces centres, mais affirme désormais qu’ils visent à combattre l’extrémisme en proposant aux personnes internées des « formations professionnelles ». Des journalistes étrangers en reportage dans la région ont dû effacer des photos ou des données, interrompre des interviews, et certains ont même été interpellés, affirme l’enquête.
« On m’a suivi et traqué sur près de 1600 kilomètres, avec au moins neuf voitures et 20 personnes », a indiqué dans le rapport Nathan Vander Klippe, correspondant pour le journal canadien Globe and Mail. « La police armée s’est approchée de mon véhicule avec les boucliers levés, en me disant de mettre les mains à l’extérieur de la voiture. »
La Chine affirme que les journalistes étrangers ont le droit d’interviewer les personnes de leur choix, si ces dernières donnent leur accord. Mais les correspondants dénoncent des pressions croissantes des autorités. Beaucoup affirment avoir eu des difficultés à renouveler leur visa, selon l’enquête du FCCC, organisation jugée « illégale » par Pékin. Six d’entre eux disent penser que cela avait un rapport avec leur couverture de l’actualité. Des employés chinois de médias étrangers présents en Chine ont également été harcelés ou intimidés, affirme l’enquête.