Huawei inculpé par les États-Unis de vol de technologies

Washington a annoncé, lundi, une série de chefs d’inculpation contre la dirigeante du fabricant chinois de smartphones mais aussi contre Huawei lui-même.

Les tensions diplomatico-judiciaires entre les États-Unis et la Chine ne sont pas près de disparaître. Au contraire. Lundi soir, Washington a annoncé une longue série de chefs d’inculpation contre Meng Wanzhou, la directrice financière du groupe Huawei arrêtée en décembre dernier au Canada à la demande des enquêteurs américains, ainsi que contre le fabricant chinois de smartphones lui-même. Au total, le ministère américain de la Justice a énoncé 13 chefs d’inculpation, tous liés à des violations des sanctions américaines en vigueur contre l’Iran. Et a également inculpé deux filiales de Huawei, pour association de malfaiteurs en vue de voler des secrets industriels, en l’occurrence des technologies cellulaires de l’américain T-Mobile, à son siège de Bellevue, dans l’État du nord-ouest américain de Washington.

Dans le viseur des ingénieurs de Huawei, selon l’acte d’accusation : le robot Tappy, imaginé par T-Mobile pour reproduire un doigt humain et tester ainsi ses appareils cellulaires. Ces deux filiales, Huawei Device Co., Ltd. et Huawei Device Co. USA, sont visées au total par 10 chefs d’inculpation pour des faits remontant à la période 2012-2014, parmi lesquels figure également une accusation d’obstruction à la justice. « Ces deux séries d’inculpations mettent au jour les actions éhontées et persistantes de Huawei pour exploiter les sociétés et institutions financières américaines et pour menacer la concurrence mondiale libre et équitable », a déclaré le directeur du FBI, Christopher Wray.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a réagi mardi avec colère, dénonçant des « manipulations politiques ». Pékin reproche régulièrement à Washington de vouloir enrayer à tout prix le développement de ses fleurons technologiques. Dans un communiqué transmis à l’Agence France-Presse, Huawei a démenti « qu’il, ou une de ses filiales ou sociétés affiliées, ait commis les violations supposées de la loi américaine énoncées dans chacun des actes d’accusation ». La compagnie « n’a pas connaissance d’actes répréhensibles de la part de Mme Meng et est persuadée que les tribunaux américains aboutiront à la même conclusion », a-t-elle indiqué.

Pékin dénonce une campagne internationale « immorale »

L’arrestation, début décembre à Vancouver, de Meng Wanzhou, fille du fondateur du groupe, a déjà provoqué de forts remous diplomatiques. En liberté surveillée à Vancouver, la dirigeante de Huawei doit comparaître le 6 février devant un juge canadien dans le cadre de la procédure d’extradition lancée par les États-Unis. Washington a confirmé qu’une demande formelle d’extradition serait présentée avant la date butoir du 30 janvier. Mardi, Meng Wanzhou doit de nouveau être entendue à la Cour suprême de Vancouver, cette fois pour une audience concernant les conditions de sa libération conditionnelle, selon plusieurs médias canadiens.

Dans ce qui a été largement interprété comme des représailles de Pékin, la Chine a depuis arrêté deux Canadiens et un tribunal chinois en a condamné à mort un troisième. La crise diplomatique avec Ottawa a même abouti au limogeage, par le Premier ministre canadien Justin Trudeau, de son ambassadeur en Chine John McCallum, en raison de propos controversés sur la procédure d’extradition de Meng Wanzhou. Si Washington est en pointe pour contrer Huawei, le géant des télécoms est l’objet de regards de plus en plus suspicieux dans un nombre grandissant de pays occidentaux, à tel point que le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a dénoncé vendredi une campagne internationale « injuste et immorale ».

Des relations Chine – États-Unis déjà tendues

Plusieurs États ont exclu Huawei du déploiement de la 5G, mettant parfois en cause des failles sécuritaires, voire des soupçons d’espionnage, ce que le groupe dément catégoriquement. Pékin a accusé mardi Washington d’utiliser « le pouvoir de l’État pour discréditer et attaquer certaines entreprises chinoises, dans une tentative d’étrangler leurs opérations, qui sont légitimes et légales ». L’administration de Donald Trump a lancé ces derniers mois une offensive tous azimuts contre la Chine, l’accusant de vol de technologies, de « bellicisme à l’égard de ses voisins », ou encore de développer un « État totalitaire à l’intérieur de ses frontières ».

Cette attaque se déroule sur fond de guerre commerciale déclenchée par le président américain à coups de taxes douanières. De nouvelles négociations commerciales doivent reprendre cette semaine à Washington, où le milliardaire républicain va rencontrer le vice-Premier ministre Liu He, à la tête de la délégation chinoise. Cette dernière est arrivée lundi dans la capitale américaine, a annoncé un média d’Etat chinois. Les inculpations visant Huawei « n’ont rien à voir avec nos négociations commerciales avec la Chine », a assuré lundi le ministre américain du Commerce, Wilbur Ross. Mais il a aussitôt ajouté que son ministère continuerait de travailler avec le reste du gouvernement « pour protéger les intérêts de la sécurité nationale ».

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