Le Traité sur les forces nucléaires intermédiaires entre les États-Unis et la Russie à deux doigts d’exploser

Le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI en français ; INF en anglais pour Intermediate-Range Nuclear Forces Treaty) concerne l’élimination de tous les missiles de croisière et missiles balistiques américains et russes (soviétiques) lancés depuis le sol et ayant une portée se situant entre 500 et 5 500 km. Il est le premier traité à avoir éliminé totalement une catégorie d’armement.

De 1987 à 2014, Russes et Américains ont poursuivi leurs processus d’élimination. Mais en 2014, Washington a accusé Moscou de ne plus respecter le Traité ; les Russes auraient testé un missile de croisière dont la portée se situait dans la fourchette 500/5 500 km. Il s’agissait d’une version du missile Iskander.

Cette version apparaît dans la nomenclature russe sous le nom de Novator 9M729, alors que les États-Unis l’appellent le SSC-8.

À la fin de l’année 2018, Washington a adressé à Moscou un ultimatum, lui donnant soixante jours pour se conformer au traité FNI sous peine d’enclencher, samedi 2 février, la procédure de retrait qui est censée durer six mois. Les États-Unis ont ensuite spécifiquement demandé à la Russie de détruire ses missiles de croisière SSC-8.

Une portée maximale discutable

Pour l’Otan, comme pour Washington, le SSC-8 est capable de frapper une cible distante de 500 à 1 500 km. Le missile russe contesté par les États-Unis respecte les termes du traité nucléaire, a assuré l’armée russe. « La portée maximale du missile 9M729 […] est de 480 km », a affirmé à la presse l’un des hauts responsables de l’armée russe, le général Mikhaïl Matveevski, en évoquant ce missile sol-sol pouvant être porteur d’une tête nucléaire.

Des négociations ont eu lieu mardi 15 janvier à Genève, entre Russes et Américains à Genève. Elles ont été infructueuses, la représentante américaine Andrea Thompson accusant Moscou d’être toujours en « violation flagrante » du traité. Dix jours plus tard, le Conseil Otan-Russie, réuni à Bruxelles, n’a pas réussi à dégager un compromis qui aurait pu sauver le traité de 1987. « Le traité est réellement menacé », a conclu le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg.

On s’achemine donc vers un retrait américain. Ce qui inquiète les Européens qui craignent une nouvelle course aux armements à portée intermédiaire et qui redoutent que l’Europe de l’ouest ne devienne un potentiel champ de bataille nucléaire.

Moscou, pour sa part, se dit prêt à sauver le traité. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, espère que les Européens pourront raisonner l’administration Trump : « J’espère que ces pays européens qui sont intéressés par ceci (le traité FNI), peut-être même plus que quiconque, feront des efforts pour ne pas être du côté des Américains. »

« Nous devons cesser d’être passifs »

Pour Béatrice Fihn, directrice de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), prix Nobel de la Paix 2017, « si ce traité est abandonné et que les États-Unis s’en retirent, alors les deux pays seront libres de mettre en place ces missiles à portée intermédiaire aux frontières de l’Europe ».

La directrice de l’ICAN estime que le reste du monde a été « laissé de côté à simplement regarder (Donald Trump et son homologue russe Vladimir Poutine) et leurs ego » décider du sort de ce traité crucial. « Nous devons cesser d’être passifs, a-t-elle dit. Ce n’est pas seulement l’affaire de Trump et Poutine mais c’est une question de portée mondiale et tous les gouvernements ont un rôle à jouer. »