«Soit Porochenko, soit Poutine» : la présidentielle en Ukraine, un choix cornélien ?

Le président ukrainien sortant Petro Porochenko a officialisé le 29 janvier son intention de briguer un nouveau mandat à la tête de l’Ukraine. Une élection qu’il souhaite, et il ne s’en cache pas, transformer en référendum contre la Russie.

Le premier tour de l’élection présidentielle ukrainienne se tiendra le 31 mars prochain. Le président sortant, Petro Porochenko, a déjà fait part, le 29 janvier, de son souhait de briguer un nouveau mandat à la tête du pays. Atlantiste convaincu, le magnat de la confiserie, qui est l’un des hommes les plus riches du pays, a officialisé son entrée en lice dans la course à la magistrature suprême lors d’un meeting organisé dans la capitale ukrainienne, Kiev. Plus précisément, l’annonce a été faite lors du forum consacré à la «voie européenne» de l’Ukraine cheval de bataille de Porochenko, arrivé au pouvoir après le coup d’Etat du Maïdan en 2014.

Un pamphlet contre la Russie et Vladimir Poutine en guise de programme politique

Lors de son discours, le président ukrainien a étayé quelques bribes d’un programme axé, sans surprise, sur la continuité de la politique étrangère ukrainienne, tournée vers Bruxelles et Washington : «Je demande aux électeurs un nouveau mandat pour garantir l’irréversibilité de notre intégration européenne et euro-atlantique […], pour renouveler l’intégrité territoriale de l’Ukraine et apporter la paix à l’Ukraine.» Un cap qui est également synonyme de poursuite de l’éloignement avec la Russie.

Signe explicite de cette volonté, lors de ce meeting, une affiche de campagne proposait : «Soit Porochenko, soit Poutine !» Ni plus ni moins…

Le président sortant a d’ailleurs ouvertement mentionné les relations conflictuelles de l’Ukraine avec Moscou lors de son discours. «Il nous faut la paix avec la Russie, même si celle-ci est froide. Les gens sont fatigués de la guerre», a-t-il estimé et de renchérir : «L’ennemi n’est pas venu chez nous pour la Crimée ou pour le Donbass, l’ennemi est venu chercher l’Ukraine entière pour faire revenir la fugitive dans la prison des peuples.» Le ton est donc donné : Kiev maintient son cap, celui d’une confrontation ouverte avec Moscou, accusé de tous les maux… de l’Ukraine.

Une volonté d’impliquer la Russie dans un conflit pourtant intérieur, la crise du Donbass opposant les partisans du nouveau pouvoir de Kiev, issu du coup d’Etat, et les rebelles de l’Est ukrainien, qui le refusent et souhaitent se rapprocher de la Russie.

Après la révolte du Maïdan en 2014, soutenue par l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis, la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, a ainsi décidé de faire sécession. En réponse, le nouveau gouvernement ukrainien a décidé d’intervenir militairement, refusant le dialogue avec des rebelles qualifiés de «terroristes». Malgré les accords de paix de Minsk-2 signés en 2015, qui prévoient un cessez-le-feu dans la zone du conflit, le retrait des armes lourdes par les troupes pro-Kiev et rebelles, l’élargissement de l’autonomie des régions de Donetsk et de Lougansk, ainsi qu’une réforme constitutionnelle de l’Ukraine, cette guerre n’en finit pas de faire des victimes. Kiev et Moscou s’accusent mutuellement de ne pas respecter les accords.

Dernier revirement ukrainien : l’approbation, le 18 janvier par 280 députés ukrainiens, d’une «loi visant à réintégrer le Donbass» et dénonçant par ailleurs une présumée «agression» de la Russie, vient enterrer un peu plus ces accords. Entre 2014 et 2018, selon l’ONU, le conflit dans la région du Donbass a fait 10 000 morts et deux millions de déplacés.

En outre, le récent incident dans le détroit de Kertch n’est pas de nature à apaiser les tensions entre les deux pays : le 25 novembre, la marine russe procédait à l’arraisonnement de trois vedettes militaires ukrainiennes dans les eaux russes. L’incident s’est produit au moment où les navires ukrainiens tentaient de passer de la mer Noire dans celle d’Azov via le détroit de Kertch, au large de la péninsule de Crimée. Le lendemain, le président ukrainien Petro Porochenko annonçait l’introduction de la loi martiale dans les régions frontalières, avant d’y mettre un terme le 26 décembre suivant.

Si l’Ukraine n’appartient pas encore officiellement à l’OTAN, elle a accueilli plusieurs de ses exercices militaires à la lisière de la frontière russe. Elle espère que ses bons offices lui permettront de servir de tremplin pour intégrer en 2024, non seulement l’OTAN mais également l’Union européenne. Le président Petro Porochenko et le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg s’étaient rencontrés à Kiev le 10 juillet pour lancer les discussions sur une possible entrée de l’Ukraine dans l’alliance. Cette adhésion est d’ailleurs une de ses promesses de campagne, qu’il entend réaliser avant le terme d’un hypothétique nouveau mandat.

«Seule une adhésion à part entière à l’UE et à l’OTAN garantira de façon définitive et irréversible notre indépendance et notre sécurité», a martelé devant ses partisans le chef de l’Etat ukrainien.

Pour autant, le chemin d’une adhésion demeure encore tortueux. L’UE et l’OTAN sont-ils prêts à accueillir un pays qui vient tout juste de sortir de la loi martiale et dont une partie se trouve sous contrôle des rebelles depuis 2014 ? La situation interne de l’Ukraine sur les plans économique, politique ou encore sécuritaire alimente par ailleurs un contexte peu propice à une intégration.

De son côté, l’Union européenne est également confrontée à des problèmes internes, comme le Brexit ou encore l’émergence de gouvernements remettant de plus en plus en cause l’autorité de Bruxelles. En outre, comme le souligne un rapport du Parlement européen daté de janvier 2018, l’UE souhaite en priorité intégrer les pays des Balkans. Un élargissement, comme le note le document, qui ne cesse toutefois d’être retardé.

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