La France a annoncé jeudi vouloir une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU contre le financement du terrorisme, qui s’appuie actuellement sur des « mandats-cash » et des « collecteurs de fonds » contre lesquels la coopération internationale doit s’intensifier.
Il reste « de nombreux défis à relever », a souligné François Delattre, ambassadeur français à l’ONU, en annonçant la présentation « dans les prochaines semaines » d’un projet de résolution « dédié à la lutte contre le financement du terrorisme ».
L’adoption d’un texte est espérée en mars, lorsque la France sera présidente du Conseil de sécurité. Il s’agirait de la première résolution de l’ONU portant spécifiquement sur le sujet, selon une source diplomatique française.
Lors d’une réunion au siège de l’ONU à New York, la majorité des participants représentant la Russie comme des pays africains ou asiatiques ont plaidé pour un meilleur partage des informations entre gouvernements et services.
« Les défaites territoriales de Daech (un acronyme du groupe Etat islamique) ont émietté, éclaté son territoire et affaibli sa capacité à s’auto-financer. Mais ces réseaux n’ont pas pour autant disparu. La menace est évolutive et durable », a souligné lors d’une liaison vidéo Rémy Heitz, procureur de la République à Paris, chargé notamment des affaires terroristes en France.
« L’information financière permet de repérer les traces, les indices que les terroristes vont semer lors de la préparation de leurs actes criminels ». Cela aide à « identifier certains individus et à révéler la préparation logistique d’un passage à l’acte terroriste », a aussi affirmé le magistrat.
« Il peut s’agir de la souscription d’un prêt à la consommation ou encore d’achat de billets d’avion pour un pays frontalier d’une zone du jihad », a-t-il relevé. « Le renseignement financier permet aussi d’arrêter des projets de départ vers ces zones ».
– « 400 collecteurs de fonds » –
Ce spécialiste de l’antiterrorisme a révélé que « depuis quatre ans, la justice française avait identifié près de 400 collecteurs de fonds établis dans des pays situés à proximité de la zone irako-syrienne ».
« Ces intermédiaires financiers qui travaillent pour Daech ou Al-Qaïda recevaient des mandats-cash de type Western Union d’un montant allant de quelques dizaines d’euros jusqu’à plusieurs milliers d’euros, mandats envoyés depuis une centaine de pays dans le monde pour être transférés ensuite à des combattants jihadistes », a-t-il précisé.
Uniquement pour la « France, nous avons identifié plusieurs centaines d’expéditeurs ayant envoyé un ou plusieurs mandats de ce type à ces collecteurs, pour un montant total supérieur à un million de dollars », a-t-il indiqué.
Selon lui, les renseignements financiers aident à « identifier des jihadistes dont la présence en zone irako-syrienne n’avait pas été décelée jusqu’alors ».
« En plaçant en garde à vue les expéditeurs des mandats, des enquêteurs ont obtenu l’aveu de la présence en zone de combats d’une dizaine de Français, aussi bien des hommes que des femmes qui n’avaient pas été repérés jusque-là », a poursuivi Rémy Heitz.
« Ces enquêtes ont démontré qu’en suivant l’argent, on suivait des terroristes » et « la lutte contre le terrorisme passe nécessairement par la lutte contre le nerf de toutes les guerres, c’est-à-dire l’argent », a-t-il insisté.
Le procureur de Paris a enfin assuré que « ce type de financement était utilisé aussi lors des retours des jihadistes dans les pays d’origine », un sujet crucial pour nombre de pays ciblés ces dernières années par des attentats.
« La détection de ces mandats permet aux enquêteurs de repérer des terroristes qui pourraient être tentés de quitter la zone irako-syrienne pour rentrer sur notre territoire, parfois pour y commettre un attentat », a fait valoir le magistrat français.