Le second sommet entre les États-Unis et la Corée du Nord approche

Le second sommet entre les États-Unis et la Corée du Nord approche. Bien que la date et le lieu exacts n’aient pas encore été annoncés, selon la version la plus répandue cette rencontre devrait avoir lieu à Danang, au Vietnam, fin février.

Que symbolise la ville vietnamienne de Danang pour Pyongyang et Washington? Faut-il s’attendre à une percée sur le dossier de la dénucléarisation? Quelles propositions pourraient se faire les deux parties durant ces pourparlers? Et qu’arriverait-il si Donald Trump ne parvenait pas à obtenir de Kim Jong-un des concessions significatives en matière de désarmement nucléaire? A l’approche de la rencontre entre le dirigeant des USA et son homologue nord-coréen.

Un havre de paixL’évocation de la ville vietnamienne de Danang comme éventuel lieu de rencontre n’est pas due au hasard. Les négociations entre les deux dirigeants promettent d’être difficiles, et ils ont manifestement besoin d’un endroit où il est possible de mener des pourparlers calmes et francs en tête-à-tête. Mais cela pourrait également être une concession significative de la Corée du Nord, estime le professeur Park Jong Chol de l’Université nationale de Gyeongsang:

«Pendant la guerre du Vietnam, le commandement des Marines US se trouvait à Danang. C’est donc un endroit familier pour les Américains, qui convient pour organiser le second sommet USA-Corée du Nord. Cependant, il était important pour la Corée du Nord que le lieu des négociations soit du même niveau que Singapour, où s’est déroulée la première rencontre. C’est pourquoi, si Danang a été choisie pour ce second sommet USA-Corée du Nord et pas Pékin, Shanghai, Hanoi ou une autre ville où Pyongyang dispose d’un puissant réseau de diplomates et d’agents de sécurité nationale, il est fort probable que les Nord-Coréens aient cédé aux exigences américaines.»

Cependant, même s’il ne s’agissait pas de Danang, la rencontre se déroulerait très certainement tout de même au Vietnam. Selon le professeur, se référant à un responsable haut placé du renseignement sud-coréen connaissant le travail de la direction générale du renseignement nord-coréen, «Pyongyang a envoyé un groupe de reconnaissance au Vietnam, c’est certain». Et compte tenu de leurs ressources limitées, les Nord-Coréens ne peuvent certainement pas se permettre d’envoyer plusieurs groupes de spécialistes pour préparer la visite dans différentes villes candidates.La dénucléarisation

L’absence d’accord concret sur la dénucléarisation à l’issue de la première rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un, et d’autres actions entreprises par la Corée du Nord depuis juin 2018, prêtent à penser qu’il faudrait s’y attendre à la signature d’accords de percée si le second sommet avait lieu.

«En septembre 2018 était déjà évoquée la possibilité d’une fermeture définitive du centre nucléaire de Yongbyon, c’est pourquoi on peut s’attendre à voir affiché un processus de dénucléarisation plus poussé lors du second sommet USA-Corée du Nord», déclare Cheong Seong-Chang, directeur du Centre d’études nord-coréennes à l’institut Sejong.

«Lors des négociations, la Corée du Nord pourrait proposer une destruction partielle ou totale de ses missiles intercontinentaux. Comme elle ne peut pas les détruire par ses propres moyens, elle tentera d’organiser leur destruction en les envoyant en Russie ou en Chine. Mais pour les États-Unis, chez qui les relations de Pyongyang avec Pékin et Moscou suscitent des soupçons, ce long processus de transfert du potentiel nucléaire vers les alliés de la Corée du Nord pourrait être perçu comme une «dénucléarisation incomplète». C’est pourquoi la mise au point d’un accord à ce sujet fera certainement l’objet de longues négociations et de durs débats», souligne Cheong Seong-Chang.

Pour sa part, Park Jong Chol pense qu’il est fort probable que les parties débouchent sur un accord pour la destruction d’une partie ou d’un nombre significatif de missiles intercontinentaux de Pyongyang. Des représentants des USA, de la Chine, de la Russie, du Royaume-Uni et de la France, ainsi que des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) pourraient être envoyés à titre permanent en Corée du Nord pour aider à détruire ces missiles intercontinentaux.Les exigences de la Corée du Nord

L’une des principales exigences de la Corée du Nord en cas de désarmement nucléaire est la levée des sanctions qui empêchent le gouvernement nord-coréen de mettre en œuvre sa nouvelle ligne de développement économique prioritaire.

«La Corée du Nord exigera probablement et avant tout des USA de lever les sanctions financières, d’annuler les restrictions sur les exportations de produits pétroliers vers la Corée du Nord et d’assouplir d’autres mesures contraignantes. On peut s’attendre à des débats enflammés entre la Corée du Nord et les États-Unis au sujet du niveau des sanctions levées. Mais même si la bataille promet d’être dure, Trump et Kim Jong-un ont tous les deux besoin d’un accord», estime Cheong Seong-Chang.

D’après ce dernier, le changement du principal négociateur nord-coréen laisse espérer le règlement de ce problème: le vice-ministre Choe Son-hui a cédé la place au stratège Kim Hyok-chol, plus souple. L’avis actuellement partagé par Pyongyang et Washington selon lequel grâce à de petites concessions il est possible d’aboutir à un résultat bien plus important contribue également à cet optimisme.

De son côté, le professeur Park Jong Chol pense que lors du second sommet, la Corée du Nord ne placera très probablement pas Donald Trump dans une situation difficile en exigeant de lever les sanctions où d’autres mesures qui seraient difficile à prendre pour les USA.

«Par conre, on demandera très probablement à Washington d’accepter l’annulation des mesures administratives sud-coréennes unilatérales du 24 mai (2010) bloquant la reprise du travail de la zone industrielle de Kaesong et de la zone touristique située dans les montagnes de Kumgangsan. La possibilité d’investissements sud-coréens sera la «dernière ligne de défense» de Pyongyang lors des négociations.

Les Nord-Coréens connaissent parfaitement la position intransigeante de Trump selon laquelle «les USA ne dépenseront pas un centime de leur propre argent». Après s’être ouverts au monde, ils comptent faire du Sud un partenaire d’investissement prioritaire, ce qui nivellera les complications engendrées par les sanctions économiques de la communauté internationale.»

Les éventuelles concessions des USA

Du point de vue de Donald Trump, le sommet USA-Corée du Nord serait très opportun aujourd’hui pour détourner au plus vite l’attention du public américain de l’enquête sur la «trace russe», du budget pour la construction d’un mur à la frontière mexicaine et d’autres problèmes politiques nationaux. Néanmoins, si l’opinion publique décidait que le Président américain a fait trop de concessions, cela affecterait ses chances de réélection. Il cherchera donc à obtenir un effet maximal avec un minimum d’efforts.

«Les USA ont visiblement avancé comme condition du démantèlement du centre nucléaire de Yongbyon et le retrait de missiles intercontinentaux la possibilité d’allouer une plus grande somme aux futurs investissements en Corée du Nord. Si cette dernière acceptait cette proposition des USA, cela signifierait que Pyongyang et Washington se sont également mis d’accord sur le projet d’ouvrir en Corée du Nord un bureau de liaison avec un déploiement permanent de spécialistes nucléaires, ce qui serait l’une des conditions secondaires de la mise en œuvre de l’accord», analyse Kim Jung, professeur adjoint à l’Université des études nord-coréennes.

«Pour Trump, le second sommet USA-Corée du Nord est une étape de la préparation à la présidentielle de l’an prochain, lors de laquelle il a l’intention de se faire réélire. C’est pourquoi on suppose qu’au sommet de fin février, l’un des objectifs sera l’ouverture d’un bureau de liaison entre la Corée du Nord et les USA. Cet outil important de dénucléarisation permettrait aux équipes, composées de hauts responsables et de chercheurs pour le rétablissement des relations diplomatiques entre la Corée du Nord et les USA, ainsi que pour la destruction de l’arme nucléaire, de se trouver en permanence en Corée du Nord et de promouvoir la dénucléarisation pendant une longue période. En prévision de la réélection pour un second mandat, cela crée un bon prétexte pour prolonger la présidence de Trump», explique Park Jong Chol.

Et ensuite?

Selon le professeur, ce même instrument serait également bénéfique pour Trump du point de vue de la normalisation des relations avec la Chine: si les négociations entre les USA et la Corée du Nord avançaient bien, cela pourrait servir de prétexte pour améliorer les relations américano-chinoises. Alors que si les négociations rencontraient des difficultés, cela permettrait de rejeter la faute sur Xi Jinping et de garder un prétexte pour exercer une pression commerciale sur la Chine.

Dans le même temps, la levée des restrictions sur la coopération intercoréenne serait une forte motivation pour que Pyongyang soit attaché au processus de dénucléarisation. Car des entrepreneurs sud-coréens investiraient volontiers dans la zone industrielle de Kaesong où des travailleurs compétents, pour 20% du coût de la main d’œuvre vietnamienne, affichent une productivité bien plus importante. Et les voyages à Kumgangsan, à travers le développement du secteur touristique, pourraient apporter une grande contribution au développement économique du Nord, sachant que non seulement des Nord-Coréens mais également des représentants de la classe moyenne et élevée sud-coréenne souhaitent visiter ces montagnes.

Mais il ne faut non plus exclure le pire de scénarios, déclare Kim Jung.

«Il reste peu de temps pour la préparation du second sommet, et la question est de savoir si des mesures réalistes et pratiques seront élaborées pour le désarmement nucléaire. Pour cela, les USA doivent ouvertement montrer qu’ils donnent leur confiance aux Nord-Coréens, qui ont pour principe de base «une action pour une action».

Si les dirigeants des deux pays n’avaient ni la volonté ni la possibilité de s’engager pour la mise en œuvre de l’accord dans le cadre duquel les parties sont prêtes à réduire le niveau de réclamations au profit de la dénucléarisation, un conflit pourrait avoir lieu à tout moment au pendant le travail. Et si, indépendamment du niveau de confiance entre les dirigeants, la Corée du Nord réagissait durement concernant la procédure et les moyens de destruction des missiles intercontinentaux, il ne faut pas exclure que l’accord final sur la dénucléarisation puisse s’effondrer.»

«Étant donné qu’aussi bien les questions mineures que les paramètres généraux laissent une marge pour les divergences, il ne reste rien d’autre à faire pour la Corée du Nord et les USA que de rédiger un plan d’action à long terme après le second sommet», conclut Cheong Seong-Chang.