Le Venezuela se prépare à une manifestation appelée par Juan Guaido

Le Venezuela se préparait vendredi à une manifestation appelée pour samedi par le président autoproclamé du Venezuela Juan Guaido afin de réclamer « des élections libres » au président en titre Nicolas Maduro.

« Nous devons tous descendre dans les rues au Venezuela et dans le monde entier avec un objectif clair: accompagner l’ultimatum qu’ont donné les membres de l’Union européenne. Nous allons réaliser la plus grande marche du Venezuela et de l’histoire de notre continent », a déclaré jeudi soir M. Guaido, qui préside le Parlement dominé par l’opposition. Celle-ci juge le second mandat de M. Maduro, entamé le 10 janvier, illégitime car issu d’élections frauduleuses.

M. Guaido, 35 ans, s’est autoproclamé « président en exercice » le 23 janvier et a appelé dimanche dernier à manifester notamment samedi, jour anniversaire des 20 ans de la « révolution bolivarienne », du nom du héros de l’indépendance Simon Bolivar. Cet anniversaire marque l’investiture, le 2 février 1999, du président socialiste Hugo Chavez (1999 – 2013), aujourd’hui décédé et dont se réclame Nicolas Maduro.

Washington, qui avait immédiatement reconnu avec plusieurs de ses alliés l’autorité de M. Guaido, a appelé jeudi l’UE à faire de même alors que le Parlement européen a reconnu l’opposant comme président par intérim.

Six pays de l’UE (Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni, Portugal, Pays-Bas) ont donné à Nicolas Maduro jusqu’à dimanche pour convoquer des élections faute de quoi ils reconnaîtront Juan Guaido comme président.

Globalement, les 28 membres de l’UE ont menacé « de nouvelles mesures » si une élection présidentielle n’était pas convoquée « dans les prochains jours » au Venezuela.

Soutenu par la Russie, la Chine, la Corée du Nord, la Turquie ou encore Cuba, M. Maduro rejette l’ultimatum européen et accuse les Etats-Unis d’orchestrer un coup d’Etat.

La tension grimpe à chaque appel à manifester. Une quarantaine de personnes ont été tuées et plus de 850 arrêtées selon l’ONU depuis le début des mobilisations le 21 janvier. En 2014 et 2017, deux vagues de protestations avaient fait quelque 200 morts.

M. Guaido a dénoncé jeudi des tentatives d’intimidation visant ses proches, disant tenir M. Maduro pour responsable. Il a également présenté son plan pour sortir le pays du naufrage économique et social.

« Ils ne vont pas m’intimider », a-t-il déclaré jeudi à la presse devant son domicile de Caracas, avec sa fille de 20 mois dans les bras et son épouse à ses côtés. Selon lui, des hommes qui s’étaient identifiés comme appartenant aux forces spéciales de la police (FAES) étaient venus devant chez lui en demandant où étaient son épouse Fabiana Rosales et la famille.

Le commandant de la police vénézuélienne Carlos Alfredo Pérez Ampueda a rejeté les propos de M. Guaido, tweetant: « c’est totalement faux ».

« Nous n’allons pas tolérer qu’on fasse du mal à ceux qui luttent pour la liberté », a averti jeudi le vice-président américain Mike Pence dénonçant sur Twitter un acte d' »intimidation ».

30 milliards de dollars

Juan Guaido a présenté jeudi son plan qui repose sur plusieurs axes: répondre à l’urgence humanitaire (santé, aliments), « freiner brusquement l’inflation », relancer l’industrie pétrolière et rétablir les services publics.

Washington a indiqué tenir prêts des aliments et des médicaments destinés au Venezuela pour un montant de 20 millions de dollars, mais Nicolas Maduro, qui attribue les pénuries aux sanctions américaines, estime qu’accepter l’aide humanitaire reviendrait à ouvrir la porte à une intervention militaire.

Le pays aux énormes ressources pétrolières, autrefois le plus riche d’Amérique latine, a sombré économiquement et ses habitants souffrent de graves pénuries de nourriture et de médicaments, ainsi que d’une inflation galopante, ce qui a contribué à faire chuter la popularité du dirigeant socialiste. Depuis 2015, quelque 2,3 millions de Vénézuéliens ont quitté le pays.

L’économiste et député José Guerra, un des concepteurs du plan de Guaido, a précisé qu’une nouvelle politique d’échange de devises serait mise en place ainsi qu’une renégociation de la dette externe, évaluée à 150 milliards de dollars.

Un autre de ses conseillers économiques, José Toro Hardy, a estimé que le Venezuela aurait besoin dans un premier temps de quelque 30 milliards de dollars pour remonter la pente.

Washington agit aussi sur le plan financier et a sanctionné le groupe pétrolier PDVSA, source de 96% des revenus du Venezuela, en gelant ses avoirs à l’étranger et lui interdisant tout commerce avec des entités américaines.

Groupe de contact de l’UE

Le Parlement européen a appelé jeudi, en reconnaissant l’autorité de M. Guaido, tous les pays de l’UE à faire de même.

La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a annoncé que l’UE allait constituer un groupe de contact international, qui « se donne 90 jours pour parvenir à un résultat positif », afin d’aider à l’organisation d’une nouvelle présidentielle au Venezuela.

La décision de reconnaître Juan Guaido comme président par intérim est une « prérogative des Etats » et plusieurs membres de l’UE vont le faire, a-t-elle aussi déclaré à l’AFP à l’issue d’une réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Bucarest.

Parallèlement, cinq journalistes étrangers qui avaient été arrêtés – deux Français et un Espagnol et deux Colombienrs de l’agence EFE – ont été relâchés jeudi, a-t-on appris de sources officielles.

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