La Première ministre britannique Theresa May va tenter jeudi à Bruxelles d’obtenir un nouveau compromis sur la question brûlante de la frontière irlandaise, malgré le refus obstiné de l’UE de renégocier l’accord de retrait du Royaume-Uni.
Theresa May arrive dans la capitale européenne dans une ambiance tendue, au lendemain d’une polémique créée par le président du Conseil européen Donald Tusk.
Ce dernier s’est publiquement demandé à quoi ressemble « cette place spéciale en enfer » réservée à « ceux qui ont fait la promotion du Brexit sans même l’ébauche d’un plan pour le réaliser en toute sécurité », mercredi lors d’un point presse avec le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, provoquant des réactions passionnées au Royaume-Uni.
La rencontre entre Theresa May et Donald Tusk est prévue à 15h00 (14h00 GMT). La Première ministre britannique aura au préalable rencontré le président de la Commission Jean-Claude Juncker à 11h00 et le président du Parlement européen Antonio Tajani, flanqué de son référent Brexit Guy Verhofstadt, à 14h00.
La tâche de Mme May s’annonce difficile, de son propre aveu, tant les Européens ont répété à l’envi que l’accord de retrait, que les 27 et le gouvernement britannique ont entériné fin novembre, n’était « pas ouvert » à la renégociation.
Mais tous continuent d’affirmer vouloir éviter le scénario redouté d’un Brexit sans accord à la date du 29 mars.
Londres, de son côté, s’appuie sur le vote de son parlement, qui a rejeté en masse ce compromis en début d’année.
Piège du filet de sécurité
Selon son porte-parole, Mme May s’apprête à reconnaître qu’il ne sera « pas facile » d’obtenir des changements et que l’accord de retrait avait été « négocié de bonne foi ».
Mais « le Parlement a voté à une majorité significative (…), envoyant un message sans équivoque que le changement est nécessaire », devrait argumenter la dirigeante, selon des éléments fournis à l’avance par Downing Street.
« L’objectif du Royaume-Uni est de trouver le moyen de garantir que nous ne pouvons pas être, et ne serons pas, piégés dans le filet de sécurité », devrait-elle également affirmer.
Cette disposition, souvent désignée par le terme anglais de « backstop », a été introduite dans l’accord de retrait comme solution de dernier recours destinée à éviter le retour d’une frontière physique sur l’île d’Irlande.
Elle prévoit que le Royaume-Uni resterait dans une union douanière avec l’UE, et la province britannique d’Irlande du Nord dans le marché unique pour les biens, afin d’éviter des contrôles douaniers et réglementaires physiques, si aucune autre solution n’est trouvée au cours des négociations sur la future relation entre Londres et l’UE.
Mme May n’arrive pas à Bruxelles avec une offre déterminée. Selon Downing Street, trois changements sont envisagés sur le backstop: une limite dans le temps, une sortie unilatérale décidée par le Royaume-Uni, ou un plan proposé par des députés basé notamment sur l’utilisation de technologies pour des contrôles douaniers dématérialisés.
Mais Bruxelles a déjà écarté les deux premières options par le passé et doute de la faisabilité de la troisième.
Dans une lettre adressée à la Première ministre et rendue publique jeudi matin, le leader de l’opposition Jeremy Corbyn exprime ses doutes sur la stratégie de Theresa May.
« Sans changements de vos lignes rouges de négociations, nous ne pensons pas que simplement chercher des modifications aux termes existants du backstop soit une réponse crédible ou suffisante », lui écrit-il.
Son parti propose comme solution que le Royaume-Uni dans son ensemble intègre l’union douanière, avec « des tarifs extérieurs communs et un accord sur la politique commerciale qui inclut un droit de vote sur les futures accords commerciaux de l’UE ».
Une proposition fraîchement reçue par le numéro 2 du gouvernement David Lidington, qui l’a qualifiée de « voeu pieux », lors d’une interview à la radio R4.
Mercredi, à l’occasion de la visite de Leo Varadkar à Bruxelles, Donald Tusk et Jean-Claude Juncker ont campé sur la position européenne.
« Nous ne pouvons pas accepter que l’accord de retrait soit rouvert » à la discussion, a martelé Jean-Claude Juncker en conférence de presse. « Et comme le +backstop+ fait partie de l’accord de retrait, nous ne pouvons pas rouvrir la discussion sur le +backstop+ », a-t-il insisté.