Des rassemblements multiples, à l’ampleur incertaine et brouillés par des querelles autour d’éventuelles récupérations politiques: pour leur acte 13, les « gilets jaunes » vont manifester en ordre dispersé samedi, après presque trois mois de contestation.
La mobilisation a reflué lors des deux derniers samedi: 58.600 personnes ont manifesté dans toute la France le 2 février, un chiffre contesté par le mouvement, qui a revendiqué un « nombre jaune » de 116.000 manifestants.
Dédié à un hommage aux personnes blessées depuis le début de la contestation, l’acte 12 avait permis aux « gilets jaunes » de retrouver une unité en se rassemblant surtout à Paris, malgré les divergences existant au sein de ce mouvement horizontal et hétéroclite.
Ce samedi, les cortèges devraient cette fois être plus dispersés sur tout le territoire.
À Paris, une manifestation au départ de la place de l’Étoile doit débuter vers 10H30 et trois rassemblements ont également été déclarés, relayés par le chauffeur-routier Éric Drouet, une des principales figures du mouvement.
Mais « la particularité, de cette journée est un retour au principe de non-déclaration des manifestations », selon la préfecture de police, pour qui « des rassemblements et cortèges informels ne sont pas à exclure ».
En régions, Bordeaux et Toulouse, pôles contestataires depuis plusieurs semaines, souvent avec des heurts, prévoient un rassemblement. Diverses manifestations et actions sont également programmées dans d’autres villes: Montpellier, Lille, Nantes, Rennes, Brest, Caen, Lorient…
Une fragmentation à l’image des tiraillements au sein des « gilets jaunes ».
D’un côté, certains souhaitent faire prospérer la colère sociale, quitte à remiser leur méfiance des syndicats pour manifester main dans la main avec la CGT: une première mardi qui a rassemblé 137.200 personnes en France selon l’Intérieur – plus que lors des 10 derniers actes des « gilets jaunes ».
– Récupération –
De l’autre, nombre d’entre eux veulent éviter à tout prix une récupération politique, au moment où Rome multiplie les encouragements au mouvement dans la perspective des élections européennes.
Luigi Di Magio, chef de file du Mouvement 5 étoiles et numéro deux du gouvernement italien, a semé la zizanie en rencontrant mardi Christophe Chalençon – une figure controversée qui a appelé à installer un ancien militaire au pouvoir – et d’autres membres d’une liste de « gilets jaunes » montée pour ces élections.
Une rencontre impromptue, organisée à l’insu de la tête de liste, Ingrid Levavasseur, et qui a provoqué une crise diplomatique historique entre l’Italie et La France.
Pour protester contre toute instrumentalisation, Maxime Nicolle, autre figure historique des « gilets jaunes », s’est déplacé dès vendredi à la frontière italienne pour répéter que le mouvement « n’a pas de leader » et « est apolitique ». Il compte rester samedi dans la région de Nice pour un rassemblement sur place, qui espère fédérer la région Provence-Alpes-Côtes-D’Azur.
Sur Facebook, de nombreux « gilets jaunes » ont également voulu mettre de la distance avec les syndicats, après la manifestation avec la CGT.
« Il y a beaucoup de tensions, beaucoup de jugements, de personnes mal intentionnées, peut-être trop impatientes », a réagi Éric Drouet dans une vidéo en direct mercredi. Le chauffeur routier a expliqué travailler sur une stratégie « tout à fait légale et tout à fait autorisée » de pousser Emmanuel Macron à « la destitution ».
Le chef de l’État semble lui récolter les fruits politiques de son grand débat, avec un redressement de sa côte de popularité dans les sondages. Jeudi, il a tenté d’impliquer les plus jeunes dans la consultation pendant un déplacement en Saône-et-Loire.
Une embellie qui n’est pas pour autant synonyme d’affaiblissement des « gilets jaunes » aux yeux de l’opinion. Selon un sondage YouGov diffusé jeudi, près de deux Français sur trois (64%) continuent de « soutenir » leur mouvement, soit deux points de plus en un mois, et 77% (+ 3) jugent leur mobilisation justifiée.