Le soutien de l’Arménie à la Russie en Syrie pose-t-il problème pour l’Occident ?

Andranik Kotcharian, une figure de proue de la majorité parlementaire arménienne a exprimé sa confiance quant à la retenue et la compréhension de l’Occident lundi 11 février après l’annonce par Erevan d’un déploiement de soldats arméniens en Syrie aux côtés des forces russes stationnées dans le pays en vue d’y soutenir le régime de Bachar Al Assad.

Le ministère arménien de la défense a envoyé 8 février 83 médecins militaires, mais aussi des experts du génie et du déminage et autres effectifs de l’armée arménienne dans la ville d’ Alep, où est concentrée la plus grande partie de la communauté arménienne résidant encore en Syrie.

Cette mission a pour objectif d’aider les populations civiles, notamment en nettoyant les mines laissées par les belligérants Durant les sept années de guerre civile dans la deuxième ville de Syrie, qui était retournée dans le giron du régime de B. Al Assas en décembre 2016, après de violents combats dont l’intervention militaire russe avait radicalement changé le cours au profit du président syrien qui avait été remis en selle.

Le ministère arménien a justifié ce déploiement en invoquant “la situation humanitaire grave” à Alep, les “demandes écrites de la partie syrienne” et la présence d’une importante communauté arménienne en Syrie. Andranik Kotcharian, qui est le président de la commission en charge de la défense et de la sécurité à l’Assemblée nationale arménienne, a indiqué sur ce dernier point que les milliers de Syriens d’origine arménienne résidant dans la ville dévastée par la guerre se sentaient “plus en sécurité” désormais. “Nos partenaires occidentaux comprendront sans doute cela [ce déploiement] car nous mettons l’accent en priorité sur le sort de nos compatriotes [d’origine arménienne] vivant en Syrie”, a commenté A. Kotcharian cite par le service arménien de RFE/RL.

Cette mesure d’une aide militaire à caractère humanitaire n’a rien de nouveau, puisque le prédécesseur de Nikol Pachinian, l’ancien président Serge Sarkissian, avait déjà apporté son concours au régime syrien de B.Al Assad, et à son allié russe, au nom de la sécurité des Arméniens de Syrie. Mais N.Pachinian a donné un tour plus concret à cette aide avec l’envoi d’effectifs militaires arméniens qu’il avait annoncé dès septembre 2018, après une rencontre avec le président Poutine dans les environs de Moscou qui visait à dissiper la grave crise qui avait surgi entre le Kremlin et le nouveau pouvoir en place à Erevan. Sauf que cette coopération militaire affichée entre Moscou et Erevan risqué de froisser certaines susceptibilités en Occident, où l’on attend beaucoup du nouveau pouvoir arménien, et particulièrement de N.Pachinian même si lors de sa visite en Allemagne quelques jours avant, ce dernier s’était vu confirmer par la chancelière allemande que les choix géopolitiques de l’Arménie, à savoir son alliance avec la Russie, ne sauraient contrarier le processus de rapprochement amorcé dès fin 2017 avec l’Europe.

Mais John Bolton, le conseiller à la sécurité de Donald Trump, avait évoqué cette question en rencontrant N.Pachinian et son ministre de la défense Davit Tonoyan en octobre 2018 à Erevan, dans le cadre d’une tournée dans le Sud Caucase. Il avait mis en garde l’Arménie contre toute action visant à envoyer des effectifs militaires en Syrie en vue d’y aider le gouvernement de B.Al Assad et ses alliés sur le terrain, à savoir la Russie, dont il avait ouvertement appelé à endiguer l’influence dans la région du Sud Caucase en proposant de vendre des armes américaines à l’Arménie, et surtout l’Iran, dont il avait jugé que la frontière avec l’Arménie, promise à développer les échanges bilatéraux, “posait problème”, alors que Washington avait imposé une nouvelle vague de sanctions à Téhéran. Les Etats-Unis comme l’Union européenne n’ont pas ménagé leurs critiques à l’intervention militaire engagée par la Russie en septembre 2015 en Syrie, qui visait selon eux davantage à soutenir le régime défaillant de B.Al Assad qu’à combattre Daech.

Le déploiement militaire arménien en Syrie intervient après une rencontre entre D.Tonoyan à Moscou avec son homologue russe Sergey Shoïgu, qui n’a pas manqué pour sa part de remercier Erevan pour son “ assistance humanitaire” à la Syrie. A.Kotcharian a affirmé que c’est le gouvernement arménien lui-même qui s’était occupé des questions logistiques, à savoir le déploiement des démineurs, médecins et autres militaires chargés d’assurer leur sécurité. La Russie est “bien sûr très satisfaite” de leur déploiement, a insisté le parlementaire arménien. Mais un représentant en vue de l’opposition parlementaire a reproché au gouvernement d’avoir décidé l’envoi de ce contingent en Syrie sans avoir jugé utile de consulter auparavant le Parlement arménien.

“Les autorités ne cessent de se vanter de la transparence de leur action politique et du sens accru de la responsabilité [du gouvernement]. Cette mesure indique tout le contraire”, a déclaré Gevorg Gorgisian, du parti Arménie lumineuse (LHK), ancien allié du parti Contrat civil de N.Pachinian et aujourd’hui 3eformation du Parlement arménien, dans lequel il affiche son appartenance à une opposition s’exprimant essentiellement par un discours résolument pro-occidental et anti-russe auquel son ancien partenaire a pour sa part renoncé, peu avant d’accéder au pouvoir. “Peut-être cela [le déploiement] était nécessaire”, a ajouté G. Gorgisian en précisant : “Mais ils auraient dû en parler. L’Assemblée nationale aurait dû savoir pourquoi ils avaient pris cette décision” dont il a mis en garde contre les possibles “incidences” négatives pour l’Arménie dans ses relations avec les Etats-Unis et l’Europe.

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