Un récent rapport indique qu’une femme est tuée tous les 2 jours et demi en moyenne au Canada. Et les femmes autochtones figurent proportionnellement bien plus que les autres parmi les victimes. La présidente de l’organisme Pour les Droits des Femmes du Québec, Diane Guilbault, dénonce cette situation.
C’est un nouveau coup dur pour l’image du Canada à l’international: selon un récent rapport, une femme serait tuée tous les 2 jours et demi dans ce pays. 148 femmes ont été tuées lors de 133 incidents en 2018, pour une population de 37 millions de personnes. L’étude a été réalisée par l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation.
Cette nouvelle a relancé le débat sur le sort réservé aux femmes autochtones, qui ont beaucoup plus de probabilité d’être victimes de violence ou d’être assassinées que les autres Canadiennes. Entre 2001 et 2011, les femmes autochtones victimes d’homicide de la part de leur conjoint représentaient 11% des cas, alors qu’elles ne représentent que 4% de la population. Les femmes autochtones victimes de violence conjugale déclarent aussi plus souvent avoir subi des blessures corporelles (58% contre 41% chez les autres femmes).Les femmes autochtones beaucoup plus à risque
Pour la présidente de l’organisme Pour les Droits des Femmes du Québec (PDF), Diane Guilbault, cette situation est inacceptable. PDF Québec est l’un des principaux organismes de défense des droits des femmes dans la Belle Province. Mme Guilbault fait remarquer que les taux d’homicides baissent ou stagnent depuis quelques années au Canada, mais que les femmes autochtones ne profitent pas de cette amélioration. Au Québec précisément, les taux de féminicide sont parmi les plus bas au Canada, mais cette réalité ne profite pas non plus aux femmes amérindiennes. Ces dernières semblent donc représenter une catégorie à part.
«Ce qui ressort, c’est la prévalence des meurtres de femmes autochtones. C’est une situation dramatique. La question des meurtres et de la violence à l’égard des femmes autochtones est scandaleuse. C’est une situation à laquelle je ne m’habitue pas», a souligné d’entrée de jeu Mme Guilbault en entrevue.
Ce phénomène est directement lié à la dégradation de la qualité de vie des Premières Nations, selon Mme Guilbaut. De fait, de nombreuses populations amérindiennes vivent dans des régions éloignées où la pauvreté les entraîne dans une sorte de «cercle vicieux».Plusieurs études montrent que des personnes autochtones sont confrontées à des problèmes liés à la précarité, comme le faible niveau de scolarité, les logements insalubres et surpeuplés ainsi que le manque d’accès aux services sociaux. La consommation abusive d’alcool et de drogues est aussi un problème important dans les réserves, ces territoires protégés où vivent seulement des Autochtones. Mme Guilbault estime que les femmes sont toujours les premières victimes de la dégradation des conditions socioéconomiques:
«Les conditions de vie des peuples autochtones se sont tellement détériorées dans les dernières années que les personnes plus vulnérables ne peuvent qu’en être affectées. On parle d’abord des enfants et des femmes. Les femmes sont toujours les premières touchées lorsque les conditions de vie se dégradent. Dans les camps de réfugiés, par exemple, les femmes sont toujours les premières touchées: elles peuvent être agressées sexuellement», a mentionné Diane Guilbault.
La présidente de PDF Québec ne s’explique pas que le gouvernement libéral ne prenne pas davantage la question au sérieux. Elle critique sévèrement l’inaction de Justin Trudeau dans ce dossier, qui se contenterait de faire des «incantations avec des feuilles de sauge». Ces dernières années, Justin Trudeau a beaucoup parlé de réconciliation avec les Autochtones, ce qui l’a emmené à prendre part à différentes cérémonies avec eux. Sur le terrain, les résultats de cette réconciliation se font toujours attendre.
«Justin Trudeau ne fait que dans les apparences, c’est de la décoration, c’est du théâtre. Je suis scandalisée de voir que cette question grave, qui ternit toute la réputation du Canada, ne soit pas mieux prise en charge avec les moyens nécessaires», a affirmé Mme Guilbault.
C’est une critique qui revient souvent au Canada: Justin Trudeau se satisferait d’actions strictement symboliques. Par exemple, certains écologistes reprochent au Premier ministre d’adopter une image verte sans développer des politiques plus fermes en environnement.Justin Trudeau, un féministe de façade?
Rappelons qu’une enquête nationale sur les femmes autochtones disparues et assassinées a été initiée en décembre 2015 par le gouvernement Trudeau. Une enquête jugée peu concluante par plusieurs organismes, malgré les 17 millions de dollars investis (11,3 millions d’euros). En novembre 2018, un autre scandale a éclaté: selon certaines sources, des femmes autochtones auraient été stérilisées contre leur gré dans des provinces de l’Ouest. Toute la lumière n’a pas été faite sur cette histoire.
Mme Guilbault croit que les ressources allouées par le gouvernement canadien sont encore insuffisantes pour élucider le problème. Elle estime que les institutions sont loin d’avoir pris «la pleine mesure du problème», et c’est pourquoi elle plaide pour la création d’états généraux sur cette question. «Ce sont les grandes institutions internationales qui devraient maintenant être chargées de régler le problème», a conclu Diane Guilbault.