Une fois la dernière poche jihadiste vaincue, et les soldats américains partis, quelle organisation militaire en Syrie contre le groupe Etat islamique ? Les ministres de la Défense des pays de la coalition internationale en discutent vendredi à Munich.
Le temps presse. Les derniers combattants de l’EI sont acculés dans un territoire d’un kilomètre carré dans l’est syrien, sous le feu des forces arabo-kurdes (FDS), soutenues par la coalition dont les Américains sont de très loin les premiers contributeurs.
La défaite de l’EI, imminente, déclenchera le retrait des troupes américaines des zones contrôlées par les Kurdes. Et elle redistribuera les cartes entre les différents acteurs du conflit syrien.
« Le retrait annoncé des troupes américaines de Syrie sera évidemment au coeur des discussions » à Munich, explique le ministère français des Armées.
« La France réitèrera sa position: lorsque le pseudo-califat n’aura plus aucun territoire, la communauté internationale devra s’assurer qu’aucune résurgence ou métamorphose de Daech ne s’opère en Syrie ou ailleurs », fait valoir Paris.
La perspective du retrait américain fait craindre une dispersion des combattants étrangers de l’EI et la réapparition de cellules en Syrie.
Autre enjeu majeur: l’avenir des zones contrôlées par la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), une fois disparu le bouclier américain. La Turquie, qui qualifie l’YPG de groupe terroriste, va-t-elle attaquer ses ennemis kurdes? Damas, qui réclame la fin de l’autonomie kurde dans cette zone, va-t-il reprendre la main avec ses alliés iraniens et russes?
Au sein de la coalition, « il y a eu plusieurs discussions (…) pour savoir, une fois que les Etats-Unis auront quitté la Syrie, comment assurer la stabilité et la sécurité, avec quelles ressources, et qui fournirait l’effort », déclarait plus tôt dans la semaine Patrick Shanahan, le chef par intérim du Pentagone.
« Force d’observateurs »
Washington a en tête l’installation d’une « force d’observateurs » composée de ses alliés dans une zone tampon dans le nord-est de la Syrie. Avec un double objectif: éviter un assaut de l’armée turque contre les Kurdes syriens, et empêcher des cellules jihadistes de se reconstituer dans la région.
« Clairement, la coalition, avec ses ressources et ses capacités, est une option », a affirmé le secrétaire américain à la Défense. Il résume ainsi la position américaine: nos soldats quittent le terrain, mais nos alliés peuvent rester pour éviter que la situation dérape.
L’idée est fraîchement accueillie par Paris, qui contribue aux opérations de la coalition à hauteur de 1.200 hommes (artillerie, forces spéciales, frappes aériennes et formation de l’armée irakienne).
« Nous sommes aujourd’hui dans l’interrogation sur cette zone tampon: qui en assurerait la surveillance, qui en seraient les garants, quels en seraient les contours, quelles garanties offrirait-elle aux Forces démocratiques syriennes, aux populations kurdes? », commentait mercredi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
En coulisses, la réaction est moins nuancée. « Il est totalement hors de question d’avoir des Français au sol sans les Américains » sur le terrain, a affirmé à l’AFP une source française. « C’est juste non ».
D’autant que « pour sécuriser une telle zone de 400 km le long sur 30 km de large, il faudrait 20.000 hommes », se désespère un haut gradé européen.
Les décisions de la coalition seront scrutées par la Turquie, la Russie et l’Iran, dont les présidents se sont réunis à Sotchi jeudi pour discuter des conséquences du plan américain de retrait des régions nord-est de la Syrie.
« Notre point de vue commun est que la réalisation de cette étape serait un point positif qui aiderait à stabiliser la situation », a fait valoir le président russe Vladimir Poutine.
A l’issue de la réunion de la coalition s’ouvrira l’édition 2019 de la Conférence de Munich sur la sécurité (15 – 17 février), qui comptera parmi ses intervenants la chancelière allemande Angela Merkel, le vice-président américain Mike Pence, la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini ou encore le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi.