En ces temps décidément bien propices à l’inversion des valeurs, et à la mise en coupe réglée de tout ce qui fait le ciment de notre société pour le compte de quelques prédateurs sociopathes avec le concours d’une classe politique toujours plus corrompue, je crois qu’il est de notre devoir de remettre les choses à l’endroit et d’appeler un chat, un chat, même si notre voix porte bien peu dans un paysage médiatique agité par des véritables tsunamis de propagande destinée à maintenir la population dans l’immobilisme et l’hébétude.
Voilà des années maintenant que le pouvoir politique, dans tous les pays industrialisés pleurniche sur les déficits structurels en raison de la dénatalité et du vieillissement de la population, qui rend précaire le financement des pensions, basé, comme chacun sait1, sur l’intergénérationnel.
Oui, seulement voilà, c’est un leurre, la réalité c’est que nos politiques se sont barrés avec la caisse, point à la ligne. Ils ont comblé les déficits avec l’argent épargné pour financer les pensions de ceux qui ont pris leur retraite ou seront amenés à la prendre dans les années à venir.
Contrairement à ce qu’on voudrait vous faire croire, il n’y a rien de plus simple que d’assurer de manière parfaitement pérenne le financement des pensions. L’arnaque est qu’on a transformé un système d’épargne en système d’assurance, une espèce de schéma de Ponzi qui n’est viable que lorsque la population de cochons-payeurs se renouvelle suffisamment pour qu’ils puissent assurer en flux tendu le financement des pensions de ceux qui ont quitté le marché du travail après avoir cotisé toute leur vie.
Et nous nous retrouvons finalement avec un système qui combine le pire du capitalisme et le pire du communisme. Dans un système capitaliste, nul n’est tenu de cotiser pour sa pension, chacun est libre d’épargner, ou de cotiser selon ses moyens à une caisse de pension, et vous aurez noté qu’en pareil cas, c’est bien celui qui a économisé qui sera avantagé puisque ses héritiers profiteront après lui de tout ce qu’il laissera. Dans le système que nous connaissons, vous cotisez pour une pension dont vous risquez bien de ne jamais voir le premier centime.
Financement pérenne & suffisant
Encore une fois, et quoi qu’en disent les margoulins qui se trouvent être les mêmes qui vous ont plumés, le financement des pensions devrait être absolument automatique, et ne donner lieu à aucune sorte de déficit. Le calcul est à la portée du premier idiot venu.
Prenons le cas de Jean-Pierre, qui a commencé à travailler à 20 ans et se trouve maintenant sur le point de prendre sa pension après 45 ans de carrière. Le montant à cotiser résulte d’un simple calcul statistique, auquel sont rompus les assureurs.
En gros, on va calculer la durée moyenne de la pension, en prenant en compte les pensionnés qui auront la bonne idée de défunter avant d’avoir coûté un pognon de dingue et les irréductibles boulets qui, décidément sans vergogne, se permettent le luxe inouï de survivre alors que manifestement, ils ne servent plus à rien !
Pour faire simple, disons 10 ans, à concurrence de 1200 EUR mensuels. Ce qui donne 1200*12*10 = 14400 EUR à répartir sur 45 ans, soit 144000/(45*12)=266,67 EUR mensuels.
En réalité, ce sera (nettement) moins que ça puisque l’État est bénéficiaire net de toutes les pensions qui se terminent prématurément par le décès du retraité, et parce que le gestionnaire du fonds de pensions aura eu la sagesse de placer cette épargne dans des investissements sûrs, dont le rendement reste supérieur à l’inflation.
Du coup, vous avez compris, le discours qu’on vous sert masque bien mal la réalité : les États sont pratiquement en faillite et incapables de faire face au financement des pensions à venir compte tenu de la dénatalité et du vieillissement de la population qui en résulte.
C’est là qu’il faut chercher les ressorts qui poussent tant et plus les pays européens (Allemagne en tête) à ouvrir leurs frontières à l’immigration, espérant, de manière un peu puérile, que cette population pourra prendre en charge le financement des pensions, et retarder l’inévitable catastrophe qui se profile à l’horizon. Seulement voilà, il ne suffit pas de faire venir des immigrés, encore faut-il pouvoir leur donner du travail sur lequel l’État pourrait prélever des cotisations sociales et des impôts, sans que cette opération ne détruise (un peu plus) le tissu économique déjà fragilisé par la crise économique.
Mais l’activité économique ne se décrète pas. Les politiques économiques européennes ont mené le sous-continent à la ruine sur fond de désespérance. Le taux de fertilité est nettement inférieur au minimum pour assurer une population stable, mais à qui la faute ? Quelles ont été les politiques familiales sur ces dernières décennies ? Aujourd’hui, un salaire médian ne suffit plus à assurer une vie décente à une famille qui aurait plus d’un enfant, sans même parler de leur assurer une place dans la société en finançant des coûteuses études supérieures. Nombreuses sont les femmes contraintes à prendre un emploi à temps partiel pour un salaire de misère, dont les bénéfices seront presque totalement engloutis par les frais que cette situation engendre (crèche, garderie, etc). On en arrive à des situations aberrantes dans lesquelles il est plus intéressant pour ces femmes de rester à la maison en bénéficiant d’une maigre allocation de chômage.
Qui est responsable de ce gâchis ?
Il est un peu facile de jeter la pierre au seul pouvoir politique, ils ne font que gérer une situation qu’ils ont héritée de leurs prédécesseurs, et comme eux, s’avèrent parfaitement incapables de regarder plus loin que le bout de leur nez. Ils gèrent ici et maintenant, et après moi, les mouches !
Mais sur le fond, ne voyez-vous pas que nous avons une énorme responsabilité collective ? Pensez-vous vraiment qu’en achetant une chemise fabriquée au Bangladesh à 10 euros ou un poulet-batterie à 3 euros du kilo vous contribuez à mettre en place les conditions d’une économie durable ? Vous pensez sérieusement qu’un smartphone à 200 euros fabriqué en Chine dans des conditions de dumping social effroyable serait autre chose qu’une hémorragie de notre propre richesse au seul bénéfice de quelques multinationales ?
Pensez-vous sérieusement qu’Uber représenterait un progrès social ? Ou que la disparition des caissières au profit du self-scanning dans les grandes surfaces serait de nature à pérenniser notre modèle économique ?
Ne comprenez-vous pas que lorsque nos politiques nous disent que « la libre circulation des biens et des capitaux » est une richesse, ce n’est vrai que pour 0,000001% qui ne sont autres que les prédateurs sociopathes dont je parlais plus haut ?
Nous réapprendrons à dire « non », ou nous rejoindrons piteusement le rang des civilisations disparues dans les fossés de l’histoire. On ne peut pas courir comme des lemmings vers un destin tragique tout en pleurnichant dans la soupe.
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Notes
1. C’est surtout une manière d’éluder la responsabilité écrasante de la classe politique dans ce qu’il faut bien appeler un détournement de fonds.
source:https://www.levilainpetitcanard.be/pensions-le-hold-up-du-siecle/