L’ex-ministre de la Justice de Justin Trudeau a affirmé hier avoir subi des pressions « inappropriées » et des menaces « voilées » de l’entourage du premier ministre pour qu’elle intervienne dans une procédure judiciaire, un nouveau coup dur pour le chef du gouvernement canadien qui a immédiatement démenti ces accusations.
L’ancienne ministre Jody Wilson-Raybould s’exprimait pour la première fois publiquement dans cette affaire qui a éclaté il y a trois semaines. Ses déclarations risquent d’aggraver ce qui est déjà la pire crise du mandat du premier ministre, et a entraîné la démission de son plus proche conseiller et celle de Wilson-Raybould.
« Entre septembre et décembre 2018, j’ai subi des pressions constantes de la part de plusieurs personnes au sein du gouvernement pour intervenir politiquement (…) et de manière inappropriée afin de parvenir à un accord à l’amiable avec SNC-Lavalin », société canadienne impliquée dans un scandale de corruption en Libye, a témoigné Wilson-Raybould, qui a répondu pendant plus de trois heures et demie aux questions des députés de la commission de la Justice.
Un tel accord hors cour aurait évité un long et coûteux procès à ce géant canadien du BTP. En cas de condamnation pénale, SNC-Lavalin, qui emploie 50.000 personnes dans le monde dont 9.000 au Canada, se verrait interdire tout contrat public pendant dix ans, ce qui risquerait de compromettre son avenir. L’ancienne ministre a aussi affirmé avoir été l’objet de « menaces voilées » et s’être entendu dire par le plus haut fonctionnaire du pays qu’elle devrait « éviter un affrontement avec le premier ministre » dans ce dossier. Elle a également dit croire avoir été rétrogradée au poste de ministre des Anciens combattants, lors d’un remaniement en janvier, en raison de son refus d’intervenir dans ce dossier. Elle a finalement démissionné mi-février.
Justin Trudeau a réfuté la version des faits de Wilson-Raybould lors d’une conférence de presse hier soir. « Je maintiens (…) que moi et mes employés avons toujours agi de façon appropriée et de façon professionnelle. Donc je suis totalement en désaccord avec la description des événements de l’ancienne procureure générale », a-t-il dit. L’affaire embarrasse son gouvernement depuis que le quotidien Globe and Mail l’a révélée le 7 février.
Le groupe, établi à Montréal (où est élu Justin Trudeau), est accusé depuis 2015 de corruption pour avoir versé 48 millions de dollars canadiens de pots de vin (32 millions d’euros) à des responsables libyens du temps du dictateur Mouammar Kadhafi, entre 2001 et 2011.