Sous le titre «Il est temps pour Netanyahu de partir», le New York Times a publié le 1er mars une chronique de Bret Stephens. Le lecteur en trouvera le lien en fin de commentaire. Cette chronique me paraît importante pour trois raisons.
- – Le fait qu’elle soit publiée dans le New York Times à moins de 6 semaines des élections israéliennes, et la personnalité de l’auteur,
- – Le contenu de l’article et quelques phrases clefs relevées dans le texte qui pourraient alimenter l’actuel débat sur la montée de l’antisionisme en France,
- – La teneur des 598 commentaires émanant de lecteurs de cet article.
Reprenons dans l’ordre.
1 – Le New York Times est un journal US dont on peut dire qu’il est un soutien ardent d’Israël. Il ouvre largement ses colonnes aux journalistes et chroniqueurs de la communauté juive.
Bret Stephens, 46 ans, en est un, très honorablement connu. Prix Pulitzer en 2013, il a été éditeur en chef du Jerusalem Post, journal israélien, à 30 ans (2002-2004). Il est de la droite américaine, proche des néoconservateurs, et, sans surprise, ardent supporter d’Israël.
Pour qu’un article puisse paraître dans le New York Times, à six semaines des élections israélienne sous le titre: «Il est temps pour Netanyahu de partir», cela ne peut s’expliquer que par une prise de distance, voire un lâchage de Netanyahu par une partie de la communauté juive américaine. Mais que reproche-t-on donc à Benjamin ?
2 – Bret Stephens ne reproche pas vraiment à Netanyahu ses ennuis judiciaires. Il constate simplement que, dans la difficulté où il se trouve, Benjamin Netanyahu n’aura pas d’autres choix que de faire alliance avec la droite israélienne la plus extrême «Otzma Yehudit» (Le Pouvoir Juif), notoirement raciste, ce qui sera dommageable pour l’image du sionisme, déjà très affectée dans le monde entier.
Quelques extraits de l’article : «Netanyahu est un homme pour lequel aucune considération morale ne prime sur l’intérêt politique et pour lequel l’intérêt politique suprême: c’est lui même. C’est un cynique, drapé dans une idéologie et dans un schéma.»
«Le dommage n’est pas seulement moral. Les juifs du monde entier font face à une vague d’antisémitisme de plus en plus meurtrière, alors même que le mot «sionisme» devient un gros mot dans les cercles de gauche. Avoir un premier ministre israélien qui crédibilise l’idée que le sionisme est une forme de racisme en prévoyant de faire rentrer dans sa coalition d’incontestables racistes est impardonnable. Cela justifie l’assaut progressif contre Israël et laisse ses défenseurs embarrassés et perplexes.
Plus sérieusement, cela affaiblit un élément central de la défense d’Israël et des Juifs: la confiance en soi «morale». Les calomnies anti-israéliennes peuvent être légions, mais elles ne feront que très peu de mal à l’État si une majorité d’Israéliens comprennent qu’elles n’ont pas de fondement sérieux en réalité. Le comportement de Netanyahu met en péril cette confiance.»
Il est heureux qu’un membre de la communauté juive, sioniste de surcroît, s’aperçoive que le comportement de Netanyahu crédibilise l’idée que le sionisme est une forme de racisme.
Il est malheureux qu’il s’en aperçoive aussi tard alors que Netanyahu a passé un total de 13 ans au pouvoir et que, depuis 2009, les dérives extrême-droitières de plus en plus racistes n’ont pas manqué. Le mal est fait. Il sera difficile à réparer même si les «lobbies amis» de différents pays tentent et obtiennent parfois de leurs obligés politiques de faire voter des lois anti-BDS ou «antisionisme = antisémitisme» pour tenter d’endiguer l’indignation et d’interdire aux populations de ces pays de penser et d’agir contre l’inacceptable.
3 – Les 598 réactions des lecteurs de l’article de Brett Stephens nous apportent aussi quelques enseignements intéressants.
Le lectorat semble se diviser entre fervents supporters de Netanyahu, qui en redemandent et fervents opposants qui adhèrent à l’idée que Netanyahu doit partir. Ces derniers sont, de loin, les plus nombreux parmi les personnes ayant réagi à l’article.
Je recommande au lecteur anglophone d’en lire un maximum. Ces réactions reflètent le malaise qui saisit une partie importante de la communauté juive américaine mais aussi une partie de la société israélienne. Je ne citerai qu’une réaction qui m’a plus particulièrement frappé : celle d’Edwin Rosen, un homme de 70 ans, résidant à Ramat Gan, Israël.
« Si l’on met de côté les chefs d’accusation du procureur général israélien, suffisamment sérieux pour renvoyer n’importe quel politicien chez lui, pour ceux d’entre nous qui vivent en Israël, Netanyahu a été un gestionnaire habile du pays si vous regardez les choses à court terme. Mais en ne faisant rien sur le problème palestinien, il a fait prendre au pays une direction qu’il paiera très cher à long terme.
Cette stratégie du statut-quo est une bonne approche pour moi, homme de 70 ans, mais terrible pour mes petits enfants qui se retrouveront soit dans un état non juif, ce qui mettra fin au rêve sioniste, soit dans un pays d’apartheid où la population palestinienne sera traitée de la même manière que les noirs pouvaient l’être en Afrique du Sud. Le pays court rapidement vers une solution inacceptable de la question palestinienne. Nous avons certainement besoin de sang neuf, pas d’idées etc ».
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