Après le désistement de Michael Bloomberg, les yeux sont tournés vers Joe Biden, l’autre poids lourd modéré attendu dans un champ de candidats démocrates résolument marqués à gauche pour la présidentielle américaine. Mais à 76 ans, l’ancien vice-président de Barack Obama peut-il galvaniser l’électorat progressiste ?
Ira-t-il. N’ira-t-il pas? Déjà 14 candidats démocrates se sont lancés dans la course à la Maison Blanche mais, comme en 2015, Joe Biden fait durer le suspense.
Il peut se le permettre: sa grande renommée le fait caracoler en tête des sondages pour la primaire démocrate avant même de s’être décidé.
Mais alors que la ligne de départ démocrate est pour l’instant fortement ancrée à gauche, les plus centristes attendent avec impatience de connaître sa décision.
Sans détours, Joe Biden s’est interrogé la semaine dernière sur ses « atouts supposés ». « A quel point sont-ils solides? », a-t-il déclaré le 26 février, d’après des médias locaux, devant des centaines de personnes à l’université du Delaware, l’Etat de la côte est américaine qu’il a représenté pendant plus de trente ans au Sénat américain.
Affirmant que sa famille le poussait maintenant à se présenter, il a confié s’inquiéter des possibles coups bas que pourrait lui asséner un Donald Trump adepte des surnoms insultants sur Twitter. « Rien ne l’arrêterait probablement ».
Joe Biden pourrait annoncer sa décision bientôt, a-t-il laissé entendre. Il présidera un dîner du parti démocrate le 16 mars à Dover, dans le Delaware. Beau cadre pour un premier discours de candidat?
Les bons chiffres dans les sondages alimentent certainement ses réflexions. Mais comme pour Bernie Sanders, qui arrive deuxième, les scores dénotent surtout à ce stade le niveau de notoriété.
Des « erreurs »
Joe Biden pourrait aussi bénéficier de l’aura de Barack Obama auprès des électeurs qui le regrettent amèrement. L’ex-président l’a décrit lundi comme un homme « intègre », au « grand coeur » et « loyal », lors d’une visite à Winnipeg, au Canada, selon le Washington Examiner.
Son expérience de vice-président lui donne en plus une stature d’homme d’Etat que les autres prétendants démocrates n’ont pas.
Débonnaire, souriant malgré une vie marquée par la tragédie, avec la perte de son épouse et sa petite fille dans un accident de voiture en 1972 puis en 2015 celle de son fils emporté par un cancer, Joe Biden bénéfice d’un grand capital sympathie.
Autre atout: il reste populaire chez les électeurs noirs, dont la mobilisation pourrait s’avérer décisive en 2020, en même temps que chez l’électorat ouvrier blanc, qui a en partie fait gagner Donald Trump en 2016.
Joe Biden serait en plus imperméable à l’angle d’attaque déjà aiguisé par les républicains, Donald Trump en tête, pour la présidentielle de novembre 2020 en tête: mettre en garde contre les périls du « socialisme ».
Mais son côté centriste, non-réfractaire à travailler avec les républicains sur des propositions de consensus, pourrait aussi jouer contre lui.
Dernier exemple en date, lorsqu’il a qualifié le vice-président actuel Mike Pence, chantre de la droite chrétienne, « de bon gars ». Des mots qui ont indigné des progressistes, dont Cynthia Nixon, ex-actrice de la série « Sex and the city » entrée en politique, pour qui Mike Pence « est l’élu le plus anti-LGBT des Etats-Unis ».
Son célèbre côté gaffeur pourrait aussi jouer contre lui, tout comme sa réputation de se montrer trop tactile avec les femmes, à l’heure du mouvement #MeToo.
Joe Biden a en outre reconnu des « erreurs » dans la politique judiciaire qu’il défendait au Sénat dans les années 1990 et qui a durement touché les Noirs.
Enfin, comme pour Bernie Sanders, certains ont du mal à voir comment un homme septuagénaire blanc pourrait incarner le changement.
Une poignée d’électeurs a ainsi rendu un dur verdict mardi sur CNN, dont cette Américaine, Carol Evans: « Son temps est révolu », a-t-elle asséné.