Le sujet est trop grave pour ne le traiter que distraitement. En France, la polémique redondante autour de l’antisionisme assimilé par des responsables du gouvernement au sommet duquel le président lui-même, à une forme nouvelle d’antisémitisme, devrait pousser tout citoyen lucide et critique à mettre les points sur les « i » en rappelant le gouvernement à la raison et la retenue.
Il y a beaucoup à dire sur de telles déclarations que j’ai dénoncées très tôt à travers différents articles ces dernières années, ainsi que d’autres intervenants viennent encore de le rappeler. Et en conscience je me dois d’y revenir, tant le renversement des plans est manifeste, l’ineptie grossière, et lourde de sens et de conséquences.
En effet, entre les lignes de ces propos ressort ce qui me semble être un pas de plus dans la dérive affichée d’un mépris sinon d’un rejet de certains ténors de la politique et des médias dominants de tout ce qui s’apparente à la culture arabe et donc aussi, sémite.
Les exemples de cette haine raciste envers les Arabes et les musulmans – pour ne parler que de ceux-ci dans le cas présent – sont innombrables et entretenus presque chaque semaine, à la moindre occurrence, à commencer par cette obsession devenue véritable névrose chez certains, autour du foulard islamique. A l’attention de ces idiots utiles, voici comment leur fixation sur ce voile révèle leur profond antisémitisme.
Voilà 30 ans que cela dure : la France est ‘LE’ pays où ce bout de tissu en est arrivé à déchaîner les pires passions, les plus ignobles déclarations et souvent les plus serviles décisions de la part de ceux dont le racisme maquillé, sourd de toutes parts. Tout est bon pour stigmatiser une communauté mise à mal en d’innombrables circonstances. Toutes les mauvaises excuses sont convoquées, récupérées pour illustrer ce racisme obséquieux. Et sans doute, pour ce qui est de la société française renseigne-t-il sur la rage vengeresse, consciente ou non, d’avoir dû quitter l’Algérie voilà bientôt 60 ans, cette colonie que d’aucuns considèrent encore comme un territoire français perdu !
A la lumière des évènements actuels, j’en profite pour ouvrir une parenthèse : cet État algérien qui a conquis son indépendance de haute lutte après plus de 130 ans de colonisation, donne ces derniers jours, des leçons de civisme à tout citoyen qui suit le mauvais feuilleton d’une élection rocambolesque que les caciques de la nomenklatura algérienne veulent confisquer au peuple. Et, sans être naïf, il faut espérer qu’aucun État étranger ne viendra s’en mêler plus encore, sachant les appétits insatiables de certaines de nos ‘démocraties’ éclairées pour les richesses de pays militairement moins puissants.
Manifestants se chiffrant par millions, défilés sans heurts ni violence, horaires de contestation publique respectés, nettoyage des artères après la fin des cortèges, etc… Quels exemples pour une population que les médias habituels ont le don de présenter comme inculte quand ce n’est pas comme barbare, voire dangereuse ! Quelle dignité dans cette foule mélangée, par les âges autant que par les origines, dans le respect de chacun et chacune, voilée ou non ! Quelle maturité dans les slogans et les prises de parole. Nos ‘éditocrates, journaleux, droits-de-l’hommistes, abonnés des plateaux-télé’ et leur parisianisme pédant devraient revoir leurs pitoyables copies, leur moraline étriquée et la multiplicité de leurs pétitions minables pour interdire un foulard qui semble leur avoir obturé la vue, enveloppé la cervelle et les ébranler dans leurs certitudes.
Si vraiment ceux-là étaient animés du désir profond de respecter l’autre dans sa particularité et dans son émancipation, qu’ils commencent par foutre la paix à ces femmes et jeunes-filles et qu’ils s’interrogent plutôt sur leur ignorance pour ne pas dire leur profonde bêtise ! Je referme la parenthèse.
A plusieurs occasions ces derniers mois, des élus divers ont repris en chœur cette ineptie du président Macron affirmant que l’antisionisme était une forme renouvelée d’antisémitisme. Contre-vérité immédiatement amplifiée par certains médias et leurs ignares chroniqueurs habituels, trop heureux de pouvoir distiller à l’ombre de cet imprimatur présidentiel, leur haine de tout ce qui touche à l’arabité, désormais décomplexée.
Il conviendrait d’élever quelque peu le débat – si possible ! – et de rappeler pour commencer que l’antisionisme n’est pas le propre de militants ‘islamo-gauchistes’ et autres pro-Palestiniens qui seraient animés d’un racisme virulent envers les juifs – encore qu’ici-et-là cela puisse parfois se rencontrer, comme partout – mais que ce mouvement est né voilà bien longtemps au sein même d’une partie importante de la communauté juive farouchement opposée au sionisme.[1] Cela démontre à quel point les déclarations péremptoires de certains sont soit le fruit de leur ignorance, soit une manipulation profitant de l’inculture du plus grand nombre sur la question pour noyer le sujet.
En conséquence, si aucune autorité supérieure ne vient contredire cette dangereuse allégation présidentielle que je qualifie de renversement des plans, l’équation à en tirer est la suivante : si l’antisionisme est devenu la forme moderne de l’antisémitisme, alors le sionisme, qui semble approuvé, est devenu la forme moderne du colonialisme et de son racisme intrinsèque, et donc de l’antisémitisme.
La position de la caste politico-médiatique au pouvoir en France étale aux yeux de tous, son racisme indéniable envers tout ce qui est arabe et musulman – et donc aussi, sémite – dès lors qu’il soutient le sionisme à travers ses déclarations et une législation qui veut contraindre au silence celles et ceux qui luttent contre cette idéologie raciste qu’est le sionisme, que j’affirme désormais être cette forme renouvelée du colonialisme.
Le sionisme est ainsi un antisémitisme non-avoué, dissimulé, travesti. Ce n’est donc pas l’antisionisme qui est un antisémitisme moderne, mais bien le sionisme, moteur de la politique israélienne qui s’est considérablement militarisé depuis des décennies ! Et raison pour laquelle il faut le combattre à tout prix. C’est dire l’inculture de ceux qui répètent comme des perroquets – pardon pour ces derniers – ces bêtises qu’ils ne comprennent pas. Mais, on le sait depuis M. Audiard : « Les cons ça ose tout, et c’est même à ça qu’on les reconnaît ».
Aussi, aucun observateur sérieux ne peut affirmer que l’idéologie politique sioniste qui a mené à l’État israélien actuel est une ‘démocratie’ qui respecte tous ses citoyens de manière équitable. C’est de la propagande. C’est un leurre qui ne tient pas la route au premier regard sur l’organisation concrète de cet État profondément discriminatoire envers ses populations en fonction de leur origine. En soutenant le sionisme, nos États se font complices d’une politique raciste qu’ils devraient au contraire condamner explicitement.
Pas plus que cet État qui se définit comme une ‘démocratie’ ne peut en même temps voter une loi affirmant qu’Israël est l’État-nation du peuple juif – et cette notion de ‘peuple’ semble historiquement fausse[2] – et mener une politique d’apartheid à l’encontre d’une large partie de sa population. Ce mensonge grossier, hors-la-loi et condamnable doit être dénoncé sans relâche et combattu par tout vrai démocrate.
Si tel n’est pas le cas, ceux qui soutiennent un tel régime ne peuvent prétendre eux-mêmes appartenir à une ‘démocratie’ qui se respecte. Ce sont des imposteurs, animés encore par un esprit colonial déguisé sous forme de protection du sionisme – sous-entendu des juifs, alors que nombre de ces derniers s’y opposent – se faisant passer pour les agressés alors qu’ils sont les agresseurs.
A partir de là, et parce que le débat ne s’est pas cantonné aux militants pro ou anti sionisme, et qu’il a été porté au plus haut par le gouvernement français et son président en personne, il faut extrapoler l’analyse et se poser dorénavant la question la plus délicate, la plus difficile mais pourtant essentielle induite par cette prise de position officielle en faveur du sionisme : cette idéologie, ayant mené à la spoliation des habitants de Palestine de leurs terres, leurs biens et aujourd’hui jusqu’à leurs droits les plus élémentaires – comme le dénonce régulièrement quantité d’ONG ainsi que de multiples rapports de l’ONU – est-elle légitime, et cet État créé de toutes pièces lors de la partition de la Palestine historique sans l’assentiment ni même la présence d’acteurs Palestiniens au moment de ce vote, est-il légal ?
En d’autres mots, l’État israélien doit-il être maintenu sous sa forme actuelle par l’Assemblée générale de l’ONU – à ce jour, plus de 20 États ne le reconnaissent pas – et sur quelles bases, dès lors qu’après le partage de la Palestine le 29 novembre 1947 entre un État arabe et un État juif, et la proclamation de l’indépendance de ce dernier par D. Ben Gourion le 14 mai 1948, cet État n’a eu de cesse de repousser ses frontières dans son obsession d’étendre son territoire tant qu’aucun gouvernement extérieur ne l’en empêchait, voire en est complice et participe parfois de manière active à son expansion ?!
Les vrais antisionistes de tous bords, y compris les juifs ‘progressistes’ ou/et ‘pour la paix’ comme ils l’annoncent régulièrement, se doivent de répondre à cette question : êtes-vous prêts à dénoncer l’actuel État israélien qui s’est construit sur l’idéologie sioniste et à préconiser un retour aux frontières initiales de la Palestine historique, avec une gouvernance palestinienne qui décidera des équilibres à mettre en place pour l’élaboration d’un gouvernement qui sera représentatif de tous ses citoyens, quels qu’en soient l’origine, la religion, le choix de vie, la culture, la couleur de la peau, et tout ce qui fait le terreau et la diversité d’une vraie ‘démocratie’ ?
Le mal qu’est ce sionisme dénoncé est à la racine, et il faut avoir le courage de le voir clairement : il n’y a pas de ‘sionisme modéré’ ou de ‘moindre sionisme’ comme il n’y a pas de ‘moindre mal’ selon ce que dit très justement H. Arendt :
« Politiquement, la faiblesse de l’argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont choisi le mal ».
Il en va de même pour le sionisme dont on voit les crimes. Il n’y a pas, il n’y a aucun sionisme acceptable.
Personnellement, la réponse me semble évidente : l’État israélien, bâti sur le sionisme, cette forme renouvelée du colonialisme me paraît factice et doit être démantelé dans ses formes actuelles pour le reconstruire en un État démocratique réel, délimité par les frontières de la Palestine historique en rendant à la Syrie et au Liban les terres qui lui ont été volées, et où tous ses citoyens bénéficieront des mêmes droits, et y auront la possibilité de vivre en paix quels que soient leur choix religieux, culturels et philosophiques.
Certains juifs au nombre desquels les Neturei Karta (Gardiens de la Cité), radicalement antisionistes, y sont favorables, au nom d’un judaïsme strict revendiqué. Mais ils sont minoritaires. Tous les vrais antiracistes et anticoloniaux devraient y souscrire sans hésitation. Et exiger une nouvelle Résolution de l’ONU allant dans ce sens.
Qu’en disent donc ceux qui se déclarent volontiers antisionistes ? Face aux annonces des plus désinvoltes mais dangereuses du gouvernement français, le moment me semble opportun pour prendre clairement position. Et réaffirmer ainsi le droit inaliénable des Palestiniens à retrouver leurs frontières d’origine et ce pays que les grandes puissances leur ont volé pour tenter d’effacer leur antisémitisme toujours à l’œuvre, comme on peut le voir entre autres, à travers la chasse au foulard islamique dans plusieurs pays européens et particulièrement en France.
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[1] https://orientxxi.info/magazine/l-antisionisme-est-il-une-forme-d-antisemitisme,2946
[2] « Comment le peuple juif fut inventé » – Sh. Sand – Ed. Flammarion – 2010