Le terme « Consensus de Washington » (CW) est associé au Fonds monétaire international (FMI). Le CW consiste en un ensemble de recommandations du Fonds, dans le domaine des politiques macroéconomiques et financières, adressées aux pays avec lesquels il travaille (offre de prêts, assistance technique, conseil). À ce jour, 189 États sont membres du FMI. Environ 90% de cette liste concernent des économies en développement et en transition. C’est à elles que s’adressent les recommandations du CW.
Le Consensus de Washington a été formulé pour la première fois en 1989 par l’économiste britannique John Williamson, collaborateur de l’Institut privé d’Économie internationale (Institute for International Economics), également appelé Institut Peterson. Les recommandations du CW furent énoncées dans le rapport de John Williamson, Latin American Adjustment : How Much Has Happened ?, Washington, Institute for International Economics, 1989. Comme son nom l’indique, le rapport contenait des recommandations pour les pays d’Amérique latine, tout en étant bien compris qu’elles pourraient être étendues à tous les pays. Après la publication de ce rapport, le terme de « Consensus de Washington » fut rapidement entériné dans le jargon politique.
La décision de créer le FMI fut prise lors de la Conférence monétaire et financière internationale de Bretton Woods en 1944. Selon les décisions de la conférence, la pierre angulaire du système monétaire et financier international de l’après-guerre devait devenir l’étalon de change or, avec le dollar comme seule devise convertible en or. Grâce à lui, les taux de change des monnaies de différents pays pouvaient être stabilisés. Afin de maintenir les taux de change à un niveau stable, les pays devaient avoir des balances de paiement équilibrées. En cas de déficit ou d’excédent important de la balance des paiements, le pays devait prendre des mesures appropriées. Les prêts du FMI étaient censés être la dernière ligne de défense des pays déficitaires. En réalité, le Fonds fut créé à cette fin d’aider les pays à équilibrer leur balance de paiements à l’aide de prêts.
Dans les années 1970, le système monétaire et financier de Bretton Woods s’est effondré. Lors de la Conférence de la Jamaïque en 1976, il a été décidé de renoncer à l’étalon de change or, et aux taux fixes. Les monnaies furent autorisées à « flotter » librement. À proprement parler, à partir de ce moment, le FMI aurait dû cesser d’exister, les crédits n’étant plus nécessaires pour équilibrer les balances des paiements. Nombreux furent ceux qui s’attendaient à la fermeture de la « boutique ».
Cependant, le FMI a survécu et, dans les années 70 à 80, il a subi une métamorphose radicale, qui échappa au discernement général. D’une institution financière internationale, conçue pour assurer la stabilité du système monétaire international, le Fonds devint un outil politique de Washington. Au moment de l’effondrement du système de Bretton Woods, les États-Unis et leurs alliés les plus proches détenaient une participation majoritaire (parts de capital et voix) du FMI. La transition vers le système monétaire et financier « jamaïcain » ouvrit des possibilités illimitées pour le déroulement de la course à la mondialisation économique et financière. Zbigniew Brzezinski a un jour admis que la mondialisation n’était rien de plus que la promotion des intérêts américains dans le monde entier. Utilisant sa position privilégiée dans le Fonds, Washington a radicalement changé les objectifs du FMI. Le Fonds agissait maintenant comme un bulldozer ouvrant la voie à la mondialisation.
Le Fonds commença à jouer ce rôle de bulldozer au début des années 80, au moment où la crise de la dette éclata dans le monde. Cette crise frappa particulièrement les pays d’Amérique Latine qui, dans la seconde moitié des années 70, avaient mis sous perfusion des prêts des banques de Wall Street. Le FMI arrivait dans les pays frappés par la crise de la dette, sous l’apparence d’un sauveur, et offrait des prêts, en échange de réformes du système économique et financier. Il s’agissait d’un ensemble de mesures visant à libéraliser l’économie, qui finalement conduisait ces pays à une dépendance financière vis-à-vis des banques et des sociétés transnationales. Peu à peu, un ensemble des plus importantes conditions devant être acceptées par les pays ayant recours aux prêts du Fonds, commença à prendre forme.
En 1989, le rapport du britannique John Williamson parut, présentant une liste complète des conditions à remplir par les pays bénéficiaires des prêts du FMI. Le rapport était censé donner à ces conditions l’apparence de la décence académique, mais il s’agissait en fait d’une généralisation de la politique mondialiste de gangster que le FMI avait poursuivie dans les années 1980 à l’égard des pays d’Amérique Latine.
Cet ensemble de conditions s’appelle le Consensus de Washington ; Il fut accepté et approuvé par plusieurs organisations situées à Washington. Il s’agit du Trésor américain, du FMI lui-même, du Peterson Institute (d’où provient le rapport de John Williamson) et de plusieurs autres.
Les anti-mondialistes appellent le CW le « credo » des mondialistes et des partisans du libéralisme économique. Depuis trois décennies, il n’a pas changé. Il contient dix points immuables (dogmes) :
- Le maintien de la discipline budgétaire (déficit budgétaire minimal) ;
- La libéralisation des marchés financiers pour maintenir un taux d’intérêt réel à un niveau bas, mais toujours positif ;
- Le taux de change libre de la monnaie nationale ;
- La libéralisation du commerce extérieur (principalement en raison de la baisse des taux de droits d’importation) ;
- L’élimination des restrictions à l’investissement direct étranger ;
- La privatisation des entreprises et des biens appartenant à l’État ;
- La déréglementation de l’économie ;
- La protection des droits de propriété ;
- La réduction des taux marginaux d’imposition ;
- La priorité donnée à la santé, à l’éducation et à l’infrastructure, parmi les dépenses du gouvernement.
Certains dogmes du CW, au premier regard, paraissent équitables. Cependant, le diable se cache dans les détails. Prenons, par exemple, le dixième paragraphe. Qui pourrait émettre une objection contre lui ? Cependant, le point 10 devrait être envisagé en tenant compte d’autres points, notamment les points 1 et 9. Si nous déchiffrons les points 1 et 9, ils impliquent une réduction du budget de l’État. Avec une forte baisse de toutes les dépenses budgétaires, les dépenses consacrées à l’éducation et à la santé, en termes absolus, seront inévitablement et également réduites.
Or, derrière les programmes éducatifs imposés par le Fonds, se cachent non seulement l’amélioration du soit-disant « alphabétisme » financier, et la maîtrise des bases du « libéralisme économique », mais aussi « l’éducation sexuelle », le développement de la « tolérance » à l’égard des groupes LGBT, et d’autres formes de corruption spirituelle et morale des enfants et des jeunes. Ces dernières années, les experts du Fonds, qui arrivent dans un pays pour y effectuer un audit rigoureux des budgets, insistent sur le fait qu’ils n’incluent que les dépenses relatives à l’éducation primaire. Pour ce qui est de la priorité des dépenses de santé, le Fonds estime qu’il suffit de laisser des allocations pour les soins médicaux de première nécessité. La sécurité sociale pour les personnes âgées et le handicap n’est pas incluse dans la liste des dépenses budgétaires obligatoires établie par le Fonds. Selon le CW, obtenir une éducation supérieure, des soins médicaux de qualité, des retraites et une sécurité sociale en cas d’invalidité, relève de la responsabilité individuelle de l’individu. L’État n’a pas à lui venir en aide en cela. Qu’il épargne lui-même l’argent nécessaire, ou ait recours à des parents ou à des philanthropes privés. Nous voyons ici l’abolition de la fonction sociale de l’État.
Le point 10 définit le développement des infrastructures économiques comme une dépense budgétaire prioritaire. Il s’agit de la création de voies de transport, de ports, d’installations logistiques, de réseaux électriques, etc. Il s’agit de l’infrastructure dont les sociétés transnationales ont besoin pour piller le pays après avoir supprimé toutes les barrières au capital étranger (paragraphe 5). Les dépenses consacrées à la culture, à la science et au développement des industries de haute technologie ne sont pas bienvenues, et sont même interdites.
Avec cela, le Consensus de Washington ne tolère aucun amendement de son dogme ; de plus, ses partisans estiment que les points du Consensus de Washington sont toujours valables, et partout, en n’importe quel endroit du globe terrestre.
Les résultats du FMI peuvent être appréciés dans des études indépendantes. Il y a, par exemple, l’étude de la Heritage Foundation des Americains Brett Schaefer et Bryan Johnson : Réforme du FMI ? Mettre les Choses au Point, Heritage Fondation, du 25 novembre 1998. Elle couvre les activités du Fonds de 1965 à 1995. Au cours de cette période, le FMI a aidé 89 pays. Au moment de l’achèvement de l’étude (1997), 48 d’entre eux étaient restés à peu près dans la même situation qu’avant l’aide du FMI et, dans 32 pays, la situation s’était aggravée. Les auteurs déclarent que les activités du Fonds ont été destructrices. La critique du CW vient de toutes parts. Tout d’abord, de la part des pays victimes de ce « consensus ». Le dernier exemple est celui de l’Ukraine, qui figure depuis quelques années dans la liste des plus gros clients du Fonds, et qui remplit régulièrement toutes les conditions du FMI. À présent en Ukraine, les manifestations contre la poursuite de la coopération avec le Fonds s’intensifient. Ainsi, le député du parlement, la Verkhovna Rada, et chef du parti « Pro Life », Vadim Rabinovich, demande une rupture immédiate de toutes les relations avec le FMI. Le Fonds a plongé l’Ukraine dans un tel piège de la dette que plusieurs générations d’Ukrainiens seront désormais contraints de ne travailler que pour le bénéfice du Fonds Monétaire International (FMI).
Certains politiciens et financiers occidentaux s’opposent au CW. Parmi les critiques les plus connus du CW – le lauréat du prix Nobel, l’ancien économiste en chef de la Banque mondiale, J. Stiglitz. Il a désigné le Consensus de Washington comme étant la cause de la crise financière de 1997-1998. en Asie. À ce propos, en avril 2011, Dominique Strauss-Kahn, alors Directeur éxécutif du FMI, a déclaré que la raison de la crise de 2008-2009. était précisément l’application des règles du Consensus de Washington.
Quant à la Russie, elle est devenue membre du Fonds Monétaire International en mai 1992 en acceptant dès le début les termes du CW, en échange de plusieurs emprunts du Fonds (de 1992 à la fin des années 1990, la Russie y a eu recours un total de huit fois, pour un total d’environ 22 milliards de dollars). Selon l’opinion généralement admise, la privatisation des entreprises du secteur public a causé les dommages les plus destructeurs à la Russie dans les années 90. Et le principal argument de l’époque en faveur de la privatisation, était que c’était une condition pour que la Russie reçoive des prêts du FMI. La valeur actuelle des actifs sujets à la privatisation a été estimée à des milliers de milliards de dollars. Comparons maintenant ces sommes astronomiques (en milliers de milliards de dollars) aux 22 milliards de dollars de prêts du FMI. La différence entre les deux grandeurs correspond au prix de l’application par la Russie des règles du Consensus de Washington.