La mobilisation contre le cinquième mandat ne faiblit pas. Lundi 5 mars, et à travers tout le pays, des dizaines de milliers d’étudiants et d’enseignants ont manifesté contre le mandat à vie du président Abdelaziz Bouteflika qui boucle son dixième jour d’hospitalisation à Genève, et qui est sous « menace vitale permanente », selon La Tribune de Genève qui vient de révéler l’information ce mercredi.
Selon le Conseil national de l’enseignement supérieur (CNES, syndicat des enseignants), pas moins de 86 universités ont connu un mouvement de protestation, en attendant une grève générale de l’enseignement dans les facs à partir de la semaine prochaine. Ce 5 mars, l’opposition a lancé un appel commun pour l’application de l’article 102 de la Constitution portant sur la vacance du pouvoir présidentiel pour cause médicale. Le Conseil national de l’ordre des médecins algérien avait, le même jour, tenu à mettre en garde « les institutions nationales chargées d’examiner la validité de ces documents, l’obligation pour le ou les auteurs de l’inscription au tableau de l’ordre des médecins ». Allusion faite au certificat médical inclus dans le dossier de candidature du président Bouteflika qui nourrit doutes et suspicion de faux et usages de faux.
Un avertissement de l’armée ?
Et alors que la rue, d’Alger à Adrar, d’Oran à Annaba, vibrait de chants et de slogans d’une jeunesse pacifique et engagée, le patron de l’armée a réagi à la mobilisation des Algériens à partir de l’Académie militaire de Cherchell (ouest d’Alger). « Ce peuple qui a mis en échec le terrorisme et déjoué ses desseins et visées est celui-là même qui est appelé, aujourd’hui, à savoir comment se comporter face à la situation que traversent son pays et son peuple », a déclaré le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah devant un parterre de jeunes officiers. Des observateurs à Alger ont interprété les paroles du général de corps d’armée, qui est également vice-ministre de la Défense, comme un avertissement contre les manifestations qui secouent le pays depuis l’Acte I du 22 février dernier.
Mais pour le journaliste et fin analyste Otman Lahiani, le message du puissant haut gradé est légèrement différent du ton menaçant des dernières semaines où il fustigeait directement les manifestations. Le journaliste explique sur sa page Facebook que le chef de l’armée a évité de critiquer frontalement les manifestations, a éludé la question de la présidentielle et a jeté des fleurs à la population ; il pourrait ainsi exprimer une certaine neutralité dans la tension qui monte, assumant le rôle de la préservation de la sécurité nationale et refusant tout retour à un état d’exception, comme le déclenchement de l’état d’urgence par exemple.
Démissions en cascade et soutien aux manifestations
C’est que le bras de fer commence à déstabiliser certains soutiens du pouvoir en place. Des maires et d’autres élus appartenant aux partis de la coalition présidentielle démissionnent, le Forum des chefs d’entreprise, sorte de Medef algérien pro-Bouteflika, connaît une cascade de démissions, le syndicat du pouvoir, UGTA, est secoué par plusieurs dissidences, etc. Mais surtout, même la très conservatrice et toute puissante Organisation nationale des moudjahidine (anciens combattants de la guerre de libération) vient d’apporter son soutien aux manifestations anti-cinquième mandat.
Le Département d’État s’en mêle
Entre-temps, les pressions se font ressentir à l’international. Mardi 5 mars, le porte-parole du State Department américain, Robert Palladino, a répondu à une question lors d’une conférence de presse sur les manifestations en Algérie en ces termes : « Nous suivons ces manifestations qui se déroulent en Algérie. Nous allons continuer à le faire. Et je dirais que les États-Unis soutiennent le peuple algérien et son droit de se réunir pacifiquement. » Le même jour, la Commission européenne a appelé au respect « de la liberté d’expression et de réunion » en Algérie, alors que Reporters sans frontières dénonçait, dans un communiqué « les pressions incessantes sur les médias et les journalistes et les atteintes à la liberté d’informer » qui « doivent cesser », selon l’ONG.