Programme avorté à Paris, éclatement des revendications et des cortèges, mais des manifestants qui ne « lâchent rien » : le mouvement des « gilets jaunes » peinait à trouver un nouveau souffle samedi pour son acte 17, une semaine avant sa mobilisation cruciale pour la fin du grand débat.
Après presque quatre mois d’existence, le mouvement reflue depuis plusieurs samedis. Pour l’acte 16, 39.300 manifestants avaient été recensés en France par le ministère de l’Intérieur. Et samedi le pouls du mouvement, qui conteste régulièrement ces chiffres officiels, semblait stagner.
Vers 14H00, l’Intérieur recensait 7.000 manifestants en France, dont 2.800 à Paris : une mobilisation un peu plus importante que samedi dernier à la même heure – 5.600 dans l’ensemble du pays et 1.320 dans la capitale.
Après presque quatre mois de manifestations hebdomadaires, le mouvement semble déjà tourné sur sa grande journée nationale du 16 mars. « On se prépare pour samedi prochain, ça va être gros », promet Christian, 67 ans, près des Champs-Élysées. L’acte 18 du mouvement aura lieu le lendemain de la fin officielle du grand débat et espère rassembler « la France entière à Paris » pour lancer un « ultimatum » au gouvernement.
A une semaine de cette date cruciale, les « gilets jaunes » espèrent retrouver l’esprit des débuts du mouvement, lorsqu’ils avaient rassemblé 282.000 personnes sur les ronds-points et dans la rue le 17 novembre. Ils n’ont toutefois pas réussi à imposer leur tempo samedi à Paris.
Ils promettaient d’occuper le Champ de Mars tout le week-end, mais le projet a tourné court : les forces de l’ordre ont empêché toute installation près de la Tour Eiffel dès vendredi soir. A défaut, une poignée de « gilets jaunes », dont Priscillia Ludosky, se sont rassemblés avec des militants écologistes sous le monument dans la matinée .
Quant à la manifestation qui promettait de faire « converger toutes les mobilisations » dans les rues de la capitale samedi, elle a finalement provoqué une scission des manifestants.
Au lendemain de la journée internationale des droits des femmes, un cortège emmené par des assistantes maternelles, vêtues de gilets roses, de femmes mobilisées contre les violences sexistes et arborant du violet, et de syndicats, ont fait plusieurs kilomètres dans Paris sur un parcours autorisé, avant de se disperser vers 16H00 sans incident.
Pendant ce temps, plusieurs centaines de « gilets jaunes » ont préféré rester massés en haut des Champs-Élysées. Après quelques tensions sporadiques – des grenades lacrymogènes répondant à des jets de projectiles – les forces de l’ordre commençaient à utiliser des canons à eau en fin d’après-midi pour disperser progressivement les manifestants.
« Manif de Teletubbies »
« C’est une manif de Teletubbies aujourd’hui », soupirait Toufik à Paris. Ce trentenaire n’avait pas l’intention de rester mobilisé tout le week-end, sans pour autant vouloir jeter l’éponge. « Si on s’arrête, on va retourner dans l’anonymat ».
Globalement calme, la mobilisation parisienne a donné lieu à des incidents sporadiques, entraînant des jets de gaz lacrymogènes et 13 interpellations selon la préfecture de police. A l’aéroport de Roissy, des « gilets jaunes » ont protesté en dansant contre le projet de privatisation d’Aéroports de Paris, sous le regard amusé des touristes.
En régions, le mot d’ordre restait le même : « on lâche rien », comme le chantaient des manifestants à Bordeaux, selon un journaliste de l’AFP. A Toulouse, autre foyer de la contestation, plusieurs dizaines de femmes ont pris la tête du cortège de plus d’un millier de « gilets jaunes », en scandant des slogans féministes en début d’après-midi.
Ratée à Paris, la convergence s’est en revanche opérée à Nice, où des assistantes maternelles et leurs gilets roses ont rejoint la foule en jaune.
« On n’est pas entendus donc on continue », a expliqué Anne à Quimper, dans un cortège d’un millier de personnes. Pour cette ambulancière bretonne de 55 ans, le pouvoir d’achat reste la revendication numéro un. « Aujourd’hui tout le monde devrait pouvoir vivre de son salaire, de sa retraite ou d’une pension adulte handicapée ».
D’autres manifestations se déroulaient sans incident majeur à Lyon, Saint-Brieuc, Caen, Rouen, Dijon, Lille, Strasbourg ou Nancy.
L’ambiance était plus tendue à Nantes, Montpellier ou encore au Puy-en-Velay, selon plusieurs journalistes de l’AFP. Environ 2.000 personnes ont défilé dans les rues du chef-lieu de la Haute-Loire, avec parfois des jets de projectile sur les forces de l’ordre.
La ville, dont la préfecture avait été incendiée le 1er décembre, est sous haute surveillance. Dans la matinée, les forces de l’ordre ont saisi des boules de pétanque, des battes de baseball, un jerrycan ou encore un sabre japonais, selon la préfecture.