Le patron de l’ONU à Washington pour des discussions budgétaires épineuses

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres doit discuter mercredi et jeudi à Washington avec les autorités américaines du financement des opérations de paix, dont le budget est déséquilibré par la baisse de la contribution des Etats-Unis.

De plus en plus alarmé par la trésorerie défaillante de l’ONU, M. Guterres multiplie depuis janvier les initiatives pour sensibiliser les Etats membres aux « problèmes financiers graves » auxquels est confrontée l’institution. Il y a consacré une rencontre mensuelle avec le Conseil de sécurité et a envoyé une lettre inquiète aux 193 membres des Nations unies réunis récemment pour pousser à des solutions.

Adopté chaque année en juin, le budget de l’ONU pour sa quinzaine d’opérations de paix employant plus de 100.000 Casques bleus est de 6,689 milliards de dollars.

Outre la réduction depuis 2017 de 28 % à 25 % de la contribution américaine (soit 220 millions de dollars par an en moins), Antonio Guterres fait face à de plus en plus de retards de paiements par les Etats membres, pouvant atteindre au total plusieurs centaines de millions.

Parmi les conséquences, l’ONU qui doit rembourser les pays ayant déployé des troupes dans des opérations accuse elle aussi des retards conséquents. Jusqu’à présent, le problème n’a pas poussé les pays à proposer moins de troupes, note-t-on à l’ONU. Mais jusqu’à quand?

Les répercussions sont particulièrement importantes pour les gros fournisseurs de Casques bleus. En tête des pays auxquels l’ONU doit de l’argent figurent l’Ethiopie qui attend 41,6 millions de dollars, l’Inde 40,5 millions et le Pakistan 35,7 millions.

La décision du président Donald Trump de réduire la contribution financière américaine à 25% représente le plus gros casse-tête pour Antonio Guterres. De nombreux pays sont réfractaires à se substituer aux Etats-Unis, qui ne sont pas parvenus fin 2018 à faire entériner par l’ONU le principe d’une part américaine réduite.

« Compenser, c’est leur donner raison » et pourrait servir de précédent à d’autres, résume un diplomate. « Pourquoi devrions-nous régler un problème créé par un seul d’entre nous? », fustige un autre diplomate.

Etats-Unis bénéficiaires ?

Selon Washington, la répartition des contributions n’est plus juste, avec des pays ne payant pas assez au vu de leurs possibilités. En ligne de mire figurent l’Arabie saoudite, le Qatar, les Emirats Arabes Unis, la Turquie, Singapour, Brunei, le Brésil, le Mexique ou l’Inde.

« La capacité américaine devrait plutôt se traduire par une contribution à 29% », rétorque un diplomate africain, en soulignant que Washington « est le premier bénéficiaire » des opérations de paix.

Sans mission de l’ONU dans certains pays, l’engagement et le coût pour les Etats-Unis seraient démultipliés, note une source. Dans les opérations, les Etats-Unis « sont le premier vendeur de biens et de services », précise un autre diplomate.

Alors, quelles solutions, sachant qu’aucune sanction n’est prévue pour ceux qui ne paient pas la totalité de leur dû ou s’exécutent avec retards, et qu' »une réduction des dépenses ne peut compenser le manque à gagner » comme l’a admis lui-même Antonio Guterres?

A Washington, le secrétaire général pourrait développer plusieurs idées, selon des sources diplomatiques. Par exemple, pouvoir transférer de l’argent d’une mission de paix à une autre.

Pour un spécialiste du dossier s’exprimant sous couvert d’anonymat, « les Etats membres n’aiment pas cela ». « Cela pose des problèmes techniques de comptabilité et politiques car certains Etats peuvent vouloir financer certaines opérations plus que d’autres ».

Antonio Guterres souhaiterait aussi créer un fonds avec l’argent non dépensé dans les opérations. Lorsque cela arrive, l’ONU est tenue de rembourser les pays membres. Pour se donner de la flexibilité budgétaire, le patron de l’ONU « veut garder cela » pour atténuer ses problèmes de trésorerie, précise une source.

Le secrétaire général pourrait aussi vouloir élever le niveau des contributions au début des missions, traditionnellement établies au plus bas, indique un diplomate. Mais en période économique difficile, l’idée risque de ne pas être très populaire.

Dans le passé, il est déjà arrivé que des imprévus surgissent et le chef de l’ONU a la possibilité de réclamer des versements exceptionnels, rappelle le spécialiste du dossier.

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