Les dirigeants européens ont réclamé vendredi de la clarté de la part de Londres avant de considérer sa demande de report de la date du Brexit, censé intervenir le 29 mars.
« Sans clarté, il n’y a pas de solution », a estimé vendredi la présidence française, selon laquelle Londres a le choix entre l’approbation du plan de la Première ministre Theresa May, un « plan alternatif clair et nouveau », ou une sortie sans accord de l’UE qui « s’impose s’il n’y a pas d’alternative possible ».
« En soi même, l’extension n’est pas un projet, c’est un outil possible au service d’un projet », souligne-t-on à Paris.
Même son de cloche à Berlin, où le porte-parole du gouvernement allemand a dit attendre des propositions du gouvernement de Theresa May.
La question du report du Brexit devrait dominer l’agenda du sommet européen des 21 et 22 mars à Bruxelles.
Incertitude prolongée
La Commission européenne a rappelé jeudi soir que « toute demande de prolongation de (la période de négociations prévue par) l’article 50 (du traité de Lisbonne) nécessite l’accord unanime des 27 autres pays membres » et devra être dûment justifiée.
Sa durée dépend d’un nouveau vote d’ici le 20 mars sur l’accord de Brexit conclu par Mme May avec Bruxelles fin novembre, après de longues tractations.
La dirigeante conservatrice prévoit un court report, jusqu’au 30 juin, si les députés britanniques approuvent ce Traité de retrait, qu’ils ont massivement retoqué à deux reprises, le 15 janvier et mardi.
Si l’accord est encore recalé, alors le report devra aller au-delà du 30 juin et impliquera que le pays participe aux prochaines élections européennes en mai, a prévenu Theresa May.
Le président du Conseil européen Donald Tusk a invité les 27 à être prêts à accorder « une longue prolongation » au Royaume-Uni s’il « accepte de repenser sa stratégie pour le Brexit et parvient à dégager un consensus autour de celle-ci ».
Mais le ministre irlandais des Affaires étrangères, Simon Coveney, en visite à Paris, a estimé que « nombre de dirigeants européens ne seraient pas à l’aise avec l’idée d’une longue extension ».
Ce scénario prolongerait l’incertitude sur son avenir dans laquelle le Royaume-Uni est plongé depuis qu’il a voté en juin 2016 pour sortir de l’UE, qu’il avait rejointe il y a 46 ans.
Il pourrait même signifier pas de Brexit du tout, a insisté Mme May, qui compte bien jouer sur cette menace pour rallier à son accord les eurosceptiques de son Parti conservateur et les députés du petit parti unioniste nord-irlandais DUP, son allié au Parlement.
Semaine chaotique pour la livre
La crise politique pèse aussi lourdement sur l’économie du pays, avec une croissance moins forte qu’attendu et des investissements retardés ou annulés.
La monnaie britannique, la livre sterling, a elle connu une semaine chaotique, enchaînant chutes et envolées au gré des rebondissements au parlement, qui a passé trois jours à débattre et voter sur le Brexit dans une atmosphère de crise.
En l’absence d’un accord de retrait approuvé par les députés, le scénario par défaut reste pour l’instant celui d’un Brexit sans accord au 29 mars, même si une majorité de députés s’est prononcée contre une telle issue mercredi.
« La situation est grave et il faut se préparer aussi à cette option que nous ne souhaitons pas », a déclaré le négociateur européen Michel Barnier jeudi soir, au Sommet des régions à Bucarest. « Je recommande qu’on ne sous-estime pas les conséquences » d’un « no-deal ».
Cette perspective ne serait pas pour déplaire au président américain Donald Trump, qui a plaidé par le passé pour un Brexit « dur ». « Mon gouvernement est prêt à négocier un grand accord commercial avec le Royaume-Uni. Le potentiel est illimité! », a-t-il encore tweeté jeudi.
Lors d’une rencontre avec le Premier ministre irlandais Leo Varadkar à Washington, le président américain a également décoché plusieurs flèches contre Theresa May, estimant que le Brexit « aurait pu être négocié d’une autre façon », et se disant « surpris de voir à quel point tout se passe mal ».