Après la Coupe du Monde 2018, des étrangers ont profité de leur Fan ID, passeport de supporter, pour visiter la Russie. Mais ils sont nombreux à y être restés au-delà de la date légale, devenant ainsi hors la loi. Entretien avec Oleg Melnikov, fondateur de l’Alternative, mouvement activiste qui leur vient en aide.
«Le 30 mars prochain, ils seront tous renvoyé dans leur pays d’origine», précise fin janvier le directeur adjoint de la Direction générale des migrations Andrey Krajuchkine.
«J’ai des doutes», rétorque le fondateur de l’association Alternative OIleg Melnikov, pour qui «cette promesse concerne ceux qui sont déjà regroupés dans des centres pour étrangers en situation irrégulière. Mais pour récupérer ceux qui se sont évaporés dans la nature, il faudra plus de temps.»
L’association Alternative, qui vient en aide aux victimes de l’esclavage des temps modernes en Russie, s’est à l’occasion de la Coupe du Monde 2018 retrouvée submergée par ces nombreux étrangers arrivés dans le pays. «Toute compétition sportive, avec les facilités d’entrée qui vont avec, est propice à l’arrivée de migrants», confie Oleg Melnikov. Néanmoins, ils sont nombreux à ne pas vouloir rester.
«Certains considèreraient la Russie comme un tremplin vers l’Europe. On leur a fait croire qu’ils pourraient prendre le métro à Moscou jusqu’à Paris», précise le fondateur du mouvement.
En janvier, la Direction générale des migrations décomptait près de 5.000 étrangers restés illégalement en Russie, soit au-delà de la date limite de validité, fixée au 31 décembre 2018, de leur Fan ID. Ceux qui restent sont les victimes d’une tromperie. Actuellement, l’affaire urgente est celle du statut d’un groupe de onze personnes que les volontaires d’Alternative appellent «l’équipe de foot du Nigeria». L’histoire de ces Nigérians, restés bloqués à Sotchi, est presque banale: on leur a fait miroiter des contrats dans des clubs de foot russes. On leur a dit: «il vous suffit de payer votre billet jusqu’à Sotchi» (la ville qui a accueilli les JO2015 et où se jouaient une partie des matchs de la Coupe du Monde 2018). On leur a fait payer 300 dollars des Fan ID gratuits (!) et débourser de l’argent pour un billet d’avion aller-retour. Les billets ont été annulés par ces «agents-entremetteurs» et les Nigérians se sont retrouvés bloqués dans le sud de la Russie. En plus, ils ont étés trompé pour la deuxième fois, sur le sol russe, par un certain personnage qui s’est fait passer pour un sélectionneur et leur a pris 500 dollars de plus afin de «leur faire faire un visa électronique de travail» qui n’existe pas en Russie.
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«Notre collaborateur, accompagné d’un employé du consulat du Nigeria, est parti sur place», raconte Oleg Melnikov, avant de poursuivre: «Notre objectif est de leur éviter un séjour dans un centre pour les étrangers en situation irrégulière.»
L’association Alternative a réussi à trouver des sponsors prêts à payer les billets de retour au pays de ces Nigérians. Tout le monde espérait qu’après avoir payé une amende, «l’équipe de foot» pourrait repartir au Nigeria.
«On a rencontré des gens du Ghana, du Congo… Toute l’Afrique centrale est représentée», précise M.Melnikov, qui rencontre périodiquement des gens, qui ont «réussi leur vie, d’après leurs critères.»
Cette «réussite» reste cependant valable dans le domaine du travail irrégulier. Quand on parle de «vie réussie», la réalité reste difficile à déterminer. Peut-être que ces personnes en situation irrégulière ont mieux «réussi» que dans leur pays d’origine. Mais en Russie, comme ils sont considérés comme clandestins, il s’agit du travail au noir.
«Et ils ne peuvent pas se déplacer librement car ils sont trop visibles», souligne Oleg Melnikov, et conclut: «En plus, actuellement le ministère de l’intérieur a fixé comme objectif de renvoyer dans leur pays tous ceux qui sont entrés avec des Fan ID.»
Le problème reste latent. L’association avait commencé à distribuer ses flyers dès le début de la Coupe du monde et elle continue de recevoir des appels de personnes en détresse. À l’été 2018, l’Alternative a organisé le rapatriement de 400 personnes, dont plus de 32 jeunes femmes libérées d’esclavage sexuel.
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