La Hongrie d’Orban, neuf ans de réformes controversées

Le Premier ministre conservateur hongrois Viktor Orban, menacé d’une exclusion du Parti populaire européen (PPE, droite) en raison de ses provocations anti-Bruxelles, a multiplié ces dernières années les mesures controversées.

Celles-ci lui ont valu un désaveu inédit du Parlement européen, qui a pointé du doigt en septembre une violation des « valeurs » de l’UE.

Le think tank américain Freedom House a par ailleurs récemment considéré que la Hongrie était le seul pays de l’UE à n’être que « partiellement libre » en raison d' »attaques répétées » contre « l’opposition, les médias, les groupes religieux, les universités, les ONG, les tribunaux, les demandeurs d’asile et le secteur privé ».

Contre-pouvoirs affaiblis

Dès son retour au pouvoir en 2010, M. Orban a engagé une vaste révision constitutionnelle gravant dans le marbre les valeurs du « christianisme » et de la « famille traditionnelle ».

La réforme accroît l’emprise du gouvernement sur la justice et cimente le pouvoir de son parti Fidesz sur les institutions et sur les médias, contrôlés pour la plupart par des proches. La Cour constitutionnelle a vu ses attributions limitées et une juridiction spécifique a été créée cet hiver pour les dossiers sensibles comme les appels d’offres publics ou les contentieux électoraux, alimentant les craintes de nouvelles atteintes à l’indépendance de la justice.

Elections sur mesure

M. Orban a par ailleurs imposé un mode de scrutin uninominal à un tour avantageant son parti en l’absence de candidats uniques d’opposition.

Combiné au recul de pluralité de la presse, à une « rhétorique hostile et intimidante » et à des dépenses de campagne gouvernementales jugées « excessives », ces mesures créent un « climat défavorable » à l’équité des scrutins, selon le Parlement européen.

Avec 49,3% des voix aux législatives d’avril 2018, M. Orban s’est assuré une majorité qualifiée des deux-tiers lui permettant de poursuivre ses réformes institutionnelles.

– Corruption –

« Irrégularités graves » et « conflits d’intérêts » dans l’attribution de marchés publics, budgets artificiellement gonflés, proches du pouvoir avantagés: les accusations sont nombreuses concernant la gestion des deniers publics dans ce pays dont 4,4 % du PIB provient de fonds structurels européens et où la corruption est jugée endémique.

Universités et ONG dans le collimateur

Avec ses pressions et restrictions diverses imposées à l’enseignement supérieur, la Hongrie va « à l’encontre du droit à la liberté académique », a jugé le Parlement européen.

Particulièrement ciblée, l’Université d’Europe centrale (CEU) créée par le financier américain George Soros, bête noire de M. Orban, s’est estimée contrainte l’an dernier de déménager l’essentiel de ses activités à Vienne. Le sort de cette université fait partie des préoccupations expressément soulignées par le PPE.

Qualifiées par le pouvoir d' »agents étrangers », les ONG de défense des droits de l’Homme, en particulier des migrants, ont par ailleurs été frappées de taxes spéciales et font face à l’obligation de se soumettre à un enregistrement spécial. L’assistance aux migrants peut être passible de peines de prison.

Migrants et SDF maltraités

« Détention automatique » des demandeurs d’asile, possibilité de périodes d’enfermement indéfinie, « passages à tabac »: le traitement réservé par la Hongrie aux migrants a été jugé contraire au droit de l’UE par le Parlement européen. De même que le refus par Budapest de se plier aux quotas d’accueil de migrants fixés par l’UE.

Le pays a également été épinglé pour le traitement réservé à sa minorité rom, ainsi que pour l’interdiction faite aux sans-abris de dormir dans la rue et d’accéder à certains espaces publics.

Campagne anti-UE

C’est la goutte qui a fait déborder le vase aux yeux du PPE: alors même que la Hongrie est un des principaux bénéficiaires des fonds européens, Budapest a lancé en février une vaste campagne contre la Commission européenne, l’accusant de favoriser l’immigration aux côtés de M. Soros.

Le chef de l’exécutif européen Jean-Clause Juncker, membre éminent du PPE, a été nommément visé. Le PPE a dénoncé une « campagne de fake news » et a exigé l’arrêt définitif de celle-ci, ainsi que des excuses. Celles, partielles, formulées par M. Orban ont été jugées « insuffisantes » à ce stade.