Pays-Bas: percée de la droite populiste au Sénat, revers pour Rutte

Une jeune formation anti-immigration et euro-sceptique est entrée en force au Sénat aux Pays-Bas, où elle est désormais le plus grand parti après avoir détrôné celui du Premier ministre Mark Rutte, mis en difficulté trois jours après une fusillade « terroriste » à Utrecht.

Présent dans la chambre basse mais absent jusque-là du Sénat, le parti Forum pour la démocratie (FvD) de Thierry Baudet, 36 ans, est sorti grand vainqueur des élections provinciales qui servent à désigner les représentants à la chambre haute du parlement.

Le FvD, fondé il y a seulement deux ans, sera désormais le plus important parti au Sénat avec 13 sièges, suivi de près par le VVD de M. Rutte, qui en conserve 12 après le décompte de 98,5% des votes, ont rapporté jeudi la télévision publique NOS et l’agence de presse néerlandaise ANP.

Les résultats de ce scrutin, qui ont bouleversé le paysage politique néerlandais, sont suivis avec attention au delà des frontières, à l’approche des élections européennes de mai, qui pourraient également voir une forte poussée des partis populistes.

Ces élections sont intervenues peu après la fusillade qui a fait trois morts lundi dans un tramway à Utrecht, dont le suspect va comparaître vendredi devant un juge d’instruction pour homicides à des fins « terroristes », a annoncé jeudi le parquet.

M. Baudet, connu pour ses propos controversés, notamment sur l’immigration, les femmes ou la transition écologique, a accusé le Premier ministre « d’arrogance et de stupidité », lui reprochant d’avoir ignoré les électeurs.

« Nous nous trouvons dans les décombres de ce qui était autrefois la plus belle civilisation », a-t-il déclaré mercredi soir dans un discours lyrique, devant une foule en liesse qui célébrait sa victoire.

« Frontières grandes ouvertes »

Les journaux ont réagi avec stupéfaction aux résultats. « Baudet remporte une méga-victoire », souligne le quotidien populaire Algemeen Dagblad (AD), tandis que De Telegraaf titre simplement: « Victoire écrasante ».

Mark Rutte, qui a joué un rôle-clé dans les négociations sur le Brexit entre l’Union européenne et Londres, est au pouvoir depuis huit ans. Mais ce revers le rend vulnérable en l’obligeant à obtenir le soutien de partis extérieurs à la coalition. Il n’exclut pas une éventuelle collaboration avec le FvD « sur certains sujets », a-t-il déclaré à des journalistes lors d’un déplacement à Bruxelles.

Le VVD, formation de centre-droit de M. Rutte, et les trois autres partis de la coalition n’ont plus que 31 sièges – contre 38 avant les élections – sur les 75 que compte le Sénat.

« Nous allons devoir nous mettre au travail », a-t-il déclaré à ses sympathisants à l’issue du scrutin. « Nous allons devoir discuter avec d’autres partis ces prochains temps pour faire en sorte de continuer à bien diriger ce pays ».

Thierry Baudet a par le passé défendu un « Nexit », une sortie des Pays-Bas de l’Union européenne, avant de passer le mot sous silence au vu du chaos actuel autour du Brexit.

L’homme politique n’a pas manqué de se servir de la fusillade d’Utrecht pour sa campagne. « Les gouvernements successifs de Rutte ont laissé les frontières grandes ouvertes et battu toujours plus de records d’immigration, laissant entrer des centaines de milliers de personnes de cultures totalement différentes de la nôtre », a lancé M. Baudet.

« Nous l’avons vu lundi à Utrecht, des violeurs et des voleurs sont en liberté. C’est une honte », a-t-il ajouté, en référence au passé judiciaire du suspect d’origine turque de la fusillade.