L’opération Sophia, qui vise à lutter contre le trafic d’êtres humains entre l’Afrique et l’Europe, est-elle condamnée? Alors que les 28 se sont réunis le 25 mars pour débattre d’une prolongation de cette mission, Rome, qui fustige un changement d’objectif, veut y mettre un terme si les migrants secourus ne sont pas répartis dans toute l’UE.
Le bras de fer entre l’Italie et l’UE va-t-il se solder par l’arrêt de la mission Sophia?
Les 28 États membres de l’Union européenne se sont réunis le 25 mars dernier pour discuter des suites à donner à cette opération militaire de lutte contre le trafic d’êtres humains en Méditerranée, en cours depuis 2015 et dont le mandat s’achève normalement à la fin du mois. Qualifiée en novembre 2018 de «modèle d’une Europe de la Défense en action» par la représentante de l’UE pour la politique étrangère, Federica Mogherini, elle a pour mission de réduire les arrivées de migrants par la mer en entraînant les garde-côtes libyens et en luttant contre les trafiquants.
«En l’absence d’une décision unanime et consensuelle, l’opération prendra fin, ce qui signifierait qu’il n’y aurait pas de présence européenne en mer Méditerranée, pas d’entraînement des garde-côtes libyens, pas de démantèlement de réseaux de passeurs et pas d’arrestations, etc.», se désolait Federica Mogherini en novembre dernier.
La même a d’ailleurs rebaptisé l’opération EUNAVFOR Med «opération Sophia» afin «d’honorer les vies des personnes que nous sauvons». Un geste qui n’a pas empêché l’Italie de largement remettre en question cette mission, accusant ses partenaires européens de l’avoir détourné de ses objectifs initiaux pour venir en aide aux migrants en haute mer et les débarquer dans «les ports les plus sûrs et les plus proches», souvent en Italie.
Censée se terminer en décembre 2018, l’opération avait été prolongée de trois mois après d’âpres négociations avec Rome, mais le délai arrive à son terme sans que la position italienne n’ait évolué. Matteo Salvini a de fait conditionné le futur de la mission au-delà du mois de mars à une répartition équitable des migrants secourus; un compromis inacceptable pour certains pays membres.L’Irlande a formellement demandé la prolongation de l’opération européenne, afin de ne pas subir de revers symbolique à quelques semaines des élections européennes de mai.
Mais au-delà de l’inflexibilité de Rome, d’autres facteurs peuvent expliquer que l’opération Sophia prenne fin le 31 mars 2019. C’est notamment le cas de la position allemande sur la question. En effet, Berlin a estimé avoir été mis sur la touche par le commandement italien et a annoncé le 6 février dernier que son bâtiment militaire mettrait fin à sa participation.
La raison invoquée par l’Allemagne est que le commandement à Rome incite les navires à patrouiller en dehors des routes migratoires dans le but de ne pas croiser de migrants et d’éviter de leur venir en aide. Une information confirmée par un des militaires participant à l’opération au quotidien El Pais, dans lequel il explique que les patrouilles sont devenues «une perte de temps et d’argent».Pourtant, paradoxalement, Berlin a annoncé le 23 mars dernier «chercher des solutions au contentieux sur la répartition des migrants» dans l’objectif de prolonger un exercice auquel la marine allemande ne contribue plus.
La prorogation de la mission européenne, demandée formellement par l’Irlande dans le but de ne pas y mettre un terme de façon abrupte avant les élections européennes, est suspendue à la décision des 28.