Slovaquie : une militante anticorruption en passe de conquérir la présidence

Une avocate écologiste bataillant contre la corruption devrait remporter l’élection présidentielle en Slovaquie samedi, un an après la crise déclenchée par le meurtre d’un journaliste d’investigation et de vastes manifestations antigouvernementales.

Zuzana Caputova, novice en politique âgée de 45 ans, pourrait selon les sondages obtenir au moins 60% des suffrages et devenir la première femme à occuper la présidence de ce pays de 5,4 millions d’habitants, membre de la zone euro et de l’Otan.

Critique virulente du gouvernement, elle affrontera le commissaire européen à l’Energie et diplomate de carrière Maros Sefcovic, 52 ans, soutenu par le parti au pouvoir Smer-SD.

Au premier tour du scrutin, le 16 mars, ce dernier n’avait obtenu que 19 % des suffrages, contre 40 % pour Mme Caputova, divorcée et mère de deux enfants.

« Le parti populiste au pouvoir, Smer-SD, est épuisé et compromis par des manifestations d’arrogance du pouvoir, la corruption et ses relations avec les oligarques », explique à l’AFP Juraj Marusiak, politiste de l’Académie des sciences slovaque. « La popularité de Caputova est une expression du mécontentement des électeurs ».

Jan Kuciak et sa compagne Martina Kusnirova ont été assassinés en février 2018, alors que le journaliste s’apprêtait à publier une enquête sur des liens présumés entre des hommes politiques slovaques et la mafia italienne.

Le crime a mis à mal le gouvernement en place et provoqué des manifestations de rue d’une ampleur inédite depuis la chute du communisme au début des années 1990.

Mme Caputova, à l’époque une vice-présidente du parti Slovaquie progressiste, qu’elle a quitté depuis pour partir à la conquête de la présidence, a pris part à ces manifestations.

La vague d’indignation a entraîné la démission du Premier ministre Robert Fico, qui reste cependant chef du Smer-SD et proche allié du Premier ministre Peter Pellegrini.

« Derniers mètres »

Lundi, la candidate a reçu le soutien de Jozef Kuciak, frère du journaliste assassiné. « Je voterai certainement pour Mme Caputova. Je ne voterai pas pour une personne soutenue par des oligarques et leurs gens qui m’ont privé de mon frère et de ma belle-soeur », a-t-il écrit sur sa page Facebook.

Sauf énorme surprise, Mme Caputova succèdera à la présidence à Andrej Kiska, qui l’a également soutenue.

Les fonctions du chef de l’Etat, commandant en chef des forces armées, sont essentiellement protocolaires. Cependant, il peut opposer son veto aux nouvelles lois et nomme les plus hauts juges.

« L’année prochaine », a rappelé récemment Mme Caputova, « nous aurons l’élection du nouveau procureur général nommé par le nouveau président ».

« Des enquêtes poussées sur la corruption et la lutte contre ces activités criminelles sont les mesures les plus importantes à prendre », a-t-elle déclaré à l’AFP.

Dimanche, des centaines de personnes avaient rejoint la candidate pour une randonnée sur la montagne de Sitno (centre). « Dès le début, j’ai comparé cette campagne à l’escalade d’une montagne escarpée. Nous sommes maintenant à quelques mètres du sommet », a-t-elle dit à ses partisans.

« Président expérimenté »

« Nous partageons ses valeurs éthiques, son idée de lutter contre la corruption », disait à l’AFP Emilia Jurcikova, de Dolny Kubin (nord).

Mme Caputova n’en est pas à sa première bataille. Elle a mené avec succès une campagne pour bloquer l’installation d’une grande décharge à Pezinok (sud-ouest).

En 2016, ses efforts étaient récompensées par le prestigieux prix Goldman pour l’environnement.

Eva Kapustova votera pour elle. « Nous sommes une famille pour qui les questions de l’environnement sont importantes », souligne cette habitante de Banska Stiavnica (centre).

Le gynécologue Michal Lunicek, 52 ans, la soutient « parce que Sefcovic est lié à un parti qui est absolument inacceptable pour moi ».

Le Premier ministre, quant à lui, a appuyé M. Sefcovic, sans toutefois le nommer explicitement.

« Je souhaiterais vraiment voir un président expérimenté, un homme politique chevronné et capable de plonger dans une vie internationale extrêmement turbulente dès le premier jour », a déclaré Peter Pellegrini, selon l’agence TASR.

Pour Martin Chudoba, enseignant à Bratislava, M. Sefcovic « serait un bon défenseur de la Slovaquie à l’étranger ». D’après cet électeur, « il ne se met jamais en colère et c’est un bon diplomate ».

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