Personne n’a vraiment envie de devoir faire face à Wonder Woman. Mais l’opposition entre l’actrice principale du blockbuster américain et Benjamin Netanyahu, épisode marquant de la campagne électorale, illustre combien le Premier ministre israélien a peu rechigné à tenir un discours populiste.
La querelle dans laquelle Gal Gadot, interprète israélienne de Wonder Woman, s’est mêlée de jouer les justicières s’est formée autour d’un des arguments massues de M. Netanyahu et des siens: ne pas voter pour le Likoud (droite) aux législatives du 9 avril reviendrait à faire le lit d’une majorité dans laquelle les partis arabes israéliens dicteraient leur volonté.
En abrégé, dans la bouche de M. Netanyahu, c’est « Bibi ou Tibi » – « Bibi » étant le surnom du Premier ministre, Tibi le nom d’un des leaders arabes israéliens.
Benjamin Netanyahu s’est ainsi inscrit en faux quand Rotem Sela, autre actrice connue du public israélien, a exprimé son exaspération devant ce raisonnement et affirmé que les Arabes ou encore les électeurs de gauche étaient aussi des « êtres humains » et qu’Israël était « un Etat de tous ses citoyens ».
« Israël n’est pas l’État de tous ses citoyens », a rétorqué M. Netanyahu. « Selon la loi fondamentale sur la Nation adoptée l’an dernier, Israël est l’État-nation du peuple juif – et uniquement du peuple juif », a-t-il dit, en référence à un texte qui a attisé la crainte chez les Israéliens non juifs de devenir des citoyens de seconde zone.
Le précédent de 2015
C’est alors que Gal Gadot a volé au secours de Rotem Sela. L’actrice a prôné la tolérance et le dialogue, reposté le message publié par Rotem Sela et lui a assuré qu’elle était « une source d’inspiration ».
M. Netanyahu est coupable « non seulement de racisme, mais de racisme délibéré », affirme de son côté Sawsan Zaher, directeur adjoint d’Adalah, ONG arabe israélienne de défense des droits de l’Homme. « A quoi de telles incitations à la haine peuvent-elles mener sur le terrain et dans la rue contre les Arabes ? », demande-t-il.
Les Arabes israéliens, descendants des Palestiniens restés sur leurs terres après la création d’Israël en 1948, représentent environ 17,5 % de la population du pays. Titulaires de la citoyenneté israélienne, ils ont le droit de vote. Différents partis représentent les Arabes israéliens aux élections.
En 2015 déjà, M. Netanyahu avait joué sur les peurs à droite en brandissant, le jour même du scrutin, le spectre d’électeurs arabes se rendant aux urnes « en masse ». Il s’était attiré les critiques, jusqu’au président américain de l’époque Barack Obama, et avait présenté ses excuses, après les élections.
Certains experts pensent que les propos et les agissements de M. Netanyahu reflètent moins ses convictions personnelles que son fameux instinct de survie.
Revenu au pouvoir il y a 10 ans, M. Netanyahu fait cette fois face à une sérieuse concurrence en la personne du général Benny Gantz, ancien chef d’état-major. Il est aussi sous la menace d’une inculpation pour corruption. Et il sait que le curseur politique s’est déplacé à droite en Israël ces dernières années.
Les sondages indiquent que le Likoud, son parti, serait devancé par la liste centriste de M. Gantz en nombre de sièges. Mais les projections de résultats des autres formations de droite maintiennent M. Netanyahu comme le mieux placé pour former une majorité de gouvernement.
Trump et lui
Lui ne veut rien laisser au hasard. Il a poussé deux partis nationalistes religieux à accepter sur leur liste des candidats d’un parti d’extrême droite largement considéré comme raciste. Objectif: garantir à la droite le plus de sièges possibles pour former une coalition, au risque de faire entrer au parlement un représentant de ce parti d’extrême droite.
« Son vrai combat, c’est de rester Premier ministre et de ne pas aller en prison », dit Gideon Rahat, du think-tank Institut d’Israël pour la démocratie.
Le discours de M. Netanyahu sur la « chasse aux sorcières » dont il ferait l’objet ou sur les « fake news » fait écho à celui de son « ami » Donald Trump. Il ne s’est pas privé d’utiliser l’image du président américain dans sa campagne.
A cet égard, la controverse impliquant Gal Gadot peut passer pour une bénédiction pour M. Netanyahu.
« C’est comme quand Trump s’en prend à quelqu’un de l’industrie du spectacle », dit Reuven Hazan, professeur de sciences politiques.
La campagne de M. Netanyahu, c’est « nous contre les autres », poursuit-il. Et cela devrait être le cas jusqu’au 9 avril, parce que M. Netanyahu « se rend compte qu’il livre bataille pour sa survie ».