Après une série d’opérations militaires pendant un an et demi dans le Liptako, dans le nord-est du Mali, la force française antijihadiste Barkhane étend ses efforts de l’autre côté du fleuve Niger, dans la zone adjacente du Gourma, frontalière du Burkina Faso.
Dans le Liptako, à la frontière entre le Mali et le Niger, où Barkhane se bat depuis fin 2017 contre le groupe appelé Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), « on a atteint un certain point de développement, de restauration de l’Etat malien et d’affaiblissement de l’ennemi », estime le chef d’état-major français, le général François Lecointre.
« A Ménaka (nord-est), il y a un véritable retour des habitants, la réinstallation de l’Etat et le retour des forces maliennes, parce qu’ils pensent que l’ennemi est désormais à leur portée », fait valoir le général Lecointre.
Ainsi, explique-t-il, « aujourd’hui, nous nous préparons à une extension dans une autre région contigüe, le Gourma, pour conduire la même action », tout en continuant à soutenir le processus de stabilisation du Liptako, où sont actuellement déployés 500 soldats français.
Vaste espace de passage situé sous la boucle du fleuve Niger, traversé par la route reliant Bamako à Gao (nord), le Gourma s’étend sur trois régions maliennes (Gao, Tombouctou et Mopti).
Zone sanctuaire
Le Gourma est « réputé être une zone sanctuaire » pour plusieurs groupes armés, implantés notamment dans les forêts et à la frontière avec le nord du Burkina Faso, souligne le général Frédéric Blachon, commandant de l’opération Barkhane.
Le nord du Mali est tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes, en grande partie dispersés par une intervention militaire lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France.
Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU, malgré la signature en 2015 d’un accord de paix censé isoler définitivement les jihadistes, dont l’application accumule les retards.
Depuis 2015, les violences se sont propagées du nord au centre du pays, beaucoup plus densément peuplé, où elles se mêlent très souvent à des conflits intercommunautaires.
Une tuerie imputée à des chasseurs dogons se présentant comme un « groupe d’autodéfense » antijihadiste a ainsi fait quelque 160 morts le 23 mars dans le village peul d’Ogossagou, près de la frontière burkinabè.
Carrefour de groupes armés
Pour rayonner dans le Gourma, où l’armée malienne a subi ces dernières semaines de lourdes pertes, Barkhane a fait sortir de terre une base avancée à proximité de la ville de Gossi, propre à accueillir quelques centaines de militaires français.
Outre quelques éléments de l’EIGS, dans le sud-est, plusieurs groupes armés sévissent dans la zone. Parmi les plus actifs figure la « katiba (cellule combattante) Gourma », affiliée à la principale alliance jihadiste du Sahel liée à Al-Qaïda.
Son chef, Al-Mansour Ag Alkassim, a été tué en novembre lors d’un raid français dans le Gourma, mais le groupe continue de poser des engins explosifs artisanaux et d’organiser des attaques complexes, selon l’état-major de Barkhane.
Le groupe jihadiste Ansaroul Islam, lui, est implanté dans le sud du Gourma, à la frontière burkinabè. Il est accusé de semer la terreur dans le nord du Burkina Faso, en proie depuis 2015 à une spirale de violences que les autorités semblent incapables d’enrayer, et qui s’est propagée dans l’est du pays.
« Quand vous êtes dans le Gourma, vous êtes à la poignée de l’éventail. Vous êtes notamment en mesure d’apporter un appui au Burkina s’il venait à le souhaiter », relève le général Blachon.
A terme, « en fonction des progrès que nous ferons en matière de sécurité et développement et de réinstallation de l’Etat malien, il y aura une bascule de l’effort dans le Gourma, avec une présence plus légère dans la zone du Liptako », explique le général Lecointre.
Plus à l’ouest, dans la région de Mopti où opère le groupe jihadiste du prédicateur radical peul Amadou Koufa, « on est en mesure d’intervenir si besoin », commente un haut gradé français de Barkhane.
Mais « le gouvernement malien a toujours fait savoir qu’il s’occupait de cette zone. C’est une question de fierté nationale », tempère un autre haut responsable militaire, écartant pour l’heure l’hypothèse d’une opération française dans cette région, à l’image de l’implantation entamée dans le Gourma.