Corse : les nationalistes boudent la visite d’Emmanuel Macron

C’est officiel : ils n’iront pas à la rencontre d’Emmanuel Macron. À la veille de la visite du chef de l’État jeudi en Corse pour le grand débat national, « en l’absence de signaux positifs », les dirigeants nationalistes ont fait connaître leur décision de ne pas répondre à l’invitation de l’Élysée.

« En l’état, je ne participerai pas au débat de Cozzano, a indiqué Gilles Simeoni, le président autonomiste du conseil exécutif de Corse, dans un communiqué. Le format prévu pour la rencontre du 4 avril risque de générer bien plus de frustrations que de satisfaction. »

Jean-Guy Talamoni, le président indépendantiste de l’Assemblée de Corse, a aussi été très clair : il ne sera pas du déplacement. Les maires de son parti, Corsica libera (La Corse libre, NDLR), devraient lui emboîter le pas et boycotter la visite d’Emmanuel Macron. L’un d’eux ne s’est d’ailleurs pas privé de le faire savoir. Dans une lettre ouverte au président de la République, Jean-Marc Rodriguez, maire de Poggio-di-Venaco (Haute-Corse), décline l’invitation du chef de l’État et dénonce une « attitude arrogante et méprisante qui (les) conforte dans (leur) volonté de devenir autonomes, si ce n’est indépendants ».

« Un déni de démocratie »

La tonalité est la même dans les rangs des autonomistes. Jeudi 28 mars, dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse, Hyacinthe Vanni, chef de file du groupe Femu a Corsica (Faisons la Corse, NDLR), avait déjà laissé entendre qu’il pourrait emprunter la même voie : « Il faut désormais que le président Macron annonce des mesures concrètes, celles que nous attendons depuis des mois et des mois. Pour notre part, nous ne sommes pas prêts à nous faire humilier une deuxième fois. »

L’élu autonomiste fait référence à la dernière visite d’Emmanuel Macron dans l’île, qui avait crispé les relations entre les dirigeants de la région et l’État. En déplacement en Corse pour commémorer le vingtième anniversaire de l’assassinat du préfet Érignac en février 2018, le chef de l’État avait clairement douché les espoirs nationalistes. Le président de la République s’était montré très fermeface à leurs velléités concernant, notamment, la coofficialité de la langue corse, l’instauration d’un statut de résident pour les habitants de l’île ou encore l’amnistie des prisonniers dits politiques. Malgré les propos d’Emmanuel Macron dans Corse-Matin où le président se dit « disponible et volontaire » pour le dialogue, les nationalistes campent sur leurs positions.

Il faut dire que, depuis un an, les relations se sont beaucoup dégradées entre les nationalistes et l’Élysée. Les dirigeants de l’île dénoncent régulièrement une « attitude méprisante » et un « déni de démocratie » du gouvernement, qui oppose une fin de non-recevoir à leurs principales revendications. Jean-Guy Talamoni a d’ailleurs pris l’habitude de décliner les invitations des ministres qui se sont rendus en Corse ces derniers mois.

Appel à la mobilisation

Signe d’une défiance assumée vis-à-vis de cette nouvelle visite pour laquelle ils ne sont font guère d’illusions, la coalition entre autonomistes et indépendantistes appelle à la mobilisation en interrompant toute activité dans l’île jeudi. Présentée comme un « acte de protestation symbolique », une opération Isula morta (île morte, NDLR) est prévue le temps du débat animé par Emmanuel Macron à Cozzano pour « témoigner massivement de (leur) refus de la situation actuelle ». Un appel relayé par le Syndicat des travailleurs corses (STC), des étudiants, des commerçants et de nombreux membres de la société civile. Plusieurs perturbations sont à prévoir dans les aéroports et les gares de l’île jeudi.

Dans un tract au vitriol contre le chef de l’État, largement diffusé dans l’île, les nationalistes dénoncent d’ores et déjà un débat qui s’annonce comme un « show de communication ». « Aucun des sujets, y compris ceux votés à l’unanimité par l’Assemblée de Corse, n’a fait, jusqu’à ce jour, l’objet d’un dialogue de la part du président de la République », tonnent les instigateurs de la mobilisation.

S’il dit attendre encore « l’ouverture d’un nouveau cycle dans les relations entre la Corse et l’État » Gilles Simeoni a toutefois appelé lui-même à durcir le ton pour faire pression sur l’Élysée : « En se mobilisant fortement et pacifiquement, en amont du 4 avril, la Corse enverra à nouveau à Paris un message qui est à la fois celui de la détermination, de la cohésion et de la volonté de dialogue. Je forme le vœu que ce message soit entendu. »

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