Une première dans l’histoire : Le président de la commission de l’Union africaine invité au G7

Pour la première fois dans l’histoire du G7, le président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, était l’invité d’une rencontre préparatoire des sept ministres des Affaires étrangères. Le sommet du G7, où l’Afrique occupera une place centrale, aura lieu à Biarritz du 24 au 26 août prochain, sur la réduction des inégalités.

Cinq sessions de travail, deux journées de discussion et un communiqué final «fleuve» de 84 points organisés en cinq chapitres: Jean-Yves Le Drian, ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, a accueilli ses homologues du G7 à Dinard et à Saint-Malo les 5 et 6 avril 2019, avec l’intention de les faire plancher sur les priorités de la présidence française du G7. Parmi lesquelles: la lutte contre les inégalités au niveau mondial; les réponses communes à apporter aux défis de sécurité internationale, en particulier le terrorisme et les trafics, ainsi qu’aux grandes crises régionales qui fragilisent les sociétés et frappent d’abord les plus vulnérables; le renforcement de nos démocraties face aux nouvelles menaces, notamment liées aux conséquences de la révolution numérique et aux tentatives d’ingérence étrangère. Sans oublier les engagements pris dans le cadre de «l’appel de Paris» de novembre 2018 pour un comportement responsable des États dans le cyberespace.

«Au cours de ces deux jours, nous préparerons le sommet de nos chefs d’État et de gouvernement qui se tiendra à Biarritz en août prochain, et que le Président de la République a voulu consacrer à la réduction des inégalités, à déclaré le ministre français des affaires étrangères.
Le programme que j’ai proposé pour la rencontre d’aujourd’hui, «réduire les menaces, lutter contre les inégalités et renforcer la démocratie» répond à cet impératif. Ce sera notre fil directeur pendant nos cinq réunions de travail. Nous allons traiter des réponses communes aux défis de sécurité internationale, en particulier le terrorisme et les trafics. Nous aborderons le sujet des grandes crises régionales qui fragilisent les sociétés et frappent les plus vulnérables», a précisé le chef de la diplomatie française.

Un G7 ancré dans les territoires

Hormis le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, remplacé par John Sullivan, Jean-Yves Le Drian s’est réjoui d’avoir pu accueillir à St Malo et à Dinard, la station balnéaire la plus réputée de la côte d’Émeraude en Bretagne, région dont il est originaire, ses homologues des sept pays les plus industrialisés: Chrystia Freeland (Canada), Tarō Kōno (Japon), Heiko Maas (Allemagne), Enzo Moavero Milanesi (Italie), Jeremy Hunt (Grande-Bretagne, absent samedi pour cause d’ultimes discussions sur le Brexit) et Federica Mogherini (représentante de l’Union européenne). Lors de la conférence de presse finale, il a précisé que l’alliance pour le multilatéralisme, récemment décidée à New York entre la France et l’Allemagne, était rejointe par le Canada et le Japon saluant, ainsi, l’effort de revitalisation du G7 en faveur d’une approche solidaire.

«Nous ne pouvons pas rester spectateur du refus du multilatéralisme», a martelé Jean-Yves Le Drian, lors de sa conférence de presse au Palais des Arts de Dinard, à l’issue de la réunion préparatoire des ministres des Affaires étrangères du G7.

Hormis sur deux points, la situation au Proche-Orient avec le conflit israélo-palestinien et les relations avec l’Iran, «aucun autre point de divergence n’a pu être trouvé», a-t-il précisé. Y compris sur la Libye, qui a fait l’objet d’un communiqué final conjoint co-signé par les États-Unis. Exprimant sa totale satisfaction que la Bretagne ait ainsi pu être à la hauteur dans l’objectif de «prendre des engagements concrets et opérationnels» concernant la présidence française du G7, il en a profité pour saluer les élus de sa région.

«Je souhaite d’abord particulièrement remercier les élus et les habitants de Dinard et de Saint-Malo qui nous ouvrent leurs portes. Nous avons souhaité que les réunions préparatoires se tiennent dans les territoires, avait-il lancé dans ses propos liminaires.
J’ai voulu vous donner l’occasion de découvrir ma belle région, ancrée dans l’histoire et innovante, et tournée par vocation et par choix vers le large, et ouverte au monde (…). Il y a un dicton chez nous qui dit « mariage pluvieux, mariage heureux » et donc je vais vous dire « G7 pluvieux, G7 heureux »».

Priorité à l’Afrique

Lors du dîner à huis clos du 5 avril consacré à l’Afrique, qui est l’une des priorités de la France, les ministres ont évoqué la mobilisation de la communauté internationale pour soutenir les opérations africaines de paix et lutter contre les trafics au Sahel. La réduction des inégalités entre les femmes et les hommes a également été au centre des discussions, qu’il s’agisse de la protection des femmes contre les violences sexuelles dans les conflits ou du renforcement du rôle des femmes dans les processus de paix et le règlement des crises. Autant de thèmes sur lesquels le ministre français des Affaires étrangères, «africaniste convaincu», a pesé de tout son poids, selon des indiscrétions recueillies par Sputnik France.

«Conformément à la priorité accordée par le Président de la République au partenariat avec l’Afrique, nous étudierons les moyens de renforcer la mobilisation de la communauté internationale pour soutenir les opérations africaines de paix et pour lutter contre les trafics au Sahel. La réduction des inégalités entre les femmes et les hommes sera au centre des discussions aussi, qu’il s’agisse de la protection des femmes contre les violences sexuelles dans les conflits, ou du renforcement du rôle des femmes dans les processus de paix et le règlement des crises. Nous le ferons en ouvrant nos discussions à des personnalités de premier plan engagées dans ces causes», a-t-il déclaré.

Parmi elles, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a tenu à faire le déplacement entre deux missions en Libye afin d’ être présent à cette réunion. «Il s‘agit d’une première dans l’histoire du G7″, a précisé le ministre en réponse à une question de Sputnik France, lors de la conférence de presse de clôture.Arrivé jeudi pour repartir dès vendredi soir, le Tchadien a néanmoins eu le temps d’expliquer en détail le plan de l’Union africaine pour construire une architecture de défense en Afrique. Un plan qui a été accepté par le G7, les ministres s’étant mis d accord pour créer un fonds pour son financement, comme l’a précisé Jean-Yves Le Drian à Sputnik France.

Dans le communiqué final, les ministres du G7, après avoir salué l’action de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali (Minusma), consacrent un long paragraphe à l’action du G5 Sahel qui regroupe cinq pays (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad).

«Nous nous réjouissons des efforts déployés dans la mise en œuvre opérationnelle de la Force conjointe du G5 Sahel et nous continuons de soutenir les efforts des pays du G5 Sahel visant à améliorer la coopération régionale non seulement en matière de lutte contre le terrorisme, mais également pour faire progresser la stabilité et le développement de la région. Nous saluons la reprise des opérations de la Force conjointe après l’attentat terroriste contre son quartier général à Sévaré en juillet 2018. Outre notre soutien à la Force conjointe du G5 Sahel, nous continuerons d’appuyer les capacités de sécurité et de défense des États de la région. Nous rappelons que le G5 doit respecter les droits de l’Homme dans toutes ses activités», précise le communiqué.

Exprimant leur préoccupation par rapport à la situation qui prévaut actuellement au Burkina Faso et dans la région du lac Tchad, les ministres du G7 se sont déclarés particulièrement préoccupés par la dégradation de la situation dans le nord-est du Nigéria.

«Nous réaffirmons notre détermination à soutenir les États membres de la Commission du bassin du lac Tchad et de la Force multinationale mixte dans leur lutte contre Boko Haram et Daech* en Afrique de l’Ouest. À cet égard, nous saluons la stratégie de stabilisation de la Commission du bassin du lac Tchad et nous nous réjouissons du soutien apporté par la communauté internationale, comme cela avait été décidé à la Conférence internationale sur la région du lac Tchad tenue à Berlin en septembre 2018, au cours de laquelle avaient été annoncées des contributions d’un montant de 2,14 milliards de dollars. Nous appelons la communauté internationale à accroître son soutien à la Force multinationale mixte et à ses États membres, et nous exhortons ces derniers à renforcer leurs actions militaires, de police et de stabilisation pour lutter contre Daech* en Afrique de l’Ouest et rétablir la sécurité, la gouvernance et les économies locales», détaille le communiqué.

Les ministres du G7 ont par ailleurs appelé à la poursuite des efforts de tous les partenaires concernés par la lutte contre la criminalité transnationale et le financement du terrorisme.

«Nous nous félicitons des actions entreprises par certains États membres du G7 pour améliorer la coordination et accélérer la mise en œuvre de l’aide au développement, notamment dans le cadre de l’Alliance Sahel, qui apporte une aide de neuf milliards d’euros et développe plus de 600 projets dans des secteurs clés comme l’éducation des jeunes, l’agriculture et l’accès aux services de base. Nous soulignons qu’il est nécessaire d’investir dans la jeunesse et dans l’emploi dans les zones rurales, en renforçant notamment la résilience des pays et des communautés dans la région. Nous sommes conscients qu’un renforcement du cadre de responsabilité mutuelle est nécessaire; il permettra d’accroître les liens entre les efforts de sécurité et de développement du G5 (et des autres pays de la région) et ceux des partenaires du développement», précise encore le communiqué.

En déplacement en Afrique de l’Est du 11 au 14 mars 2019 pour renforcer le partenariat militaire, culturel et économique de la France avec cette partie du continent, le Président Emmanuel Macron avait déclaré: «Notre destin est lié à celui de l’Afrique: nous réussirons (ou échouerons) ensemble.»

Après s’être rendu à Djibouti, en Éthiopie et au Kenya, il avait souhaité que les engagements pris dans son fameux discours de Ouagadougou en 2017, considéré comme l’acte fondateur de la nouvelle politique africaine de la France, puissent commencer à voir le jour.

«Il s’agit de garantir la stabilité et la paix grâce, notamment, à une coopération militaire renforcée au Sahel; créer des opportunités pour la jeunesse en Afrique avec 450 millions de jeunes sur le marché du travail d’ici 2050: cela passe d’abord par un accès à la culture et à une éducation de qualité, en particulier pour les filles. Nous accélérons dans la lutte contre le réchauffement climatique qui touche tout particulièrement l’Afrique: cela passe par l’innovation, le développement des énergies renouvelables et la mobilisation de financements».

Lutter contre les violences faites aux femmes

Les organisations internationales et la société civile ont également été pleinement associées aux discussions des ministres du G7 sur l’Afrique à Dinard et Saint-Malo avec, notamment, la présence de Leïla Zerrougui, représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies en République démocratique du Congo et chef de la mission des Nations unies pour la stabilisation dans ce même pays. Dans le communiqué final, les ministres du G7 sont d ailleurs revenus sur les derniers développements dans ce pays, insistant sur la nécessité de mettre un terme aux violences sexuelles.

«En décembre 2018, les élections en République démocratique du Congo ont permis au peuple congolais d’exprimer fermement et calmement son désir de changement. Nous constatons toutefois des réserves quant à la transparence du processus électoral. Nous espérons que la mise en œuvre de la feuille de route ambitieuse élaborée par le président Tshisekedi et la mobilisation d’un gouvernement inclusif répondront aux attentes de la population congolaise exprimées au cours de la campagne électorale. En coopération avec les acteurs régionaux, nous continuerons d’encourager les autorités congolaises à intensifier leurs efforts de consolidation de la paix, de la stabilité et du développement dans le pays, notamment les mesures de lutte contre les violences sexistes. Nous reconnaissons également le rôle essentiel de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) pour protéger les populations civiles et soutenir le gouvernement dans ses efforts de stabilisation et de consolidation de la paix. Nous demeurons fortement préoccupés par la situation d’insécurité et de violence qui règne dans l’est du pays en raison de la poursuite des conflits entre groupes armés. Nous sommes également inquiets face à l’épidémie d’Ebola dans la région du Nord-Kivu et de l’Ituri», précise le communiqué.

Phumzile Mlambo-Ngcuka, secrétaire générale adjointe de l’Onu, directrice exécutive de l’ONU Femmes, à demandé quant à elle que la résolution 1325 puisse désormais recevoir un plein soutien de la part des pays les plus riches de la planète. Cette résolution prévoit une plus grande participation des femmes dans les missions et les opérations de maintien de la paix.Participant également à ce G7 des Affaires étrangères, Marie Cervetti, directrice du centre d’hébergement et de réinsertion «FIT — Une femme, un toit» a déclaré à Sputnik France que, compte tenu des engagements pris par certains États membres du G7, la causes des luttes contre les violences faites aux femmes était enfin reconnue.

«Les deux tiers des débats ont porté sur les moyens de lutter contre les violences faites aux femmes. Nous sommes sur la bonne voie», a-t-elle confié.

Phumzile Mlambo-Ngcuka et Marie Cervetti sont membres du Conseil consultatif du G7 pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce thème, récurrent depuis des décennies dans les débats internationaux, a été choisi par la France pour permettre des avancées. Reste maintenant à le traduire en actions lors du sommet des Chefs d’État et de gouvernement à Biarritz.

*Organisation terroriste interdite en Russie

Auteur : Christine H. Gueye