« Ça y est ! Le président connaît maintenant le pays dans sa diversité aussi bien que Mitterrand et Chirac. Il nous a proposé un véritable scanneur des territoires.
Son tour de France l’a mis à niveau. » Commentaire élogieux à l’adresse d’Emmanuel Macron de la part d’un expert en politique, l’ancien ministre et inamovible président du Grand Nancy André Rossinot, en sortant de l’Élysée. À ses côtés, l’ex-premier des macroniens, le Lyonnais Gérard Collomb, qui retournait au palais présidentiel pour la première fois depuis son départ fracassant du gouvernement en octobre 2018, opine : « C’est une révision à mi-mandat. Le président de la République a beaucoup appris. Mais il subsiste un problème : entre les Gilets jaunes et ceux qui ont alimenté le grand débat, ce n’est pas la même population qui s’exprime : il y a les ruraux et les périurbains, d’un côté, et les urbains, de l’autre. La synthèse va être compliquée à établir. »
« Le président n’a évité aucun sujet »
Ces deux grands barons locaux et expérimentés faisaient partie de la délégation d’élus à la tête de grandes villes et de métropoles venus présenter ce mardi 9 avril en fin de matinée à Emmanuel Macron la contribution au grand débat national de leur association France urbaine. « L’écoute était au rendez-vous, s’est félicité leur président, le Toulousain Jean-Luc Moudenc. On est restés plus longtemps que prévu. Le président n’a évité aucun sujet. » De droite, de gauche, du centre, tous ces élus, qui souvent se sont sentis méprisés par un pouvoir jacobin et mis au second plan d’un grand débat focalisé sur les territoires ruraux et périurbains, sont sortis rassérénés de leur entretien présidentiel.
Alignés sur une étroite banquette de L’Orriu di Beauvau, la brasserie corse sise entre le palais de l’Élysée et le ministère de l’Intérieur, ils le disent tous, sans ambages. « Une vraie écoute » (Catherine Vautrin, Reims, LR). « Réunion qualitative » (Johanna Rolland, Nantes, PS). « Un Macron très à l’aise, en pleine forme » (Jean-Louis Fousseret, Besançon, LREM). « Une patience, une tolérance, une élasticité à toute épreuve » (André Rossinot, Nancy, Parti radical). « J’ai été frappé par sa conscience des sujets » (Yvon Robert, Rouen, PS).
Décentralisation acte III
Alors qu’un front uni contre la politique macronienne se dresse autour d’une « troïka » girondine formée par les trois présidents d’association d’élus, le Troyen François Baroin (les communes), le Normand Hervé Morin (les régions) et le Charentais Dominique Bussereau (les départements), les édiles de France urbaine jouent la carte de la concertation. Développement économique, transition écologique, logement, santé, éducation, culture… Pendant une heure et demie, face au président et aux deux ministres Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu, ils ont (re)mis sur la table tous les dossiers. « Le président nous a confirmé que les questions territoriales feront partie des réponses au grand débat », indique Nathalie Appéré, la maire (PS) de Rennes. Pour ces élus, l’acte III de la décentralisation est en marche, mais celle-ci ne sera pas uniforme, imposée d’en haut : elle sera « tricotée » au cas par cas. De toute façon, impossible maintenant de décider la fusion métropoles-départements. « Il fallait le faire la première année du mandat ; à un an des municipales, c’est trop tard, y compris pour le Grand Paris », lâche Gérard Collomb, le premier à avoir réalisé une telle union à Lyon, avant de devenir ministre de l’Intérieur. De toute manière, les esprits en sont éloignés. « On a aussi porté la parole que nous entendons sur le terrain, en disant : N’allez pas créer une usine à gaz technocratique ! » a ainsi relayé la Nantaise (PS) Johanna Rolland.
Conciliants, les élus, mais vigilants. « Nous avons été très contents de l’échange, témoigne Catherine Vautrin. On a joué le jeu de la contractualisation. Maintenant, nous voudrions concrètement être entendus, sur des points précis. On attend la suite… »
Ce que Jean-Luc Moudenc, le président de France urbaine, résume ainsi : « Tout cela va dans le bon sens. Mais nous jugerons aux actes. Depuis deux ans, souvent nos échanges avec l’exécutif sont positifs, mais l’intendance ne suit pas. La crise des Gilets jaunes va-t-elle changer les choses ? » Réponse dans quelques jours. Ou pas.