C’est la stratégie du cheval de Troie: des Brexiters comptent se faire élire aux élections européennes si elles ont lieu au Royaume-Uni en mai pour siéger au Parlement européen et saboter, de l’intérieur, son travail.
L’image, évoquée par le député conservateur europhobe Mark Francois, renvoie à la ruse de guerre du Grec Ulysse, qui parvint à prendre la ville de Troie après s’y être introduit, accompagné d’autres guerriers, caché dans un grand cheval de bois présenté comme un cadeau aux Troyens.
« Si nous restons dans l’UE contre notre volonté, démocratiquement exprimée, parce que certains dans l’UE espère que nous changerons d’avis… Ils vont le regretter », a déclaré mardi Mark Francois lors d’une conférence de partisans du Brexit, à Londres, trois ans environ après le référendum de juin 2016 ayant décidé de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
« Nous deviendrons le cheval de Troie au sein de l’UE et ferons échouer leurs tentatives de poursuivre un projet plus fédéraliste » pour l’Union, a asséné Mark Francois, alors que les dirigeants européens examinent mercredi une demande britannique de repousser le Brexit au 30 juin.
Ce délai, réclamé par la Première ministre Theresa May après trois rejets par les députés du plan de sortie de l’UE qu’elle a conclu avec Bruxelles, implique que le Royaume-Uni participe aux élections européennes le 23 mai. Même si le gouvernement britannique a assuré vouloir quitter l’UE avec un accord avant le 22 mai, ce qui lui permettrait d’annuler ce scrutin.
Mais pour Mark Francois, les 27 « doivent garder à l’esprit toutes ces vérités dérangeantes » avant de prendre leur décision sur le report, a-t-il prévenu.
Ces « vérités dérangeantes » ont d’abord été pointées par Jacob Rees-Mogg, autre député conservateur farouchement opposé à l’accord de Theresa May.
« Si un long délai nous coince dans l’UE, nous devons être impossibles », a-t-il twitté vendredi alors que Mme May venait d’écrire au président du Conseil européen Donald Tusk pour demander un report et éviter une sortie sans accord le 12 avril.
Jacob Rees-Mogg a ainsi promis des vétos britanniques sur « n’importe quelle augmentation du budget » européen, d' »entraver l’armée européenne putative » et de « bloquer les plans intégrationnistes de Macron », le président français.
Son message n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Guy Verhofstadt, référent sur le Brexit au Parlement européen, a retwitté ses propos, en alertant : « Ceux qui seraient tentés d’étendre encore la saga du Brexit, je peux seulement (vous) dire, faites attention à ce que vous voulez ».
« Je n’aurais pas mieux dit », a gloussé M. François.
Jacob Rees-Mogg et Mark Francois ont voté trois fois contre l’accord de retrait de Theresa May. Mais, lors du troisième vote, seuls 26 conservateurs sur 314 l’ont recalé. Et la Première ministre espère qu’ils seront encore moins nombreux si elle présente une quatrième fois son traité.
La possibilité de voir le Brexit encore repoussé semble toutefois avoir fait monter la colère des députés Tories. Mardi, ils étaient 97 à voter contre une mesure visant à éviter un scénario de divorce sans accord.
Un mécontentement dont l’eurodéputé et chantre du Brexit Nigel Farage compte bien tirer profit.
« Si nous devons disputer ces élections européennes le 23 mai, nous les disputerons parce qu’il est temps que nous leur donnions une leçon », a-t-il déclaré dans une vidéo de campagne.
Et même ceux qui ne comptent pas se présenter aux élections européennes sont séduits par l’idée d’un Royaume-Uni trublion et nuisible au sein même des instances européennes.
« Je dois admettre que si je devais (me présenter), il y aurait des étincelles au Parlement européen », a ainsi dit à ses collègues le député conservateur William Cash.