Des centaines de millions d’Indiens ont commencé jeudi à se rendre aux urnes pour des élections législatives géantes qui dureront près de six semaines et détermineront si les nationalistes hindous seront reconduits au pouvoir dans la démocratie la plus peuplée du globe.
Des déserts du Rajasthan aux villages tribaux des confins du Tibet, des montagnes brumeuses du Cachemire aux mégapoles tentaculaires et polluées de Bombay et Calcutta, 900 millions d’Indiens majeurs sont appelés à choisir le prochain gouvernement de cette nation de 1,3 milliard d’habitants.
À Ghaziabad, ville satellite de la capitale New Delhi, femmes et personnes âgées ont voté en nombre dans la matinée. « J’ai délaissé toutes mes tâches domestiques pour venir voter ici car je pense que chaque vote compte. Je veux un gouvernement qui pense aux femmes et fasse baisser les prix élevés du riz et des lentilles », a déclaré à l’AFP Suman Sharma, femme au foyer de 50 ans.
Après cinq ans de pouvoir du Premier ministre Narendra Modi, l’Inde consacrera-t-elle l’enracinement des nationalistes hindous dans une société polarisée, ou choisira-t-elle l’alternance ? Un million de bureaux de vote seront nécessaires au total pour élire 543 députés de la Lok Sabha, chambre basse du Parlement.
« C’est littéralement le plus grand exercice démocratique jamais entrepris dans l’Histoire du monde », a indiqué Milan Vaishnav, expert au Carnegie Endowment for International Peace à Washington.
« Sensation incroyable »
Propulsé triomphalement aux responsabilités en 2014 avec son Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), Narendra Modi, 68 ans, compte bien être reconduit dans ses fonctions pour un deuxième mandat. En travers de son chemin se dressent le parti du Congrès, formation qui a dominé la politique indienne depuis l’indépendance de 1947, ainsi qu’une myriade de puissants partis régionaux décidés à en découdre.
En raison des dimensions colossales du pays – le deuxième le plus peuplé au monde après la Chine -, ces législatives sont découpées en sept phases, différentes régions votant à tour de rôle dans ce scrutin uninominal majoritaire à un tour, du 11 avril au 19 mai. Le comptage des voix sera effectué le 23 mai.
Jeudi, 91 circonscriptions situées dans les nord-est, sud-est et nord de l’Inde donnent le coup d’envoi de ces élections. « J’appelle ceux dont les circonscriptions votent dans la première phase aujourd’hui à venir en nombre record et à exercer leur droit », a tweeté le chef de gouvernement Narendra Modi dès l’ouverture du vote.
Dans le grand État d’Assam, dans le nord-est isolé du pays, des citoyens faisaient la queue devant des bureaux de vote dès 06H15 du matin, soit près de trois quarts d’heure avant leur ouverture, a constaté un journaliste de l’AFP sur place.
Âgé de 23 ans, Anurag Baruah fait partie des 84 millions de jeunes Indiens qui peuvent voter pour la première fois à ce scrutin national. « C’est une sensation incroyable de voter, qui me fait faire partie du système démocratique et me rend responsable d’élire un bon leader qui peut diriger le pays », a-t-il confié à l’AFP.
À Ghaziabad, l’étudiante Simran Khanna a elle aussi procédé à son premier vote. « Je ne veux pas d’un gouvernement fasciste au pouvoir. Je veux un gouvernement qui croit à l’unité et l’harmonie intercommunautaire. Il devrait œuvrer en faveur des pauvres et personnes marginalisées », a-t-elle déclaré.
Modi contre Gandhi
Dans la région poudrière du Cachemire indien, en proie à une insurrection séparatiste, les forces de sécurité étaient lourdement déployées. Dans la ville de Baramulla, les rues étaient désertées et les votants ne venaient qu’au compte-goutte, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Les formations séparatistes ont appelé à boycotter le scrutin. « Personne dans ma famille ne voulait que je vote à l’élection indienne. Mais je dois venir aujourd’hui pour voter contre le BJP et arrêter leur massacre du peuple cachemiri », a témoigné un commerçant qui n’a pas souhaité donner son nom.
Barbe blanche impeccable et fines lunettes, le visage de Narendra Modi est partout en Inde. Panneaux et encarts publicitaires officiels, émission de radio mensuelle, couverture médiatique non-stop, réseaux sociaux: le Premier ministre est une présence constante dans la vie quotidienne des Indiens.
Natif du Gujarat (ouest) et vendeur de thé dans son enfance, ce formidable harangueur de foules bénéficie d’une grande popularité due à ses origines populaires et à l’image d’homme fort qu’il cultive, notamment à travers son attitude martiale vis-à-vis du frère ennemi pakistanais.
Son principal opposant Rahul Gandhi, 48 ans, président du parti du Congrès, a résumé jeudi sur Twitter sa vision du bilan du mandat des nationalistes hindous: « Mensonges. Mensonges. Mensonges. Méfiance. Violence. HAINE. Peur ».
« Vous votez aujourd’hui pour l’esprit de l’Inde. Pour son futur. Votez avec sagesse », a lancé à l’adresse des électeurs l’héritier de l’illustre dynastie politique des Nehru-Gandhi.