Présidentielle en Indonésie : les candidats s’affrontent sur les investissements chinois

Le poids croissant des investissements chinois en Indonésie constitue une pierre d’achoppement de la campagne présidentielle dans un pays où les besoins d’infrastructures sont criants mais où le sentiment anti-chinois reste fort.

Dans la troisième plus grande démocratie au monde qui doit voter mercredi pour des élections présidentielle et législatives, les investissements chinois sont l’un des angles d’attaque récurrents de l’opposition menée par Prabowo Subianto, un ex-général qui se présente contre le président sortant Joko Widodo.

Mené par plus de 10 points de pourcentage dans les sondages, Prabowo Subianto a adopté une rhétorique nationaliste et veut remettre en cause les projets financés par la Chine, notamment ceux destinés à développer les infrastructures dans le cadre des Nouvelles routes de la soie.

« Toutes les initiatives (des Routes de la soie) devront être réexaminées », indique à l’AFP Irawan Ronodipuro, en charge des affaires étrangères pour la campagne.

« Adopter de façon aveugle ces projets peut mettre en danger les intérêts nationaux », de l’Indonésie, avertit-il.

Plusieurs pays d’Asie ont remis en cause récemment des projets chinois, notamment le Sri Lanka et la Malaisie, mais aussi les Maldives, s’inquiétant du risque de perte de souveraineté sur des maillons clés de leur économie et d’un endettement très élevé envers Pékin.

« Le pouvoir économique grandissant de la Chine a été une question clé des élections dans de nombreux pays d’Asie, on a vu l’opposition critiquer les gouvernements pour leur politique +pro-chinoise+ », souligne pour l’AFP Deasy Simandjuntak, chercheur à l’Institut des études d’Asie du Sud-Est de Singapour.

Besoin d’infrastructures

Depuis son arrivée au pouvoir en 2014, Joko Widodo a encouragé les investissements de Pékin venant renforcer l’effort financier de plusieurs milliards de dollars de l’Indonésie pour un développement accéléré d’infrastructures cruciales dans un vaste archipel de 17.000 îles: routes, aéroports et liaisons ferroviaires.

L’an dernier, la Chine et l’Indonésie ont conclu des accords pour un montant de 23 milliards de dollars, au nombre desquels deux centrales thermiques, sur l’île de Borneo et à Bali.

Des entreprises chinoises sont déjà impliquées dans plusieurs projets dont un parc industriel sur l’île de Célèbes et un projet de train express entre Jakarta et Bandung de 6 milliards de dollars.

Dans ces deux cas, les peurs d’un afflux incontrôlé d’ouvriers chinois et d’un niveau d’endettement critique ont été largement exploitées par l’opposition.

Dans ce pays de 260 millions d’habitants en majorité musulmans, le terrain est fertile au sentiment anti-chinois. Le ressentiment envers quelques grandes fortunes issues de la communauté chinoise, qui contrôlent une partie importante de l’économie, n’est jamais loin.

La communauté chinoise a longtemps souffert de discrimination dans le pays, en ayant été notamment cible des purges anti-communistes des années 1960 ainsi que de massacres en 1998 au moment de la chute de Suharto.

« Le capital chinois est associé au communisme et est vu comme menaçant » en Indonésie, note Trissia Wijaya, spécialiste de l’économie d’Asie du Sud-Est à l’université australienne Murdoch.

‘Indonesia first’

Cependant, le débat sur la politique de Joko Widodo envers la Chine a donné lieu à de nombreux abus, note-t-elle, et notamment à une vague d’infox sur internet destinée apparemment à attiser le sentiment anti-chinois.

Il est encore trop tôt pour savoir si Prabowo Subianto appliquerait une politique résolument anti-chinoise s’il était élu mais certains investisseurs sont inquiets.

Le leader de 67 ans est partisan d’un « nationalisme intelligent », et s’inspirant du président américain Donald Trump, prône une politique « Indonesia first », souligne son conseiller Irawan Ronodipuro.

Le président sortant Joko Widodo avait pourtant déjà une approche protectionniste, avec notamment l’an dernier la reprise du contrôle par l’Indonésie de la mine géante d’or et de cuivre Grasberg en Papouasie, précédemment contrôlée par le groupe américain Freeport-McMoRan.

Il peut aussi se targuer d’un bilan économique solide, avec une inflation historiquement basse et une croissance du PIB d’environ 5 % par an depuis son arrivée au pouvoir.

L’Indonésie a aussi réussi à maîtriser relativement bien la chute de sa monnaie, la roupie, face au dollar l’an dernier dans la foulée des autres monnaies de pays émergents.

Joko Widodo espère retirer pour ce scrutin les bénéfices des projets d’infrastructures qui ont été achevés sous son mandat, comme la première ligne du métro de Jakarta.

Lien