Showman novice en politique contre chef d’Etat rompu aux arcanes du pouvoir: les deux rivaux de la présidentielle en Ukraine s’affrontent vendredi dans le plus grand stade du pays pour un débat-spectacle, point d’orgue d’une campagne hors norme qui a vu émerger le comédien Volodymyr Zelensky comme favori.
A deux jours du second tour, jusqu’à 60.000 spectateurs sont attendus au stade Olimpiïski de Kiev pour assister à partir de 16H00 GMT au face à face entre l’acteur de 41 ans et le chef de l’Etat sortant Petro Porochenko, 53 ans.
Crédité de plus de 70% des voix dans les sondages, Volodymyr Zelensky semble aux portes de la présidence de cette ancienne république soviétique aux portes de l’Union européenne, en proie à un conflit armé avec des séparatistes prorusses qui a fait près de 13.000 morts en cinq ans.
« Je ne renonce pas et je ne renoncerai pas », a martelé vendredi matin, sur sa page Facebook, le président sortant, après avoir demandé la veille à la télévision « pardon » aux électeurs pour ses erreurs, et multiplié les mises en garde sur les risques menaçant l’Ukraine en cas de victoire, désormais probable, de son adversaire.
Se posant depuis le début de sa campagne en seul rempart face à Vladimir Poutine, Petro Porochenko compte profiter du face à face de vendredi pour mettre en valeur son expérience politique, diplomatique et militaire accumulée en cinq ans à la tête d’un pays en guerre, confronté à de lourdes difficultés financières et des tensions sans précédent avec la Russie voisine.
Il sera cependant confronté à un comédien à la répartie fulgurante disposant de 20 ans d’expérience de spectacles de stand-up, qui a réussi à transformer les appels au débat de son adversaire en feuilleton rocambolesque sur les modalités du rendez-vous.
– Pas de trêve dans l’est –
La présidentielle en Ukraine se déroule alors que cette ex-république soviétique d’environ 45 millions d’habitants est confrontée depuis des années à la pire crise depuis son indépendance en 1991.
L’arrivée de pro-occidentaux au pouvoir en 2014 a été suivie par l’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie et une guerre dans l’Est avec des séparatistes soutenus militairement, selon Kiev et les Occidentaux, par Moscou, qui rejette ces accusations.
Au-delà de sa promesse de maintenir le cap pro-occidental pris en 2014, la politique que mènerait M. Zelensky reste très floue même s’il a tenté entre les deux tours de renforcer sa crédibilité, s’entourant de conseillers plus expérimentés et rencontrant la semaine dernière à Paris le président français Emmanuel Macron.
Après avoir fait campagne essentiellement sur les réseaux sociaux, le comédien s’est rendu jeudi soir dans un talk-show télévisé et a esquissé les premiers pas d’une présidence inimaginable il y a encore quelques semaines, présentant notamment l’équipe dont il comptait s’entourer.
« Je ne connais pas grand chose (à la politique), je n’ai pas d’expérience, tout cela c’est vrai. Mais je suis une personne qui ressemble aux citoyens ukrainiens », a-t-il plaidé.
Si Petro Porochenko est crédité par ses supporters d’avoir rapproché son pays des Occidentaux, redressé l’armée et évité une faillite de son pays, l’un des plus pauvres d’Europe, ses détracteurs lui reprochent d’avoir traîné des pieds dans la lutte anticorruption et de ne pas être parvenu à mettre fin au conflit dans l’Est.
Les accords de paix signés à Minsk début 2015 ont permis une baisse de tensions mais les combats restent quotidiens et plusieurs heures de négociations jeudi n’ont pas permis aux protagonistes de se mettre d’accord sur une trêve pour la Pâque orthodoxe, le 28 avril.
Kiev a jeté la responsabilité de cet échec sur la Russie, avec qui les relations n’ont cessé de se dégrader ces dernières années avec des sanctions économiques réciproques séparant de plus en plus leurs économies autrefois très liées.
Accentuant sa pression économique à quelques jours du vote en Ukraine, la Russie a annoncé jeudi son intention d’interdire les exportations de produits pétroliers et de charbon vers l’Ukraine à partir du 1er juin.