Visé par des accusations de harcèlement sexuel, Thomas Guénolé, ex-candidat sur la liste France insoumise pour les Européennes, a dégainé un communiqué au vitriol où il parle de verrouillage antidémocratique au sein du parti de Jean-Luc Mélenchon. Critiques infondées? Véritable dérive autoritaire? Fin de la diversité politique chez LFI?
«Comment peuvent-ils plaider sans relâche pour une vraie démocratie en France, eux qui organisent LFI comme une dictature? […] Jean-Luc Mélenchon, lui, gouverne LFI en autocrate […] Les dirigeants de la France insoumise se mettent à employer contre moi des méthodes staliniennes: m’accuser sur la base de rumeurs.»
Dans un communiqué assassin, publié ce jeudi 18 avril, le politologue Thomas Guénolé et désormais [selon Manon Aubry, ndlr] ex-candidat sur la liste de la France insoumise (LFI) pour les Européennes, a dénoncé les dérives autoritaires qui mineraient le mouvement. Pour certains militants insoumis, ce communiqué est une tentative de diversion face aux accusations de harcèlement sexuel qui pèsent sur lui, comme l’a expliqué Sophie Rauszer, candidate aux Européennes sur la liste LFI.
«Une personne cherche à cacher les accusations de harcèlement contre elle. Il n’y a ni scoop, ni affaire politique ici. Je préfère répondre à des questions sur notre programme et notre campagne et m’épargner des petites phrases quand il y a, en plus, une potentielle victime dans cette histoire.»
Une position partagée par Alexis Corbière, député LFI, sur le plateau de BFMTV: «Nous discutions ensemble [avec Thomas Guénolé, ndlr] par SMS de choses et il n’y avait pas de problème. Donc, tout cela me semble être autre chose, sans doute la projection d’autres problèmes.» Manon Aubry, tête de liste LFI aux Européennes a pour sa part déploré, sur RTL, l’attitude de Thomas Guénolé: «Alors qu’une enquête est en cours en interne, il a pris les devants en faisant une instrumentalisation politique que je déplore». Younous Omarjee, député européen LFI, ne «comprend pas les attaques contre Jean-Luc Mélenchon». Enfin, dans une série de tweets, le chef de file de la France insoumise a fait part de son étonnement quant aux attaques proférées par Thomas Guénolé.
Pourtant, d’autres voix, comme celle de François Cocq, élu LFI, mais banni par un tweet de Jean-Luc Mélenchon le qualifiant de «nationaliste», après que CNews la présenté comme porte-parole de son mouvement, s’interroge sur les méthodes de LFI.
«Je n’ai aucun élément sur le fond, je ne me permets pas de juger le fond, sur la véracité ou non sur les accusations qui sont portées sur Thomas Guénolé. Par contre, je dois dire que je suis très étonné du fonctionnement interne de la France insoumise. Je m’explique: il y a une enquête interne, si j’ai bien compris, qui a été ouverte par un comité de police politique de LFI, sur des faits qui ont eu lieu dans un cadre extérieur à LFI, à une date, à ce que j’ai compris, où Thomas Guénolé n’était pas membre de LFI, enfin, sur des faits pour lesquels la justice n’a pas été saisie.»
Et de poursuivre:
«À partir de là, je me demande dans quelle mesure ce comité peut s’arroger la capacité d’ouvrir une enquête et donc de se substituer à la justice républicaine. […] Je le dis d’autant plus que, dans les chartes des candidats, tout candidat qui est mis en examen doit être retiré de la liste. Ce sont les prescriptions de l’association Anticor. Mais monsieur Guénolé, pour le coup, n’est même pas mis en examen, à ma connaissance, il n’y a même pas de plainte déposée contre lui.»
Le comité électoral de LFI a déclaré avoir «reçu un signalement d’une jeune femme dénonçant des faits pouvant s’apparenter à du harcèlement sexuel de la part de Thomas Guénolé». Il a donc saisi le 3 mars sa «cellule de veille et de vigilance», qui a rendu son rapport au comité le 15 mars. Néanmoins, Thomas Guénolé déclarait à ce propos, sur France info que «La France insoumise ne m’a communiqué aucun document m’expliquant précisément ce dont je serais accusé».
Au-delà de cette affaire de mœurs, les départs successifs de Djordje Kuzmanovic, Charlotte Girard, Corinne Morel Darleux et Liêm Hoang Ngoc sonnent-ils la fin de la diversité de points de vue chez LFI?
«Je ne sais pas si c’est la fin de la diversité. Je note que je suis toujours membre de la France insoumise, malgré le bannissement publique que Jean-Luc Mélenchon a prononcé à mon encontre […] Ce que je constate, c’est que derrière, il y a une forme d’exclusion de beaucoup de gens qui n’ont pas la docilité suffisante pour se fondre dans le moule que Monsieur Bompard notamment souhaiterait ériger en prison», déclare François Cocq.
Thomas Guénolé évoque dans son communiqué un «verrouillage antidémocratique» au sein de LFI. Liêm Hoang Ngoc abonde dans son sens: «On a un mouvement qui est caporalisé par trois personnes: Manuel Bompard, directeur des campagnes, Sophia Chikirou, directrice de communication, et Jean-Luc Mélenchon lui-même.»
«On sait tous que Jean-Luc Mélenchon, dès le début, n’a pas voulu de statut, il l’a fait au nom de l’horizontalité, mais tout est fait pour éviter le débat. L’espace politique qui regroupait auparavant les formations qui soutenaient LFI a été dissous. Il regroupait notamment les Communistes insoumis, le parti de gauche, les Socialistes insoumis, Ensemble et la coopérative écologique. Il n’y a même plus un endroit où il y a un semblant d’expression politique de la part de celles et ceux qui souhaitent contribuer au succès du mouvement» déplore Liêm Hoang Ngoc.
Selon François Cocq, le problème aujourd’hui est que LFI serait une «véritable pétaudière à tous les niveaux.»
«Sur les questions stratégiques, personne ne sait ce qui se passe. Jean-Luc Mélenchon nous dit que l’on n’a pas changé de ligne, mais Manon Aubry, chaque jour, dans toutes ses interviews, nous explique une relatérisation et le fait de se réinscrire au sein de la gauche. Une pétaudière au niveau du programme, personne ne comprend ce qui est réellement porté sur la question européenne, il y a autant de lignes qui sont exprimées que de personnes qui parlent.»
Et de conclure:
«Une pétaudière en termes de vie de l’organisation lorsque l’on voit les départs successifs qui ont été organisés ou imposés par le comité électoral, qui est le véritable bras armé de Manuel Bompard».