Dans le cadre de la lutte contre la corruption en Algérie, Ali Benouari, ex-ministre du Trésor, a appelé au limogeage immédiat des PDG des banques publiques qu’il tient pour «responsables du fléau de fuite de capitaux vers l’étranger». Il a par ailleurs accablé l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia.
Sur fond d’opération mains propres à laquelle a appelé le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP) algérienne, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, des hommes d’affaires puissants et hauts cadres du ministère de l’Industrie ont été placés sous mandat de dépôt. Dans le même sillage, l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia et l’actuel ministre des Finances, Mohamed Loukal, deux proches collaborateurs de Bouteflika, ont reçu une convocation en justice pour gaspillage de deniers publics et abus de pouvoir. Elle a été transmise officiellement lundi 22 avril par la gendarmerie nationale, rapporte l’Algérie Presse Service (APS).
Ali Benouari, ancien ministre du Trésor et expert international en finances, a affirmé que la vague qui a commencé à déferler «doit s’étendre aux présidents de banques, complices de l’évasion de plusieurs dizaines de milliards de dollars vers l’étranger». Il a par ailleurs détaillé comment l’ex-Premier ministre, qui devrait se présenter devant le procureur le 30 avril, était «devenu le garant de toutes les mafias, à partir de sa nomination comme chef du gouvernement en 1994».
«Je sais de quoi je parle, moi qui ai lancé la seule opération « mains propres » du pays, en 1991, au péril de ma vie», a-t-il déclaré. «Et déjà, Ahmed Ouyahia était à la manœuvre pour annihiler cette opération, pour le compte des responsables qui sont aujourd’hui mis en cause par le général Gaïd Salah», a-t-il ajouté, soutenant que «je crains d’ailleurs le pire pour lui». «Réussira-t-il là où j’ai échoué il y a près de 30 ans?», s’est-il encore demandé.
Détaillant les raisons de son appel au limogeage immédiat des PDG des banques, M.Benouari a affirmé que «le cœur de la mafia qui dirige le pays se situe au niveau des banques publiques». «C’est par là que j’ai commencé la lutte contre la corruption en limogeant les PDG de ces banques, y compris ceux de la Banque algérienne du commerce extérieur à Zurich et de la banque Algéro-Koweïtienne à Luxembourg», a-t-il ajouté.Après son limogeage du gouvernement, selon l’ex-ministre du Trésor, «la corruption s’est intensifiée depuis cette date et personne n’a repris mon combat». «Quant à mon successeur, il a été chargé de mettre fin aux enquêtes que je menais et de rétablir certains PDG que j’avais limogés», a-t-il indiqué.
Concernant le rôle de l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia, Ali Benouari affirme «qu’il a été chargé, entre autres, de liquider des centaines d’entreprises publiques, d’emprisonner des milliers de cadres et d’empêcher que ne s’ouvre tout débat sur les réformes. Notamment celle que je prônais entre 1994 et 2005, à savoir la réforme monétaire que je jugeais indispensable pour lutter contre la corruption institutionnelle».En conclusion, le politique a souligné que récupérer «l’argent volé nous est absolument nécessaire pour faire redémarrer notre économie sans devoir passer par le FMI ou la mendicité internationale, situations que nous avons vécues de 1988 à 1994».
Les 22 et 23 avril, le tout puissant homme d’affaires algérien Issad Rebrab, PDG du groupe agroalimentaire Cevital, les frères Kouninef et Ali Haddad réputés proches de Saïd Bouteflika, ainsi que huit cadres du ministère algérien de l’Industrie ont été tous placés sous mandat de dépôt par le procureur de la République du tribunal de Sidi M’Hamed, à Alger.Enfin, la justice a interdit à un certain nombre de personnes de quitter le territoire algérien. Les noms n’ont pas été dévoilés, mais les médias avaient déjà révélé ceux d’une dizaine d’hommes d’affaires influents, tous liés à l’entourage du l’ex-chef de l’État.
Dans un communiqué, l’armée algérienne a nié toute «injonction» de sa part dans la lutte contre la corruption ayant abouti à l’incarcération de plusieurs hommes d’affaires et hauts responsables de l’État. Elle a également réitéré sa détermination à garantir à la justice les conditions du «libre exercice de ses fonctions sans contraintes ni pressions».