Sommet des Balkans : Macron et Merkel poussent la Serbie et le Kosovo à s’entendre

Emmanuel Macron et Angela Merkel ont donné le coup d’envoi lundi à Berlin d’un sommet des Balkans où ils appellent Serbie et Kosovo à d’abord renouer leur dialogue, avant toute avancée sur une éventuelle adhésion à l’UE.

Avant ce sommet informel qui réunit les dirigeants de toute la région, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont affiché leur entente pour oeuvrer ensemble pour la stabilité des Balkans, où Paris promet de se « réengager ».

Alors que des négociations organisées sous l’égide de l’Union européenne sont au point mort, Berlin et Paris ont décidé d’intervenir. Car les relations entre la Serbie et son ancienne province kosovare se sont encore dégradées cet automne, vingt ans après leur conflit sanglant. Notamment depuis l’instauration par Pristina de droits de douanes de 100 % sur les importations de produits serbes.

« Nous parlerons de la manière d’accompagner le rapprochement entre la Serbie et le Kosovo, surtout pour empêcher que les problèmes n’apparaissent encore plus insolubles qu’ils ne le sont déjà (…). Les droits de douanes ne vont pas tout à fait dans le bon sens, c’est le moins qu’on puisse dire », a lancé Angela Merkel.

D’ici là, les négociations d’adhésion attendront. « Nous avons organisé cette initiative commune car nous nous sommes attachés à la perspective européenne des pays des Balkans occidentaux. Mais je tiens à dire très clairement qu’aujourd’hui il n’est pas question de négociations d’adhésion. Pour cela il y a une procédure pilotée par la Commission », a précisé la chancelière.

« L’actualité n’est pas, comme l’a dit à l’instant Angela Merkel, à la politique d’élargissement de l’UE mais bien à une politique de stabilité régionale », a confirmé Emmanuel Macron.

La Serbie est en phase de négociations en vue de son adhésion à l’UE mais le processus sera très long. Le Kosovo n’en est pas encore là, mais l’UE lui reconnaît à terme une perspective d’adhésion.

La chancelière et le président français ont ainsi pris le contrepied de la Commission qui parie sur l’adhésion serbe et kosovare pour régler leur différend. « Soit nous exportons de la stabilité, soit nous importons de l’instabilité », a ainsi déclaré le commissaire européen à l’élargissement Johannes Hahn lundi.

A deux semaines des élections européennes, aucun des deux dirigeants ne préconise d’accélérer l’élargissement à de nouveaux pays.

Il y a deux décennies, une guerre avait fait perdre à Belgrade le contrôle du territoire kosovar. Mais la Serbie considère toujours le Kosovo comme une de ses provinces.

L’été dernier, le dialogue semblait pouvoir repartir en s’appuyant sur l’idée, défendue par les présidents serbe Aleksandar Vucic et kosovar Hashim Thaçi, « d’échanges de territoires » ou de « corrections frontalières », avant une reconnaissance mutuelle.

Le chef d’Etat serbe espérait manifestement accélérer ainsi la marche de son pays vers une adhésion à l’UE.

Mais Berlin y voit un risque de réveiller les vieux démons balkaniques, dans une zone déchirée par les guerres durant les années 1990.

A peine entamé, le dialogue serbo-kosovar a tourné court après l’obstruction serbe à la candidature du Kosovo à Interpol. Le Kosovo a répliqué par ses taxes commerciales prohibitives. La Serbie refuse de revenir à la table des discussions de l’UE tant que ces droits n’auront pas été supprimés.

Des deux côtés, les attentes à Berlin et à Paris sont du coup très mesurées. « Il ne s’agit pas de prendre des décisions » lundi, a admis la chancelière avant le début de la réunion, en parlant de « petit pas sur une longue route ».

« A l’heure actuelle je ne vois pas bien comment et de quoi parler avec Pristina », a affirmé le président serbe la semaine dernière lors d’une visite à Pékin.

Au Kosovo, le président Hashim Thaçi a jugé que le sommet « pourrait ouvrir des opportunités » ou être « décevant ».

Les retrouvailles entre Angela Merkel et Emmanuel Macron sont les premières depuis les critiques inhabituelles exprimées par le président français la semaine dernière à l’encontre de Berlin.

Qu’il s’agisse du Brexit, des relations commerciales avec les Etats-Unis ou des dossiers économiques, Paris ne cache plus sa frustration à l’égard du gouvernement Merkel, dans un contexte envenimé par la proximité des élections européennes.

Ce sommet des Balkans sera également l’occasion pour Paris « de réengager la France d’une façon plus active dans la région des Balkans occidentaux », a indiqué la présidence française.

M. Macron effectuera une visite à Belgrade « cette année », a ajouté l’Elysée. Celle prévue en décembre avait été annulée à cause de la crise des « gilets jaunes ».

Lien