Le muguet n’a pas toujours été la star du 1er Mai

La nuit du 30 avril au 1er mai a toujours été attendue, célébrée et parfois crainte, symbole de l’arrivée des beaux jours, la fin des frimas de l’hiver et le retour d’une nature toute-puissante.

Les Celtes fêtaient Beltaine en allumant des feux purificateurs contre les mauvais esprits – dont il reste des traces pour la Saint-Jean proche du solstice d’été –, mais aussi en cueillant des herbes ou des rameaux censés agir comme des barrières protectrices, que les habitants intègrent peu à peu à leur folklore. Au matin du 1er mai, on part ainsi ramasser des branches d’aubépine, considérée comme la fleur des fées, sans risquer de s’exposer à la colère de ces dernières… On fait sécher les fleurs qui serviront plus tard à des potions utilisées dans l’année – l’aubépine a des vertus calmantes, notamment en cas de problèmes cardiaques. Le rameau fleuri, accroché sur la façade, est également censé protéger la maison de la foudre. L’aubépine est parfois remplacée par d’autres variétés, comme une branche de noisetier, que l’on suspend près des portes ou des étables et des bergeries, comme on le fait également pour le buis béni.

La terre se réveille, les bourgeons craquent, la végétation explose… Une vieille tradition veut que l’on se précipite dès l’aube pour profiter de la rosée du joli mois de mai : certains de nos ancêtres se roulaient ainsi dans l’herbe mouillée, bienfaisante et purificatrice. On trouve même la trace de collecteurs de rosée, notamment dans le Berry, qui ramassent le nectar à l’aide d’un grand linge au bout d’une perche. La première eau du jour sert à se laver le visage, un rite censé garantir un teint frais pour l’année et chasser les taches de rousseur, considérées autrefois comme la trace d’un maléfice. Les paysannes en badigeonnent également le pis des vaches pour qu’elles donnent davantage de lait dans les mois qui suivent. Quant aux bergers, ils envoient leurs troupeaux dès l’aube pour brouter l’herbe humidifiée de rosée fraîche, cette « crème de mai », comme on l’appelle, qui donne un « lait de mai », et même « un beurre de mai » particulièrement recherché…

Lilas, églantier et pâquerette

Le mois de la sève montante est également celui des amours naissantes où le symbolisme végétal prend toute sa place. Les jeunes gens du village se retrouvent pour célébrer le nouveau mois, on chante la nuit sous les fenêtres des habitations, on plante un arbre sur la place, on dépose aussi un bouquet ou des branches de feuillage – des « mais » – sur la porte des jeunes filles courtisées, avec des rubans et parfois des billets doux… Une façon détournée de déclarer sa flamme et de rapprocher les familles en vue des noces. L’aubépine est encore une fois la plus courante, elle signifie votre engagement, tandis que l’églantier dévoile votre amour profond. Si vous déposez du lilas, vous célébrez la beauté et la modestie de la personne, un rameau de charme dévoile son charme, la pâquerette révèle un attachement durable, la primevère souligne une affection partagée… Mais d’autres végétaux transmettent également un message très clair : le sapin signifie « catin », le saule désigne « une pleureuse », le romarin une « femme douteuse », le houx une fille « cruelle » et l’ortie sert à rompre la relation. Devant la demeure d’une fille de très mauvaise réputation, on pouvait aller jusqu’à déposer « un mai » d’épines ou de ronces avec des cadavres d’animaux…

Le muguet s’imposera bien plus tard comme le bouquet du jour, notamment au cours du XXe siècle : ses clochettes blanches symbolisent parfaitement la pureté printanière et la rosée bienfaitrice. Largement célébrée dans certaines régions de France, comme autour de Nantes ou de Compiègne, la fleur s’impose peu à peu sur les cartes postales et les boutonnières, comme porte-bonheur du jour. Largement repris dans les publicités, les brins de clochettes vont finir par détrôner l’églantine rouge, que les ouvriers ont longtemps arborée sur leurs vêtements lors des manifestations du 1er Mai…

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