Le locataire de la Maison Blanche, Donald Trump, reçoit aujourd’hui le premier ministre hongrois Viktor Orban, l’un de ses rares admirateurs revendiqués en Europe, lors d’une visite qui suscite de vives critiques à Washington tant le dirigeant national-conservateur est accusé de saper la démocratie dans son pays.
Ce tête-à-tête avec le président des Etats-Unis, qui multiplie les piques contre l’Union européenne, va offrir une tribune de choix à Viktor Orban, connu pour ses positions eurosceptiques, à moins de deux semaines d’élections européennes lors desquelles le camp souverainiste et populiste devrait réaliser une poussée. «S’appuyant sur les liens anciens entre les Etats-Unis et la Hongrie, le président et le premier ministre évoqueront les moyens de renforcer la coopération» entre les deux pays, a déclaré la semaine dernière la porte-parole de la Maison Blanche Sarah Sanders.
L’annonce de cette visite est intervenue le jour où le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo annulait à la dernière minute un déplacement à Berlin pour rencontrer la chancelière allemande Angela Merkel. Une ironie du calendrier que de nombreux observateurs ont vu comme emblématique de l’évolution des relations transatlantiques depuis l’élection du milliardaire républicain, accusé de préférer les hommes forts, voire les autocrates, aux dirigeants des démocraties occidentales alliés traditionnels de Washington.
En septembre, le premier ministre hongrois, au pouvoir depuis 2010, avait qualifié Donald Trump d’«icône» pour le mouvement souverainiste, après le discours anti-«mondialiste» de ce dernier devant l’Assemblée générale de l’ONU. Cette proximité idéologique a permis un réchauffement des relations alors que Viktor Orban s’était régulièrement vu reprocher par la précédente administration démocrate de Barack Obama des atteintes à la liberté de la presse, de la justice et de la société civile.
Plusieurs voix se sont d’ailleurs élevées à Washington pour dénoncer la visite du chef du gouvernement hongrois. Il «n’a pas sa place dans le Bureau ovale», ont estimé Rob Berschinski, de l’organisation Human Rights First, et Hal Brands, de l’université Johns Hopkins. «Non seulement car ce sera vu comme l’adoubement d’un dirigeant qui a démantelé avec succès une démocratie, mais aussi car cela confirme une stratégie absolument menaçante pour la sécurité transatlantique», ont-ils ajouté dans une tribune publiée par le quotidien Washington Post. En cause, notamment, la proximité croissante entre la Hongrie, membre de l’Otan, et la Russie. Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo avait d’ailleurs mis en garde Budapest contre ses liens avec Moscou lors d’une visite dans la capitale hongroise en février. Plusieurs députés démocrates ont même appelé dans une lettre le président Trump à renoncer à accueillir Viktor Orban tant qu’il n’aura pas «remis son pays sur le chemin de la démocratie et des droits humains».
Sans aller jusque-là, un groupe d’influents sénateurs démocrates mais aussi républicains a exhorté l’hôte de la Maison Blanche, dans un autre courrier, à soulever lors de ses entretiens avec le dirigeant hongrois «l’érosion» de la démocratie dans son pays. Prié de dire si la liberté de la presse et les droits humains seraient à l’ordre du jour de ce tête-à-tête, un haut responsable américain a éludé: «L’objet de cette rencontre est simplement de renforcer la relation stratégique entre pays alliés», «pas forcément de discuter de chaque sujet des relations bilatérales», a-t-il dit à des journalistes, assurant que ces dossiers avaient déjà été évoqués avec Budapest.