À dix jours des élections européennes, la chancelière allemande ne cache pas les tensions qui existent entre son homologue français et elle, jusqu’à évoquer des «confrontations» et «une relation conflictuelle». Mais à quoi ses déclarations font-elles allusion?
Les désaccords s’accumulent entre Paris et Berlin depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Et Angela Merkel a décidé d’en parler publiquement, sans prendre de pincettes. Dans un entretien au Süddeutsche Zeitung, elle évoque des «confrontations», des «désynchronisations» et des «différences de mentalité» avec le Président français.
Une taxe sur les géants du numérique
D’abord, c’est la taxation des géants du numérique, les Gafa, acronyme de Google, Apple, Facebook, Amazon. Depuis le début, l’Allemagne affichait sa réticence face au projet français visant à taxer les Gafa à hauteur de 3% des revenus tirés de certaines activités, en particulier la publicité et la revente de données personnelles.
De son côté, Paris voulait qu’une décision soit prise dès décembre par l’UE, avertissant qu’un refus de l’Allemagne serait perçu comme «une rupture de confiance». Angela Merkel, quant à elle, craignait des répercussions des États-Unis contre les entreprises allemandes.Lors de la réunion du Conseil des ministres de l’Économie du 6 novembre 2018, Berlin a accepté la mise en place de la taxe à condition qu’elle n’entre en vigueur qu’à partir de janvier 2021.
Un Brexit dur
Fin mars 2019, Theresa May qui avait engagé des discussions avec l’opposition travailliste pour faire ratifier l’accord de retrait de l’UE, a demandé une extension jusqu’au 30 juin. De son côté, Emmanuel Macron ne semblait pas enclin à lui offrir ce cadeau sans garantie en contrepartie et plaidait pour un délai court lors du Conseil européen, tandis qu’Angela Merkel prônait une durée plus longue.La chancelière avait alors jugé «incompréhensible» le «raisonnement» d’Emmanuel Macron défavorable à une extension trop longue du délai avant un Brexit définitif. Norbert Röttgen, membre du CDU — parti de Mme Merkel — et président de la commission des Affaires étrangères, accusait quant à lui le Président français de «donner la priorité à ses intérêts de politique intérieure sur l’unité européenne».
La réforme de la zone euro
En juin 2018, la Chancelière allemande a réaffirmé son opposition à l’une des idées phares de la réforme de la zone euro d’Emmanuel Macron, qui veut la doter d’un important budget d’investissement dont le montant atteindrait des centaines de milliards d’euros.
«Je ne dis pas qu’il n’aura rien de ce qu’il veut», a-t-elle déclaré à la télévision allemande, soulignant que son homologue français avait fait des propositions «dont il sait depuis longtemps qu’elles ne sont pas les bonnes selon moi».
Toutefois, les deux dirigeants se sont ensuite mis d’accord sur un soutien réciproque à l’euro, l’instauration d’un budget de la zone euro d’ici à 2021 et plus de solidarité sur les questions migratoires.
Nord Stream 2
Nord Stream 2 a bien failli devenir une véritable pierre d’achoppement entre Paris et Berlin. En février 2019, Paris a menacé d’accepter le projet d’amendements à la directive européenne sur le gaz visant à empêcher l’exploitation du gazoduc Nord Stream 2 appartenant à la société russe Gazprom.
L’Allemagne était opposée à cette directive, soutenue par l’Autriche, la Belgique, Chypre, la Grèce et les Pays-Bas. Ainsi, à peine trois semaines après la signature du traité d’Aix-la-Chapelle, le recul de Paris a créé de vifs remous à Berlin. De nombreux experts ont alors suggéré que Macron aurait cédé à la pression américaine.Finalement, les deux pays sont parvenus à un compromis qui a été approuvé par les Vingt-Huit. Selon lui, l’application des règles européennes pour les gazoducs avec des pays tiers comme la Russie incombe au pays de l’UE où ils sont reliés pour la première fois au réseau européen. Dans le cas de Nord Stream 2, il s’agit donc de l’Allemagne.
Un porte-avions européen
Enfin, bien que Mme Merkel ait soutenu l’idée de son homologue français de créer une armée européenne, la proposition de construire un porte-avions européen n’a pas été la bienvenue. Le 8 mai dernier, la ministre française des Armées Florence Parly a jugé prématurée la proposition de la chancelière allemande de lancer la construction d’un porte-avions européen, soulignant que cela nécessitait un commandement européen compliqué à mettre en œuvre.