Pourtant bien placée dans les sondages pour être élue à la présidence de l’Argentine en octobre, l’ex-présidente de gauche Cristina Kirchner a annoncé samedi qu’elle laissait la voie libre à un de ses lieutenants, Alberto Fernandez, plus consensuel.
A trois jours du début de son premier procès pour corruption, l’annonce que Cristina Kirchner ne briguerait que le poste de vice-présidente est un coup de théâtre dans le pays.
Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, Mme Kirchner demande à Alberto Fernandez, un avocat de 60 ans, ancien chef du gouvernement argentin de 2003 à 2008, d’être candidat à la succession du président de centre-droit Mauricio Macri. Ce dernier avait succédé à Mme Kirchner fin 2015.
« J’ai demandé à Alberto Fernandez de prendre la tête du ticket que nous formerons, lui comme candidat à la présidence et moi comme candidate à la vice-présidence lors des primaires » du 11 août, a déclaré la sénatrice de 66 ans dans un message enregistré.
Alberto Fernandez n’a pas encore fait connaître sa réponse, mais un refus semble improbable.
Stratégie électorale
Mise en examen dans plusieurs dossiers de malversations durant ses deux mandats à la tête de l’Argentine (2007-2015), Cristina Kirchner conserve une forte base électorale, notamment parmi les plus défavorisés, mais également un niveau de rejet élevé.
Elle faisait partie jusqu’à présent des favoris de l’élection présidentielle du 27 octobre, en compagnie de Mauricio Macri.
Protégée par son immunité parlementaire, elle a pu échapper à des mandats d’arrêt du juge Claudio Bonadio, qui instruit la plupart des affaires de corruption la visant.
Le politologue argentin Sergio Berenzsztein voit là une « décision stratégique », en rappelant que le président russe « Vladimir Poutine avait été le second de Dmitri Medvedev », devenu chef de l’Etat entre 2008 et 2012, tout en conservant son influence.
Dans son message, Cristina Kirchner rappelle qu’elle a été la première femme à devenir présidente de la troisième économie d’Amérique latine, mais que « l’ambition personnelle doit être subordonnée à l’intérêt général ».
La mise en avant d’Alberto Fernandez, avec qui Mme Kirchner s’était brouillée alors qu’elle dirigeait le pays, est une façon d’élargir sa base électorale.
Rassembler
Alberto Fernandez, qui fut chef de gouvernement du président Nestor Kirchner (2003 – 2007) puis de son épouse Cristina, apparaît comme un politicien plus modéré, susceptible de rassembler au-delà des électeurs traditionnels de Mme Kirchner.
« La présence de Cristina Kirchner dans le ticket lui permet de conserver 100 % de ses intentions de vote et d’offrir un candidat qui ne suscite pas autant de rejet que l’ex-présidente, dans la perspective du second tour », souligne Rafael Gentili, président du Laboratoire de politiques publiques, un centre d’études argentin.
« C’est une stratégie électorale. Politiquement c’est un rameau d’olivier en direction des péronistes non kirchnéristes », poursuit le politologue.
Le mouvement péroniste, fondé par l’ex-président Juan Domingo Peron dans les années 1950, est actuellement divisé en deux factions, une de gauche dirigée par Mme Kirchner, et une plus centriste, sans leader défini.
« Alberto Fernandez est un péroniste pragmatique », rappelle Rafael Gentili. « Il était plus proche de Nestor Kirchner que de Cristina. Le pari de Kirchner c’est d’élargir l’alliance électorale. Et il ne fait pas peur aux marchés comme Cristina Kirchner ».
« S’il est élu », remarque M. Gentili, « Alberto Fernandez exercera pleinement le pouvoir, il ne serait pas un secrétaire de Cristina Kirchner. Mais elle aurait une énorme influence ».
La campagne électorale va repartir sur de nouvelles bases.
En attendant, la candidate à la vice-présidence se rendra mardi au tribunal de Comodoro Py à Buenos Aires, pour répondre aux accusations de favoritisme dans l’attribution de marchés publics aux entreprises de l’homme d’affaires Lazaro Baez, qui gagnait pratiquement tous les appels d’offre dans la province de Santa Cruz pendant les gouvernements de Nestor puis de Cristina Kirchner.