Le PM israélien goûte à l’échec, son avenir à nouveau en jeu dans les urnes

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a essuyé un revers cinglant en échouant dans ses efforts pour former une coalition de gouvernement, et a préféré provoquer de nouvelles élections quelques mois à peine après le précédent scrutin, du jamais vu en Israël.

A l’issue d’une journée de débats envenimés et sous les cris de « honte à vous » lancés par l’opposition, le Parlement a voté à la première heure jeudi sa propre dissolution et la tenue de nouvelles élections, un mois seulement après avoir prêté serment à la suite des législatives du 9 avril. Les Israéliens retourneront aux urnes le 17 septembre pour la deuxième fois en cinq mois.

C’est une rare défaite pour le flamboyant et orgueilleux M. Netanyahu, au pouvoir sans discontinuer depuis 2009 et plus de 13 ans au total en comptant un précédent mandat. C’est aussi un choix contraint illustrant la vulnérabilité du Premier ministre sortant, pas loin de passer pour imbattable mais fragilisé par sa possible inculpation dans trois affaires de corruption présumée.

Comme en avril, le scrutin de septembre devrait tenir pour une bonne part du référendum pour ou contre Benjamin Netanyahu.

L’avenir de cet animal politique réputé autant pour sa virtuosité que son instinct de survie est en jeu. Début octobre, deux semaines après les élections, M. Netanyahu aura rendez-vous avec le procureur général, qui devrait décider ou non de son inculpation.

L’issue de la consultation de septembre est, à cette heure, aussi incertaine que celle d’avril.

M. Netanyahu, 69 ans, en était ressorti le mieux placé pour former le prochain gouvernement et battre le record de longévité de l’historique David Ben Gourion au poste de Premier ministre, en s’appuyant sur une majorité parlementaire théorique de 65 voix sur 120.

Impossible option

En réalité, M. Netanyahu n’a pas réussi, dans le délai imparti –mercredi minuit–, à former une coalition avec les partis de droite plus ou moins centristes ou radicaux et les formations ultra-orthodoxes représentant les quelque 10% d’Israéliens observant rigoureusement les règles du judaïsme.

Plutôt que de voir le président Reuven Rivlin donner sa chance à un autre, il a fait le choix d’initier de nouvelles élections, prêtant davantage le flanc à l’accusation de s’accrocher à son poste pour sauver sa peau.

Depuis des mois, la presse rapporte les projets de M. Netanyahu et de ses alliés de faire adopter des textes prémunissant le Premier ministre contre les poursuites.

Si le Premier ministre s’était désisté au profit d’une autre personnalité du Likoud, « il aurait suffi d’un journée ou d’un coup de fil pour former un gouvernement entre le Likoud et Bleu-blanc (la liste qui a fini à égalité avec le Likoud le 9 avril), un gouvernement très stable de centre droit », a dit le politologue Yohanan Plesner à des journalistes. « Mais ce (n’est) pas une option tant que Netanyahu dirige le Likoud ».

Le plan de route de M. Netanyahu a dérapé sur le vieil antagonisme entre laïcs nationalistes et ultra-orthodoxes, autour de l’exemption de service militaire dont bénéficient des dizaines de milliers d’étudiants des écoles talmudiques.

Avigdor Lieberman, chef du parti nationaliste et laïc Israël Beiteinou, s’est arc-bouté sur l’exigence d’une loi annulant l’exemption systématique des ultra-orthodoxes. Une « question de principe », a-t-il martelé. Une ligne rouge pour les ultra-orthodoxes.

M. Lieberman, dont le parti se bat pour rester en vie à chaque élection, a trouvé là de quoi s’assurer l’adhésion d’au moins une partie des nombreux Israéliens qui voient dans l’exception ultra-orthodoxe une injustice.

« Début de la fin » ?

A l’heure de l’échec, Benjamin Netanyahu a donné une préfiguration de son prochain argumentaire de campagne. Lui, l’interlocuteur des grands de ce monde, celui envers qui le président Donald Trump a multiplié les marques de faveur, a mis en avant sa stature en invoquant l’annonce le jour même d’une future rencontre, en juin à Jérusalem, entre les conseillers à la sécurité nationale américain, russe et israélien.

Une première dans l’histoire d’Israël, a fait valoir M. Netanyahu. « C’est ce que nous devrions être en train de faire plutôt que de gaspiller l’argent dans des élections inutiles », et tout cela parce que M. Lieberman veut plus que les cinq sièges gagnés en avril, s’est-il indigné.

Cependant, même le quotidien Israel Hayom, généralement favorable à M. Netanyahu, estime qu’il n’a pas repéré à temps la menace Lieberman. Une négligence hors du commun de la part de ce maître manoeuvrier.

Depuis avril, les démêlés judiciaires de M. Netanyahu et la publication des projets législatifs qui lui sont prêtés pour se protéger ont réduit sa marge de manoeuvre, juge encore Yohanan Plesner. Pour autant, sa défaite le 17 septembre est tout sauf acquise, au contraire, disent les experts.

L’échec de M. Netanyahu mercredi peut « signaler le début de la fin » pour lui, et « il n’est plus aussi fort que par le passé », estime Abraham Diskin, professeur de Sciences politiques. Mais « Netanyahu est une personnalité très forte, il ne se rend pas aussi facilement. Il va se battre ».

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