Depuis mi-avril, Philippe Caldero occupe seul son bureau à l’université Lyon 1. Son collègue, le mathématicien et maître de conférences Tuna Altinel, n’est jamais rentré de son voyage en Turquie, son pays d’origine.
Il est aujourd’hui en détention provisoire, accusé par les autorités turques de « propagande en faveur d’une organisation terroriste ». Un véritable choc pour ses collègues enseignants.
« Pendant le congé universitaire, il en a profité pour aller voir sa famille et là, à ce moment-là, on lui a confisqué le passeport, explique Philippe Caldero, qui enseigne lui aussi les mathématiques_. Ensuite, il a été obligé de rester et ça a duré plus longtemps. »
Depuis des années, Tuna Altinel dénonçait les atteintes aux libertés et aux droits fondamentaux en Turquie. Ankara lui reproche notamment d’avoir signé une pétition en 2016 qui condamnait l’isolement par l’armée turque de nombreuses villes kurdes dans le sud-est du pays. Mais c’est avant tout sa participation à une conférence en février dernier qui lui vaut d’être accusé de propagande en faveur du parti des travailleurs du Kurdistan, considéré comme une organisation terroriste. Cette conférence avait organisée à Lyon par une amicale kurde. Tuna Altinel avait alors servi d’interprète à un député en exil du HDP, un parti pro-kurde. Pour Gilles Lemée, membre du bureau de l’association, une accusation abusive.
« On le punit pour avoir participé à une réunion parfaitement légale en France, d’une association parfaitement légale, qui ne demandait pas à faire des actions violentes, à prendre les armes, à tuer qui que ce soit, mais qui montrait des exactions qui avaient été commises trois ans auparavant et qui les dénonçait, évidemment », déplore-t-il.
En Turquie, des centaines d’universitaires ont été condamnés pour avoir dénoncé les violations des droits de l’Homme. Mi-mai, un rassemblement a eu lieu à Lyon en soutien à Tuna Altinel.
« Ce que j’espère, c’est que le gouvernement français va avoir un petit peu de ténacité pour défendre un de ses fonctionnaires qui est incarcéré pour les opinions qu’il a exprimé », martèle une de ses amies, Christine Charreton.
Tuna Altinel réside et travaille en France depuis plus de 20 ans et aujourd’hui, ses collègues et ses proches craignent de ne plus le voir revenir.