Le chef de la junte au pouvoir en Thaïlande depuis un coup d’Etat en 2014, le général Prayut Chan-O-Cha, est le grand favori pour conserver son poste de Premier ministre après les législatives controversées de mars, même si il est défié par un jeune millionnaire.
Les députés et les sénateurs sont réunis depuis mercredi matin pour élire le chef du gouvernement, après plus de deux mois d’intenses tractations du parti de la junte, le Palang Pracharat, pour s’assurer une majorité parlementaire.
Il l’a désormais obtenue grâce au ralliement de plusieurs mouvements conservateurs, au premier rang desquels le vieux parti Démocrate.
Face à Prayut Chan-O-Cha dans la course au poste de Premier ministre, le jeune millionnaire Thanathorn Juangroongruangkit, fondateur du nouveau parti d’opposition Future Forward, qui a créé la surprise aux législatives en séduisant notamment la jeunesse.
Il est devenu la troisième force politique du pays mais les ennuis judiciaires, dénoncés comme politiques, se sont accumulés contre le charismatique homme d’affaires. Et il a été suspendu temporairement de son mandat de député.
« La chose la plus importante, c’est de rétablir la démocratie en Thaïlande… Et d’empêcher Prayut de revenir comme Premier ministre », a-t-il déclaré mardi.
Lors de la première réunion du Parlement, il avait fait une sortie remarquée: les députés de son camp s’étaient levés en faisant le salut (trois doigts levés) du film « Hunger games », symbole dans le long-métrage de rébellion contre une élite dictatoriale. Ce geste est depuis devenu le signe de ralliement de l’opposition en Thaïlande.
Abhisit Vejjajiva, figure du Parti démocrate et ancien Premier ministre, a créé l’évènement mercredi en annonçant devant le Parlement démissionner de son poste de député.
« Je ne peux pas entrer dans l’assemblée et voter pour le général Prayut Chan-O-cha, je ne peux pas faire ça », a-t-il lancé alors que la décision de soutenir les généraux divise certains membres de son parti.
Dés pipés
L’opposition dénonce la façon dont les dés ont été pipés par les militaires pour ces premières élections depuis le coup d’Etat de 2014.
En se garantissant dans la nouvelle Constitution un contrôle total du Sénat, entièrement nommé par les militaires, le parti de la junte n’a en effet besoin que de 126 voix parmi les 500 députés pour que Prayut Chan-O-Cha conserve son poste de Premier ministre.
Il en a obtenu déjà 115 lors du scrutin, et avec les ralliements d’autres mouvements politiques comme le parti Démocrate, il devrait très facilement dépasser ce seuil.
L’opposant Thanathorn n’a lui quasiment aucune chance d’être élu même si numériquement la coalition d’opposition qu’il représente est largement devant. Il doit obtenir 376 voix pour pouvoir former un gouvernement, un chiffre quasiment impossible à atteindre.
Le bon score de Future Forward, plébiscité par plus de 6 millions d’électeurs, montre en tous cas que le vieux clivage politique entre les factions « Rouges » -réformatrices et proches de l’influente famille Shinawatra- et les « Jaunes » -l’élite conservatrice alignée sur l’armée- est dépassé.
Le nouveau roi de Thaïlande Maha Vajiralongkorn a insisté début mai lors de son couronnement sur la nécessaire « unité » de son royaume.
Le monarque est intervenu deux fois pendant la campagne des législatives, les premières depuis le coup d’Etat de 2014, opposant une fin de non-recevoir aux aspirations de sa sœur, la princesse Ubolratana, à faire son entrée en politique pour un parti proche de l’ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra.
Et la veille du scrutin, le souverain a exhorté les Thaïlandais à « soutenir les bonnes personnes » pour « empêcher le chaos », une déclaration perçue comme un soutien aux militaires.
Au final, « le nouveau Premier ministre aura beaucoup à faire pour moderniser le pays et réduire les fortes inégalités au sein de la population », a relevé à l’AFP l’ancien gouverneur de la banque de Thaïlande, Chatumongol Sonakul, qui vient d’entrer au Parlement et dont le mouvement a rallié le parti de la junte.