Le Premier ministre japonais Shinzo Abe est attendu mercredi à Téhéran pour une visite inédite d’un peu plus de 24h qu’il compte utiliser pour tenter de faire baisser la tension entre la République islamique et les Etats-Unis.
M. Abe, dont l’avion doit se poser dans l’après-midi est le premier chef de gouvernement nippon à se rendre en Iran depuis la révolution de 1979 ayant renversé le chah.
Le Japon est un allié clef de Washington, ennemi juré de la République islamique et entretient traditionnellement de bonnes relations avec l’Iran.
« Alors que l’heure est à l’inquiétude au vu des tensions croissantes au Moyen-Orient qui focalisent l’attention de la communauté internationale, le Japon espère faire de son mieux pour la paix et la stabilité de la région », a déclaré M. Abe à la presse avant de décoller de Tokyo.
M. Abe doit rencontrer mercredi le président iranien Hassan Rohani et jeudi matin le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei. Il a dit souhaiter avoir « un échange de vues franc » avec les deux hommes.
Selon une source au ministère des Affaires étrangères japonais, le voyage de M. Abe est destiné d’abord à « plaider pour une baisse des tensions » entre l’Iran et les Etats-Unis, ensuite « à consolider l’amitié » irano-japonaise, et enfin à « montrer » la volonté du Japon « à contribuer à la paix au Moyen-Orient ».
Cette visite intervient alors que l’Iran et les Etats-Unis sont pris dans un bras de fer.
Le président américain Donald Trump a retiré unilatéralement en mai 2018 son pays de l’accord international sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015, ce qui a entraîné le rétablissement de dures sanctions économiques contre l’Iran.
Washington a également déployé d’importants moyens militaires dans le Golfe et fait pression sur des alliés tels que le Japon pour qu’ils cessent d’acheter du pétrole iranien.
« Samuraï »
Selon le porte-parole du gouvernement japonais, M. Abe a eu M. Trump au téléphone mardi avec qui il a discuté entre autres choses de « la situation en Iran ».
Plusieurs officiels japonais ont néanmoins précisé que M. Abe ne se rendait pas à Téhéran muni d’une liste de demandes ou porteur d’un message de Washington.
M. Abe ne vient pas en Iran pour « assurer une médiation entre l’Iran et les Etats-Unis », a insisté mardi devant la presse un responsable japonais : « le but premier de la visite est de faire baisser les tensions »
Du côté iranien, M. Rohani a indiqué mercredi que l’Iran présenterait à M. Abe le message selon lequel « le principal coupable est l’Amérique », et « cela ne fait aucun doute pour tous les Iraniens ».
Aux yeux de Téhéran, le Japon bénéficie d’une aura favorable en tant que pays ayant réussi à se moderniser sans renoncer à ses traditions et en conservant une forte identité culturelle.
« Il nous semble très important qu’au niveau le plus haut nous appelions l’Iran, en tant que puissance régionale, à faire baisser la tension, à se conformer à l’accord nucléaire et à jouer un rôle constructif dans la stabilité de la région », avait déclaré récemment le porte-parole du gouvernement japonais Yoshihide Suga.
En Iran, certains commentateurs jugent possible que M. Abe se charge de véhiculer des messages entre Téhéran et Washington.
« La visite de M. Abe intervient juste après celle de M. Trump au Japon et les Américains ont donc intérêt à utiliser ce canal », a déclaré Ebrahim Rahimpour, ancien ministre adjoint des Affaires étrangères, au quotidien iranien Shargh.
Sous le titre « Un samuraï à Téhéran », le journal réformateur Sazangégui publie mercredi sur toute sa une un dessin de M. Abe en habit traditionnel de samuraï armé du bouclier du superhéros Captain America.
M. Abe utilisera aussi ce voyage pour faire valoir les intérêts de son pays.
Avant le retour des sanctions américaines, le Japon importait environ 5 % de son brut d’Iran et souffrirait d’une hausse du cours du pétrole.
Le voyage offre par ailleurs à M. Abe une occasion rare de jouer un rôle important sur la scène internationale, après plusieurs déceptions japonaises dans ce domaine.