Les Etats-Unis ont encore renforcé leur dispositif militaire au Moyen-Orient et appelé le monde à « ne pas céder au chantage nucléaire » de l’Iran, qui a annoncé qu’il franchirait bientôt une limite prévue par l’accord international sur son programme nucléaire.
« Les récentes attaques iraniennes valident les renseignements fiables et crédibles que nous avons reçus sur le comportement hostile des forces iraniennes », a indiqué le chef du Pentagone Patrick Shanahan. « Les Etats-Unis ne cherchent pas à entrer en conflit avec l’Iran », a-t-il souligné.
« J’ai autorisé l’envoi de 1.000 troupes supplémentaires à des fins défensives pour répondre à des menaces aériennes, navales et terrestres au Moyen-Orient », a-t-il précisé, assurant que les Etats-Unis « continueront de surveiller consciencieusement la situation » afin « d’ajuster le niveau des troupes » le cas échéant.
Cette annonce est intervenue peu après la publication par son ministère de nouveaux documents accusant l’Iran d’avoir attaqué deux pétroliers en mer d’Oman.
Onze nouvelles photos rendues publiques par le Pentagone montrent notamment un objet métallique circulaire de près de huit centimètres de diamètre attaché à la coque du pétrolier japonais Kokuka Courageous, qui est présenté comme un des aimants ayant permis de poser la mine non explosée que Washington accuse les Iraniens d’avoir retirée après l’incident, qui s’est produit le 13 juin.
Une autre de ces photos, prises d’un hélicoptère « Seahawk » de l’US Navy, montre la cavité provoquée par une seconde mine apposée sur la coque du même pétrolier, que le Pentagone évalue à plus d’un mètre de diamètre.
« L’Iran est responsable de cette attaque, comme le montrent les preuves vidéo et les ressources et les compétences requises pour retirer rapidement la mine aimantée non explosée », a indiqué le Pentagone dans un communiqué.
L’Union européenne s’est montrée plus prudente dans l’attribution des responsabilités de cette attaque et a refusé de s’aligner sur Washington.
L’Iran, de son côté, a annoncé que ses réserves d’uranium enrichi passeraient à partir du 27 juin au-dessus de la limite prévue par l’accord international sur son programme nucléaire conclu en 2015 à Vienne.
« Le compte à rebours pour passer au-dessus des 300 kilogrammes pour les réserves d’uranium enrichi a commencé et dans dix jours, c’est-à-dire le 27 juin, nous dépasserons cette limite », a déclaré Behrouz Kamalvandi, porte-parole de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique.
« Chantage »
Fruit d’intenses efforts diplomatiques entre l’Iran et le Groupe des Six (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie), l’accord vise à limiter drastiquement le programme nucléaire de Téhéran en échange d’une levée des sanctions économiques internationales.
Mais Washington s’est retiré unilatéralement du pacte en mai 2018 et a rétabli de lourdes sanctions contre Téhéran, qui presse depuis des mois les autres partenaires de l’aider à en atténuer les effets dévastateurs.
Jusqu’ici, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a certifié que l’Iran agissait en conformité avec les engagements pris à Vienne.
Les Etats-Unis ont appelé le monde « à ne pas céder au chantage nucléaire de l’Iran ». « Nous opposerons la pression maximale du gouvernement américain à toute action qui leur permettrait d’avoir une arme nucléaire », a prévenu Morgan Ortagus, porte-parole du département d’Etat américain.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui voit dans l’Iran une menace existentielle pour son pays, a appelé la communauté internationale à imposer « immédiatement » des sanctions contre Téhéran le jour où son stock d’uranium enrichi dépasserait la limite.
Le président Français Emmanuel Macron a appelé Téhéran à être « patient et responsable », souhaitant éviter une « escalade » alors que Paris oeuvre laborieusement pour maintenir vivant l’accord de Vienne.
Faute d’obtenir satisfaction, l’Iran a menacé de s’affranchir de deux autres de ses engagements.
Le président Hassan Rohani a indiqué que Téhéran cesserait d’observer les restrictions consenties « sur le degré d’enrichissement de l’uranium » et qu’il reprendrait son projet de construction d’un réacteur à eau lourde à Arak (centre).
Le réacteur d’Arak a été mis en sommeil conformément à l’accord de Vienne, qui impose également à Téhéran de ne pas enrichir l’uranium à un taux supérieur à 3,67%, très en-deçà des 90% nécessaires pour envisager la fabrication d’une arme atomique.
« Un jour ou deux »
M. Kamalvandi a indiqué qu' »aucune décision » n’avait encore été prise.
Concernant l’enrichissement d’uranium, il a néanmoins déclaré que les « scénarios » envisagés « vont d’un passage à 3,68% jusqu’à n’importe quel autre pourcentage en fonction des besoins du pays ». Il a par ailleurs averti qu’il ne faudrait « pas plus d’un jour ou deux » pour mettre en oeuvre cette décision.
Recevant lundi l’ambassadeur de France en Iran Philippe Thiébaud, le président Rohani a déclaré que Paris avait « encore le temps », avec les autres parties, de sauver l’accord, dont l' »effondrement » ne serait « assurément (…) pas dans l’intérêt de l’Iran, de la France, de la région ni du monde », selon le site internet du gouvernement.
Semblant impuissantes à agir face aux sanctions américaines, les trois capitales européennes exhortent Téhéran à continuer de respecter l’accord malgré tout. Le chef de l’ONU a lancé un appel similaire.
Mais les Européens doivent « s’inquiéter davantage du cas où l’Iran dépasserait le degré (maximal) d’enrichissement comme il a menacé de le faire », juge Ellie Geranmayeh, chargée de recherche sur l’Iran au Conseil européen des relations internationales.